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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

Art Roman / Art Gothique en Lauragais

Très présent en Lauragais, l’art roman est un complexe de monuments, d’oeuvres d’architecture militaire (châteaux) et religieux (églises, chapelles), de sculptures (chapiteaux), de peintures (fresques) correspondant aux années qui débutent vers l’An 1000 et qui s’achèvent vers 1200 ; après cette dernière date se développe un art différent appelé gothique, de 1200 à 1600.

Le portail roman de Baraigne
Le portail roman de Baraigne - Crédit photo : Jean Odol

Il ne faut toutefois pas cherche à confronter à tout prix ces deux styles. Le changement ne s’est pas fait en un jour et de nombreux bâtiments témoignent d’une transition en douceur entre roman et gothique. La cathédrale d’Albi, dont la construction débute en 1282 pour s’achever en 1480, en est un bon exemple qui offre le contraste entre l’austérité romane de la construction, vue de l’extérieur, et les voûtes gothiques et l’ornementation intérieure.
L’art est le reflet des temps : L’art roman est issu de peurs millénaristes de la fin des temps, des guerres et famines. L’art gothique est le fruit d’une période plus prospère : avancées techniques, augmentation de la population...
Nous vous proposons donc, dans ce numéro, deux itinéraires de découverte de quelques beaux monuments de l’architecture médiévale en Lauragais. Le choix effectué est arbitraire et ne constitue nullement l’inventaire exhaustif des merveilles architecturales de notre région.

frise chronologique

Circuit 1 : Labège – Baraigne

Situé sur les bergers de l'Hers, Labège s'est construit dès le Moyen Age autour de son église. L'église actuelle date du XIXe siècle , la première (début du XIIIe siècle) ayant disparu, les deux suivantes ayant brûlé. Cependant, la découverte de pièces de monnaie romaines atteste de l'ancienneté de l'installation humaine sur le territoire de l'actuelle commune.
Remonter vers Lanta par Escalquens, Odars, et Sainte-Foy-d'Aygrefeuille.
Propriété dès le XIIe siècle et jusqu'au XVIIe siècle de la famille Hunaud qui fut très active pour la cause cathare et la Réforme protestante, Lanta possède une église datant de 1852. Celle-ci s'élève sur les ruines de l'église Notre-Dame déjà mentionnée au XIIIe siècle. L'actuelle église Notre-Dame de l'Assomption comporte un clocher-mur comprenant quatre baies campanaires. L'église possède une très belle copie de la Vierge aux Donateurs de Van Dyck ainsi qu'une série de vitraux représentant les personnages bibliques, les patriarches, les évangélistes et les prophètes.
Remonter au nord, en direction de Saint-Anatoly. L'église comporte un clocher-mur de trois baies campanaires et une rosace. L'ensemble remonte au XVIe siècle. A proximité, on peut également admirer un pigeonnier de plan carré sur huit pieds.
Prendre la route pour Revel. Emprunter la départementale 1 et faire un crochet par Auvezines afin de découvrir un autre pigeonnier au lieu-dit « en Fourmen » puis les stèles commémorant la victoire des Occitans sur les Croisés en 1211.
Revel est la plus grande bastide du Lauragais. Fondée en 1342, durant la guerre de Cent Ans, par le roi de France Philippe VI de Valois, elle est conçue selon un plan octogonal. Prendre le temps de flâner sous les arcades entourant la place centrale et admirer la halle surmontée de son beffroi, où se réunirent les consuls de la commune et qui abrita en outre un des bureaux de travail de Pierre Paul Riquet. Autour de la place, on peut découvrir de très belles maisons « garlandes » du XVIIe et XVIIIe siècles.
Prendre vers le sud, à travers les coteaux jusqu'à Montferrand, à proximité d'Avignonet-Lauragais.
L'église romane du XIIe siècle renferme une série de stèles discoïdales découvertes dans le cimetière. Sur certaines, les gravures rappellent le métier du défunt (soc de charrue, marteau...). A l'extérieur, des fouilles ont mis à jour un des sarcophages mérovingiens ainsi qu'une église paléo-chrétienne.
Le château de Montferrand fut l'objet de siège et combats durant la croisade contre les albigeois

La porte fortifiée de Montferrand
La porte fortifiée de Montferrand - Crédit photo : René Claude Mazzella

Traverser la nationale 113, le canal du Midi et l'autoroute pour rejoindre Baraigne.
Baraigne abrite une très intéressante église romane du XIIe siècle avec de belles arcatures lombardes. Le portail d'entrée, bien que très simple comme souvent dans l'art roman, est un portail plein-cintre dont l'archivolte est décorée d'animaux, de têtes et de dessins en échiquier. Le clocher-mur comporte trois baies campanaires. L'église et son cimetière abritent une série de stèles discoïdales, dont l'une est visiblement d'influence cathare.

circuit art roman/art gothique

Circuit 2 : Salles-sur-l'Hers – Saint-Papoul

Salles-sur-l'Hers, au confluent du Petit Hers et de l'Hers Mort, marque l'entrée des collines de la Piège. L'église du XVIe siècle comporte un mur pignon classé à six baies campanaires. A l'angle nord-est de la ville se dresse l'imposant donjon du château, construit au XIIe siècle, qui abrite une très belle salle sur croisée d'ogive. L'agencement des rues est typique des bastides : place centrale et rues se coupant à angle droit.
Par les routes sinueuses, rejoindre, au sud, Belpech.
A Belpech, l’actuelle église Saint Saturnin semble avoir remplacé en 1312 une église antérieure romane, fondée au cours de la seconde moitié du XIIe siècle (1162). De cette église primitive subsiste un splendide portail roman, le plus beau du Lauragais. Le bestiaire roman est massivement représenté comme en donne un bref résumé de la sculpture du portail. Sur le piedroit de gauche nous observons Saint Pierre apôtre, le martyre de Saint Pierre, la remise des clefs à Saint Pierre, Saint Pierre tenant les clefs. Sur les chapiteaux : personnage chevauchant un animal, deux monstres affrontés à tête de félin et queue de serpent, une sirène-oiseau et une sirène-poisson, deux sirènes-poissons adossées. A droite, le jambage nous montre le martyre de Saint Saturnin la tête en bas. Sur les chapiteaux, des oiseaux affrontés buvant dans un vase et une série de dragons sur la dernière archivolte. Dans la partie supérieure, à gauche, l’Annonciation et l’ange Gabriel, à droite la Vierge. Enfin une série de corbeaux à têtes humaines grimaçants et une frise de petites têtes masculines groupées par deux et tournées l’une vers l’autre dans une attitude de conversation.
Pour une étude plus précise du portail, il faut consulter les travaux exhaustifs de Jean Nougaret (voir bibliographie). L’église actuelle mérite le détour, du gothique du 14e siècle, mais aussi des stèles discoïdales et le tombeau d’un ancien curé d’Antioche, castrum près de Payra sur l’Hers où couchèrent les faydits (proscrits cathares) descendus de Montségur en mai 1242 et qui allaient exécuter les Inquisiteurs à Avignonet. Ce curé deviendrait plus tard évêque d’Avignon et de Mirepoix (voir CL n°104).
En remontant sur Baraigne, faire un crochet par Payra-sur-l'Hers pour admirer le portail roman de l'église, ses têtes sculptées et les modillons soutenant la corniche.
A Baraigne, prendre le temps de découvrir l'église, son cimetière et ses stèles discoïdales. (Pour plus de renseignement, se reporter à l'itinéraire 1).
Traverser l'autoroute, le canal du Midi et la nationale 113 pour arriver à Saint-Papoul.
Cette commune située à l'orée de la Montagne Noire s'organise autour de rues étroites bordées de maisons à encorbellements.
L'abbaye bénédictine, fondée au VIIIe siècle, est remarquable par ses chapiteaux et modillons sculptés notamment par le Maître de Cabestany (voir encadré). Ses oeuvres sont situées à l'extérieur de l'abside sud et de l'abside nord. En 1993, des travaux ont dégagé deux chapiteaux inconnus : “les musiciens” et “les lions”. Les chapiteaux sont au nombre de sept dont cinq sont à l’extérieur, deux dans la sacristie, deux sont historiés et représentent “Daniel dans la fosse aux lions” et le “châtiment des Babyloniens”. Daniel dans la fosse est entouré de sept lions qui se contentent de le lécher tandis que, lui, tire la barbe du prophète Habacuc. L'ancien réfectoire des moines accueille une exposition de moulages de sculptures et d'oeuvres du Maître de Cabestany. Le cloître, datant du XIVe siècle, abrite quant à lui des chapiteaux d'inspiration végétale ou animalière.

Jean ODOL
Pascale CATANZARO

Un célèbre sculpteur roman : le Maître de Cabestany

Abbaye de Saint Papoul
Il a travaillé dans plusieurs pays européens : Espagne, Catalogne, Navarre, Italie, mais aussi en France : à Rieux-Minervois, à Cabestany (village de la banlieue de Perpignan), au Boulou, sur le sarcophage de Saint Saturnin à Saint-Hilaire, à Lagrasse, sur deux chapiteaux au musée de Narbonne. Quelques oeuvres majeures sont visibles à l’abbaye bénédictine de Saint-Papoul. Les historiens de l’art roman sont partagés sur les origines du Maitre de Cabestany. Nul ne sait avec certitude s’il s’agit d’un seul artiste ou un atelier de sculpteurs itinérants. Certains le croient italien, d’autres catalan... le mystère demeure entier, mais peu importe, le Maître est un artiste très original, unique, dont le vigoureux tempérament ne pouvait ni se plier aux contraintes d’école, ni se satisfaire des modes du moment (seconde moitié du 12e siècle).
Fascinante et parfois inquiétante personnalité que celle de cet artiste, oeuvre en tout cas unique car la technique, “le faire” du Maître ne peut être confondu avec aucun autre. Les personnages sculptés sont trapus, le faciès et les têtes sont triangulaires, les yeux ovales, globuleux et toujours accompagnés de deux coup de trépans aux coins des paupières : c’est une sorte de signature du Maître. L’absence de ces trous est un signe de mort, par exemple sur la Vierge de l’Assomption à Rieux-Minervoix ou encore le corps de Saint Saturnin du sarcophage de Saint-Hilaire (région au Nord de Limoux). Le nez est tranchant, le menton peu prononcé, les oreilles larges et décollés, la barbe et les cheveux formés de longues mèches striées, les mains, surtout les doigts, sont démesurément allongées, les animaux sont aussi très spéciaux avec des yeux globuleux et toujours les deux coups de trépan : d’un seul coup d’oeil, en direction des yeux l’observateur identifie le Maître de Cabestany.

Bibliographie :
Jean Odol : Sur les routes de l'Art Roman en Lauragais - Couleur Lauragais N° 42 (mai 2002)
Jean Nougaret : "Le portail roman de Belpech", Actes du Congrès de la Fédération Historique - Castelnaudary juin 1981 - page 89
Jean Odol et Guy Jungblut : “L’ Abbaye de Saint Papoul”, 1995 - Stéphan ARCOS
André Bonnery : “Le Maître de Cabestany”
Jacques Gironce : “Les églises du canton de Montgiscard”, Arec 31 Editions Empreinte - 2005

art roman - art gothique

Couleur Lauragais n°105 - Septembre 2008