accueil
Couleur Lauragais : les journaux

Spécial Fêtes

Le Nadalet, une tradition campanaire du Midi

Une tradition qui a bien failli disparaître… L'une des rares sonneries traditionnelles de cloches dans le Midi de la France.


Le Nadalet… qu'es aquò ?
Le Nadalet correspond à une tradition campanaire typiquement méridionale, qui consiste en des sonneries de cloches pratiquées au moment de Noël. Coutume autrefois très répandue dans l'ancien Midi-Pyrénées, une partie du Languedoc-Roussillon, une partie de la Gascogne, et certaines vallées pyrénéennes, elle avait quasiment disparu à la mort des carillonneurs remplacés par des sonneries électriques. Les installateurs de telles sonneries ont ignoré cette tradition qui s'est perdue dans l'uniformisation des programmes, excepté à Castres où la coutume s'est maintenue sans interruption depuis le XVIème siècle.

Que veut dire Nadalet ?
Le terme Nadalet est issu du mot Nadal qui veut dire Noël en occitan. Le Nadalet, qui est un diminutif de Nadal, pourrait se traduire littéralement par «petit Noël». On désigne sous cette appellation les sonneries de cloches pratiquées chaque année durant les jours précédant la fête de Noël. Il s'agit là d'une coutume fort ancienne puisqu'il en est fait mention dans les archives de la ville de Castres à la fin du XVIème siècle, où le carillonneur était rétribué pour sonner l'Angélus tous les jours et le Nadalet à Noël. Pour cela, il percevait annuellement la somme de 4 livres.
Chaque village, chaque ville avait sa manière de sonner le Nadalet. Le carillonneur adaptait la sonnerie rythmique en fonction des cloches qu'il avait à sa disposition, utilisant souvent un moyen mnémotechnique de paroles pour se rappeler, et transmettre, le rythme qui était propre à chaque clocher.
Le campanièr local s'aidait souvent des enfants du village qui se faisaient une joie de venir sonner et passer aussi un bon moment de rigolade dans le clocher qui leur était habituellement interdit.

Le carillon de Notre Dame de la Platé à Castres (81) chante sans interruption depuis 1847. En 1972, les boiseries ont été refaites et en 1976, il fut décidé de refondre la presque totalité des cloches et d’agrandir l’instrument qui est passé progressivement de 15 à 34 cloches.
Le carillon de Notre Dame de la Platé à Castres (81)
chante sans interruption depuis 1847. En 1972, les boiseries
ont été refaites et en 1976, il fut décidé de refondre
la presque totalité des cloches et d'agrandir l'instrument
qui est passé progressivement de 15 à 34 cloches.
crédit photo : Association : Carillons en Pays d'Oc

Le mot Nadalet est le terme le plus utilisé et le plus connu, mais il existe d'autres appellations selon les régions : Aubetas, Glaudinas, Glaudas, Glaudetas, Uctavas, Temporas de Nadal, Nadin-Nadal. Dans les Pyrénées Orientales, une pratique proche du nadalet, appelée Vetlla, existe encore en certains endroits.
Depuis la quasi disparition de ces sonneries (à l'exception de quelques rares villages le pratiquant encore), l'habitude de désigner sous l'appellation de Nadalets les cantiques de Noël en occitan s'est peu à peu installée. Détail significatif : lorsque dans ces textes chantés, il y a dialogue entre les anges qui annoncent, et les bergers qui reçoivent la bonne nouvelle, les premiers s'expriment en français alors que les seconds répondent en oc.

L’ensemble instrumental de hand-bells «Les Sonneurs du Midi», groupe d’amis carillonneurs, ont formé un ensemble de cloches à mains, de type  «british» et jouent ainsi toutes sortes de mélodies remarquables. Ils joueront à Castelnaudary (11) le 9/12 et à Lagarde (31) le 10/12.
L'ensemble instrumental de hand-bells «Les Sonneurs du Midi», groupe d'amis carillonneurs, ont formé
un ensemble de cloches à mains, de type «british» et jouent ainsi toutes sortes de mélodies remarquables.
Ils joueront à Castelnaudary (11) le 9/12 et à Lagarde (31) le 10/12. crédit photo : Association : Carillons en Pays d'Oc

Une coutume ancestrale
Nul ne connaît les origines de cette tradition, mais l'on se doit de constater que cet usage présente des analogies probablement non fortuites avec le calendrier liturgique chrétien. Le temps de l'Avent (quatre semaines précédant Noël) est, dans la liturgie, une période assez austère qui ne commence à « s'éclairer » que huit jours avant la fête de la Nativité, avec les Grandes Antiennes qui sont chantées du 17 au 23 décembre, période calendaire identique à celle des sonneries du Nadalet.
Néanmoins, en certains endroits, nous avons noté que le Nadalet commence le 13 décembre. Pourquoi un tel décalage de date pour une tradition commune ?
On peut trouver à cela l'explication suivante qui confirme une tradition séculaire : La liturgie romaine, introduite au milieu du XIXème siècle, comporte sept antiennes au bréviaire, que l'on connaît sous le nom de Féeries majeures, apportant plus de solennité en cette période de l'Avent. La facétie populaire leur a donné pour nom « Les Grandes O », car elles commencent toutes par la lettre « O » : O Sapientia, O Adonai, O Radix Jesse, O Clavis David, O Oriens Splendor, O Rex Gentium, O Emmanuel.
Au Moyen-Age, il existait quatre autres antiennes faisant commencer ces fêtes majeures quatre jours plus tôt, soit le 13 décembre : O Virgo Virginum, O Thomas Didyme, O Rex Pacifice, O Jerusalem.
Il est probable qu'en certains endroits on ait gardé la « coutume ancienne » de commencer le Nadalet le 13, fête de Ste Luce et aussi jour le plus court de l'année.

Les Glaudetas ou Nadalet étaient autrefois sonnées dans tous les villages du 13 au 24 décembre. Depuis les années 1960, du fait de l'électrification, la plupart des villages ont peu à peu abandonné la tradition.
Actuellement sont conservées en :
1. Sonneries manuelles
Les Carillons d'Avignonet (31) et Lagarde (31) et quelquefois Molandier (81).
2. En programmations automatiques :
Les carillons de Castelnaudary (11), Villefranche de Lauragais (31), Montgeard (31), Molandier (11), Baziège (31), et d'autres ...

Une invitation est lancée à tous pour continuer d'assurer la tradition et marquer ainsi ce temps fort de l'Avent et de Noël. Faites vivre vos ensembles campanaires comme les anciens savaient si bien le faire !

Le carillon de l’église Saint Etienne de Baziège (31) fait parti des carillons ruraux typiques du midi toulousain. Il a été restauré et inauguré pour le passage du millénaire, le 31 décembre 2000. Il se compose de 26 cloches couvrant deux octaves et demi.
Le carillon de l'église Saint Etienne de Baziège (31) fait parti des carillons ruraux typiques du midi toulousain.
Il a été restauré et inauguré pour le passage du millénaire, le 31 décembre 2000. Il se compose de 26 cloches
couvrant deux octaves et demi. crédit photo : Couleur Média

Son maintien et sa renaissance
D'après l'état actuel de nos recherches, il semble que la ville de Castres, dans le Tarn, soit le dernier endroit où le Nadalet se soit perpétué sans interruption depuis plusieurs siècles. Avec l'installation d'un carillon dans cette ville en 1847, les carillonneurs ont transformé cette sonnerie jusque-là rythmique, en un concert mélodique de chants de Noël.
Cette tradition, qui avait quasiment disparu dans nos régions, tend peu à peu à renaître, surtout dans les villes dotées d'un carillon, mais également dans certains villages désireux de renouer avec cette coutume.
De plus en plus fréquemment, il nous est demandé, lors des programmations que réalise notre Association pour les entreprises de campanistes, d'intégrer une sonnerie de Nadalet pour la semaine précédant Noël. Ainsi, de nombreux villages, privés de carillonneurs, font revivre par le truchement de systèmes électroniques, le chant de leur clocher en cette période de l'année.
Nous avons même exporté notre Nadalet dans le Nord de la France où plusieurs villes l'ont adopté (Tourcoing, Douai, Seclin, Bergues, St-Amand les Eaux), et aussi dans la région lyonnaise où elle a élu domicile à Grézieu-La-Varenne. Cette tradition méridionale a même fait une incursion en Belgique et se pratique à Liège depuis quelques années. Les carillonneurs septentrionaux ont trouvé cette coutume fort belle et, copiant la tradition castraise, lui ont conservé à notre demande son appellation occitane de «Nadalet ».

L’église Saint Rémy de Lagarde (31) possède 19 cloches qui fonctionnent manuellement, 16 récentes fondues et inaugurées en 1995 et entre autre la plus ancienne en activité fondue en 1895 et pesant 650 kg.
L'église Saint Rémy de Lagarde (31) possède 19 cloches qui fonctionnent manuellement, 16 récentes fondues et inaugurées en 1995
et entre autre la plus ancienne en activité fondue en 1895 et pesant 650 kg. crédit photo : Association : Carillons en Pays d'Oc

Un soir de Nadalet à Castres
Dès 18 h 30, le 17 décembre, on voit affluer du monde au pied du clocher pour écouter et voir le « grand balandran ». On désigne ainsi la sonnerie à la volée de toutes les cloches de la ville, mais les gens viennent à La Platé car ici, on sonne encore les cloches à la corde (les bras et les bonnes volontés ne manquent pas), ce qui rappelle plein de souvenirs aux anciens.
Au bout d'un quart d'heure, peu à peu les cloches s'arrêtent… On continue à faire balancer «Dame Louise » la grande cloche de La Platé, qui seule dans la nuit, fait entendre sa voix. Les carillonneurs gravissent alors l'escalier en maintenant la volée au fur et à mesure de leur ascension. Arrivés à la salle des cloches, ils ralentissent peu à peu le ballant de la cloche et, en lui donnant une certaine impulsion, doivent la faire sonner sur un seul côté du vase sonore neuf fois de suite pour symboliser les 3 fois 3 coups de l'Angélus.
Puis s'installant au clavier, ils commencent par sonner le « nadal comptador ». Il s'agit du Noël « compteur » qui va être joué tous les soirs pour servir à décompter le nombre de jours nous séparant de Noël. Le premier soir, il sera joué 8 fois, le deuxième jour, 7 fois, le 3ème 6 fois et ainsi de suite en décroissant jusqu'au 23 décembre. Après cela, sont interprétés une multitude de chants de noël durant une demi-heure environ. Le répertoire des carillonneurs de Castres est riche de près de 200 noëls différents issus essentiellement de la tradition populaire. Toujours bâtis sur des mélodies simples, ces airs sont faciles à mémoriser, et leurs paroles, souvent en occitan, parfois bilingues (occitan-français), et en français, racontent toutes les légendes merveilleuses qu'a inspirée la fête de la Nativité.
Pendant la sonnerie, tout s'est organisé au bas du clocher où chacun a porté, soit du vin chaud, ou des crêpes, ou encore des chocolats, parfois des petits gâteaux, voire du champagne (mais ça c'est rare..), créant ainsi une ambiance chaleureuse et conviviale qui préfigure la toute prochaine fête de Noël.
A leur descente, les carillonneurs sont chaleureusement accueillis, ainsi que les sonneurs, et copieusement réconfortés de leurs efforts. Après le vin chaud qui les a requinqués, ils seront invités à partager une bonne soupe chez des amis fidèles.
« A demain soir », se dit-on en partant.

L’église Notre-Dame de la Platé de Castres est classée monument historique depuis le 11 août 1987, elle abrite 34 cloches, un bourdon de 600 kg et la plus vieille cloche date de 1650 ! le carillonneur joue sur un grand clavier de bois qu’il frappe avec ses poings.
L'église Notre-Dame de la Platé de Castres est classée monument historique depuis le 11 août 1987,
elle abrite 34 cloches, un bourdon de 600 kg et la plus vieille cloche date de 1650 ! le carillonneur joue
sur un grand clavier de bois qu'il frappe avec ses poings. crédit photo : Association : Carillons en Pays d'Oc

Association : Carillons en Pays d'Oc
www.carillonsenpaysdoc.fr

Les jougs les plus significatifs, pour les cloches de volées tournantes, sont de trois types :

- jougs en bois avec axe horizontal : le contrepoids d'équilibre pour permettre à la cloche de tourner représente au moins une fois, si ce n'est une fois et demi la hauteur de la cloche. Les cloches équipées ainsi (surtout en Espagne) sont très pénibles à mettre en branle et fort dangereuses pour les sonneurs. Ce type de sonnerie est visible à Renneville (31).

- jougs de type Louison : l'axe métal est en rétrolancé arrondi surmonté d'une boule de contrepoids, c'est la silhouette la plus traditionnelle de toutes les cloches ornant les clochers-murs de la Haute-Garonne et de l'Ariège. Ces cloches portent le joli nom de «Demoiselle de Louison». En effet, elles ont exactement la silhouette d'une dame ou demoiselle portant corset et longue robe aux siècles passés. La sonnerie en est très aisée car la cloche fait son propre contrepoids et il n'y a pas de gros danger au passage du joug. La boule permet d'autre part une bonne prise au passage à l'aide des deux mains.

- jougs du fondeur Dencausse de Tarbes : axe métal et joug métal en forme de «T», pas de rétrolancé ; on rajoutait des lamelles métalliques empilées les unes sur les autres jusqu'à ce que le contrepoids d'équilibre soit réalisé. On retrouve cette silhouette typique du T surtout dans les clochers-murs de Bigorre dans les Hautes-Pyrénées (exceptionnel dans le Lauragais : Clocher-mur de Montgiscard (31). Ce système est beaucoup plus pénible à mettre en branle du fait de l'absence de rétrolancé ; par contre, une fois lancé à vive allure, le son est fort beau.

Couleur Lauragais n°198 - Décembre 2017/Janvier 2018