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Couleur Lauragais : les journaux

Balade

Sur les routes de l'Art Roman en Lauragais

Couleur Lauragais vous présente une étude inédite sur le Lauragais roman, c'est à dire une synthèse sur les châteaux, les églises du Pays des Mille Collines ; une carte vous propose des circuits pour découvrir les monuments dont nous parlons.

Caractères originaux de l'art roman
L'art roman est un complexe d'œuvres d'architecture (militaire et religieux), de sculpture (chapiteaux), de peinture (fresques) correspondant aux années qui débutent vers l'An 1000 et qui s'achèvent vers 1200 ; après cette dernière date se développe un art différent : l'art gothique (de 1200 à 1600). Une frise chronologique permet une vision générale :


L'An 1000 est une date fondamentale dans l'histoire du Moyen Age ; les hommes attendaient l'Apocalypse, c'est à dire la fin du monde, pour cette date, ou pour 1033, c'est à dire l'âge du Christ lors de sa Passion. Comme il ne se passe rien, la vie renaît comme un printemps d'espérance et une belle période de plusieurs siècles commence, qui se déroule de 1000 à 1320 (environ). Le climat paraît se réchauffer, des progrès techniques dans l'agriculture conduisent à une augmentation des rendements qui restent très faibles : pour 1 grain de blé semé on en récolte 3 ou 4 ; les famines sont moins graves, la population augmente dans toute l'Europe. Les villes s'agrandissent ; à Toulouse le Bourg autour de Saint Sernin se juxtapose à l'antique Cité autour de Saint Etienne et la voie romaine correspondant à l'actuelle rue Saint Rome. Et surtout le pays se couvre "d'un blanc manteau d'églises romanes". Après 1300-1320, les difficultés commencent dans une France surpeuplée avec multiplication des famines, retour de la Peste Noire en 1348 qui enlève le tiers de la population européenne, puis la longue guerre de Cent Ans (1338-1463) accroît les ravages, les destructions comme la Chevauchée du Prince Noir qui incendie tous les villages du Lauragais en 1355.

ROMAN
- Eglises de petites dimensions Baraigne - Cazalrenoux - Voûte en berceau plein cintre (demi cercle comme chez les Romains)
- Petites fenêtres abrasées
EGLISES D'OMBRE
- Murs très épais
Pas de croisées d'ogives
- Nombreux châpiteaux historiés
- Bestiaire - monstres romans
Sobriété des façades sauf tympans
Les châteaux forteresses d'époque romane
GOTHIQUE
- Grandes dimensions
Fanjeaux - Avignonet
- Voûte sur arcs brisés ou ogivals
- Grandes fenêtres, verrières immenses
St Félix
EGLISES DE LUMIERE
- Murs moins épais , la voûte soutenue par des croisées d'ogives s'appuie sur d'énormes piliers, entre les piliers :
- Immenses fenêtres
- Peu de châpiteaux
- Nombreuses statues sur les façades

Les châteaux forteresses d'époque romane
Les châteaux du Lauragais se répartissent en trois types principaux en fonction de la date de construction :

1. Les châteaux forteresses romans
2. Les châteaux de la belle période du pastel (XIV - XVIème siècles)
3. Les châteaux du froment (fin XVIIème, XVIII et XIXème siècles, jusqu'en 1850).

La majorité des châteaux romans ont disparu car construits en bois et terre ; quelques-uns ont cependant survécu jusqu'à nous car dressés avec de la pierre dure.
Les châteaux romans sont : Auriac sur Vendinelle, Salles sur l'Hers, Montgey, La Pomarède, Roquefort, ruines de Belpech, un mur à Fourquevaux.
A Auriac, le donjon roman massif, sans ouverture, de grande hauteur, sert de clocher à une église beaucoup plus récente ; il ressemble fort au château de Salles sur l'Hers, avec un donjon lourd, massif, sans ouvertures, qui domine la bastide de Salles. Autres vestiges romans, la base des murailles de Montgey et de la Pomarède (en pierre).
Le plus célèbre de ces châteaux est celui de Roquefort de la Montagne Noire, entre les Cammazes et Durfort, au dessus des gorges du Sor ; c'est la montagne cathare; seul le donjon émerge au dessus de la forêt. Sa construction a commencé dans la seconde moitié du Xème siècle, après plusieurs siècles de domination, il est volontairement détruit en 1417, à la poudre, par l'autorité royale. Son accès est très difficile, aucun sentier aménagé n’y conduit; il faut traverser à gué le Sor, gravir les parois de la gorge, véritable exploit d'alpinisme, au milieu des bois. Mais l'effort en vaut la peine ; il s'agit du château roman le plus intéressant du Lauragais ; citadelle du vertige ?
Oui, certainement, mais aussi, et surtout, un castrum cathare oublié au milieu de la forêt. Il a été habité par une famille hérétique très connue des historiens, célèbre à plus d'un titre avec des personnages hors du commun, comme Guillaume de Roquefort et Jourdain ; le frère de Guillaume, Bernard Raimon, est évêque catholique de Carcassonne, et son beau frère, Pierre Isarn, évêque cathare de Cabaret. Guillaume est aussi connu comme l'assassin de l'abbé d'Eaunes, abbaye de l'Ordre de Citeaux, près de Muret ; il participe au siège de Termes en 1210 du côté des assiégés, puis nous le retrouvons au premier siège de Toulouse (1211) où il est tué.
Jourdain, fils de Guillaume, est aussi seigneur de Roquefort et membre de la plus haute noblesse lauragaise, familier du vicomte Roger de Trencavel de Carcassonne et de Raimon VI ; il est croyant cathare et se fera inhumer dans l'abbaye de Saint Papoul.
Là haut, la végétation a recouvert d'un océan de verdure les restes du castrum ; seul, émerge le donjon de Guillaume, et la citadelle garde toujours les gorges du Sor.


Les églises romanes
La liste des églises et chapelles romanes comprend une quinzaine d'édifices : Baraigne, Cazalrenoux (fortifiée), Notre Dame de Noumérens (commune d'Auriac sur Vendinelle avec un beau chrisme), la chapelle du cimetière Saint Cristol (commune de Fonters du Razès, on a découvert récemment des fresques) ; la chapelle des Cazazils (commune de Lafage), Saint Pierre d'Alzonne (commune de Montferrand), Espinoux (commune de Plavila, en ruines), chapelle de Cadenac (commune de St Félix), la chapelle du cimetière de Saint Félix, une partie de Saint Pierre de Venerque, une partie de l'ancienne cathédrale de Saint Papoul, une partie de Belberaud ; Saint Martin de Cabuer (commune d'Auriac).
Certains historiens ajoutent à cette liste les églises de Saint Orens et d'Espanès.
Les plus complètes en éléments romans sont Baraigne avec de très belles arcatures lombardes, le portail très simple, des stèles discoïdales ; Saint Pierre d'Alzonne (Montferrand) avec un très beau chœur et des fenêtres abrasées. Cazalrenoux présente des murs très épais avec des blocs grossièrement taillés ; elle a l'allure d'une forteresse massive avec des fenêtres minuscules.


Clocher de Notre Dame de Noumerens
(Crédit photo : Josiane Lauzé)

Les portails romans
Les plus typiques sont ceux de Payra sur l'Hers (avec de très belles têtes humaines, un lapin), de Belpech : le plus beau du Lauragais ; un très simple : Gaja la Selve ; Cintegabelle.
Les portails sont très souvent parmi les parties les plus belles d'une église romane ; à Saint Sernin de Toulouse, la Porte des Comtes est à l'Est du transept de la basilique et date de 1090 ; dans un très bel ensemble roman, parmi les chapiteaux historiés les plus intéressants sont le mauvais riche de l'Evangile, le supplice de l'avare qui porte à son cou une lourde bourse.
A Belberaud, les quatre chapiteaux sont inspirés étroitement de Saint Sernin ; ouverts du côté Nord, ces chapiteaux sont en pierre (du grès tendre) et fortement érodés ; à gauche, face à la porte d'entrée, une représentation de l'homme à la bourse (un avare ou un usurier) en proie aux attaques de deux dragons qui lui dévorent la tête ; à droite on observe le châtiment de l'homme luxurieux avec des fourches crochues qui lui déchirent le sexe. Vient ensuite la tentation d'Eve par laquelle le Mal s'est introduit dans le monde ; Adam est séparé d'Eve par le Serpent assez bien conservé. Le portail de Belberaud est bien loin de présenter la qualité de ceux de Belpech ou de Payra ; il mériterait cependant des travaux de restauration pour conserver ce qui demeure une très belle pièce du Lauragais roman.


Portail roman de Belpech

(Crédit photo : Jean Odol)

Les stèles discoïdales
Il s'agit de pierres d'un seul bloc comportant un pied (que l'on enfonçait dans le sol) et un disque décoré de Croix de Toulouse, croix à quatre branches égales, d'une partie de charrue : une reille, d'une navette de tisserand, au musée de Limoux ; la hauteur de ces pierres recueillies dans les vieux cimetières est de 0,8 m à 1,2 m ; leur usage était funéraire. En Lauragais les principaux sites de stèles sont à : St Michel de Lanès, Pexiora, Montmaur, Saint Léon, Montesquieu, château de Labarthe (commune de Belflou), Baraigne, Avignonet, musée du château comtal dans la Cité de Carcassonne, Caragoudes.


Stéles discoïdales de Baraigne
(Crédit photo : Laurent Desmoulins)

La sculpture et le Maître de Cabestany
Le Maître de Cabestany est un sculpteur (un individu ou une équipe) parmi les plus célèbres de l'art roman du Languedoc, de Catalogne, d'Italie, de Navarre; chez nous il a travaillé à l'abbaye de Saint Hilaire, de Lagrasse, Rieux Minervois, Cabestany, le Boulou, St Papoul. Dans l'ancienne cathédrale du Lauragais il a laissé de nombreux châpiteaux, des modillons ; une très belle exposition de ses œuvres dans la salle réfectoire des moines. Personnalité unique, "le faire" du Maître ne peut être confondu avec aucun autre ; les personnages sont trapus avec un faciès et des têtes triangulaires, les yeux ovales, globuleux et ponctués de deux coups de trépan aux coins des paupières qui animent les regards ; leur absence est un signe de mort particulièrement évident sur la Vierge de l'Assomption de Rieux, de Cabestany et le corps de Saint Sernin du sarcophage de Saint Hilaire. Le nez est tranchant, le menton peu prononcé, les oreilles larges et décollées ; la barbe et les cheveux formés de longues mèches striées ; les mains, surtout les doigts, sont démesurément allongés.
A Saint Papoul les œuvres du Maître sont à l'extérieur de l'abside Sud et de l'abside Nord ; chapiteaux et modillons sont bien conservés ; les plus célèbres sont Daniel dans la fosse aux lions et le Châtiment des Babyloniens ; deux autres ont été récemment découverts : les musiciens et les lions. L'oeuvre du Maître est de la seconde moitié du XIIème siècle.

Balades romanes
Couleur Lauragais propose quelques balades de découverte de l'art roman en Lauragais.

Circuit A : Les châteaux
Aller à Montgey ( à 10km au Nord Ouest de Revel, sur la RD 45), la base des murs du château est romane ; puis gagner Auriac sur Vendinelle : le clocher actuel de l'église est l'ancien donjon du château; traverser Saint Félix (une bastide, voir le château, la collégiale, la place avec la halle. Avignonet : l'église gothique, la place Raimon d'Alfaro où furent massacrés les Inquisiteurs en 1242. Salles sur l'Hers : donjon du XIIème siècle, sans ouverture.

Circuit B : Les églises romanes
Depuis Castanet, par la RN 113 traverser Villenouvelle (une bastide), Villefranche (une autre bastide), Avignonet (église gothique), Montferrand : belle église romane à St Pierre d'Alzonne, les stèles dans l'église, les thermes gallo-romains, l'église paléo-chrétienne, le phare de l'Aéropostale, le château. Baraigne (4 km au sud de Montferrand : église romane homogène, arcatures lombardes. Puis traverser la région appelée la Piège ; Salles sur l'Hers : une bastide, clocher mur pignon ; Payra sur l'Hers : très beau portail roman ; autre portail roman à Gaja la Selve, enfin l'église romane de Cazalrenoux, fortifiée, terminer à Fanjeaux (St Dominique, l'église gothique, couvent des Domini-caines).

Circuit C : Les portails

Belberaud puis portail de l'église de Baraigne, voir ensuite celui de Payra sur l'Hers, et terminer par Belpech : le portail roman et l'église gothique.
Bien d'autres balades sont encore possibles dans ce Lauragais inconnu, et les prochains numéros seront l’occasion de vous faire découvrir de nouveaux itinéraires.

Jean ODOL


Couleur Lauragais N°42 - mai 2002