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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS


Sur la route des Moulins à vent du Lauragais Tarnais

Depuis une quinzaine d'années, Pierre Mercié s'attache à développer dans le magazine Couleur Lauragais les particularités des moulins à vent du Lauragais. Après s'être penché à plusieurs reprises sur les moulins Audois et Garonnais, il nous conduit aujourd'hui à la découverte des moulins du Lauragais Tarnais qui n'avaient pas été évoqués jusqu'à présent.

Aguts : L’imposante tour du moulin d’en Cruquel aujourd’hui.

Aguts : Moulin d’en Cruquel en activité. Dans l’ombre de l’aile et couvert d’un chapeau, on aperçoit Louis Escaffre, l’avant-dernier meunier.
Aguts : Moulin d'en Cruquel en activité.
Dans l'ombre de l'aile et couvert d'un chapeau,
on aperçoit Louis Escaffre, l'avant-dernier meunier.
crédit photo : collection Pierre Mercié

 

Aguts : L'imposante tour du moulin d'en Cruquel aujourd'hui. crédit photo : Pierre Mercié

Aguts : Moulin d'en Cruquel
Le moulin d'en Cruquel, composé d'une tour massive et conique, est un spécimen typique du Laura-gais. Construit vers 1810, il a fonctionné au moyen du vent jusqu'en 1936, date à laquelle les ailes furent démontées. Dès lors, afin de remplacer l'énergie éolienne, un moteur fonctionnant à la naphtaline (particularité fort rare que je n'ai pas retrouvée en Lauragais), fut installé et la mouture put se poursuivre dans les mêmes conditions. La naphtaline était un carburant qui possédait l'avantage d'être plus économique que l'essence, mais en contrepartie les démarrages étaient parfois difficiles, au point qu'il fallait alors avoir recours à un mécanicien.      
En 1939, comme la charpente était en mauvais état, la tour fût couverte d'un toit de tuiles à deux pentes par Raymond Pastre, meunier au moulin à vent de Mourvilles-Hautes. Excellent travail de cet homme habile car le couvert est toujours en place, ce qui est remarquable.
Mais un peu lassé de la délicatesse du moteur à naphtaline, un moteur électrique fut installé et le moulin devait continuer de fonctionner ainsi, jusqu'à ce qu'Antoine Escaffre qui en fut le dernier meunier, l'arrête définitivement en 1958. J'ai eu le plaisir de connaître cet homme dans son moulin. Depuis 2013, il repose au cimetière du village. Il avait alors 91 ans.
Aujourd'hui, bien que réduit à l'inactivité depuis plus d'un demi-siècle, le moulin possède encore au rez-de-chaussée les deux paires de meules en parfait état de marche, et au-dessus, le gros pignon de distribution en bois.
A noter que les Escaffre, véritable dynastie de meuniers, exercèrent durant de nombreuses générations à Aguts.

Aguts : Moulin d'en Salles
Distant de quelques centaines de mètres du moulin d'en Cruquel, le moulin d'en Salles est quant à lui complétement ruiné et couvert de friches. Sur la butte de terre où il se dressait, subsiste un pan de mur ne dépassant guère un mètre à un mètre cinquante et un morceau de meule enfoui dans une abondante végétation.
Datant du XVIIème siècle, il s'est arrêté vers 1880-1890, ce qui est fort tôt et peut expliquer en partie son délabrement actuel.
Le meunier qui l'exploitait à cette lointaine époque et par la suite devait l'arrêter, se nommait Antoine Escaffre. Ne pas confondre ce dernier avec Antoine Escaffre (jeune) du moulin d'en Cruquel qui est cependant le petit-fils.     
Au cours de la période où le moulin a cessé de fonctionner ou peu après, Louis Escaffre, ancien meunier qui exerça par la suite à en Cruquel tout proche, pouvait compter avec l'aide de jumelles, jusqu'à une bonne soixante de moulins à vent depuis la fenêtre arrière du fût. La position élevée de ce moulin permettait d'avoir une vue exceptionnelle sur les départements voisins de la Haute-Garonne et de l'Aude.

carte moulins tarnais

Cuq-Toulza : Moulin du Causse
Fait de pierres et cailloutis, le tronc de ce moulin à l'aspect sombre, domine du haut de la colline où il est implanté, la vallée au fond de laquelle se niche le village. Bien qu'il ne soit plus en possession de son toit ni de son mécanisme, ce spécimen présente néanmoins de l'intérêt.
La date de sa construction remonte au XVIIIème siècle. Par la suite, acquis par de nouveaux propriétaires à la fin du XIXème siècle, vraisemblablement vers 1880, il est depuis, toujours resté dans une même famille résidant à Puylaurens, les Salinier.
L'arrêt du moulin est intervenu selon toute vraisemblance au début de 1900.

Cuq-Toulza : Moulin du Château d'eau
A la place du château d'eau qui domine le village, un autre moulin à vent dressait autrefois son fût sans toit. Entièrement détruit voici environ soixantaine dix ans, il était érigé pratiquement au même endroit que le château d'eau actuel. Aujourd'hui, seules quelques pierres qui composaient la tour subsistent à proximité du chemin d'accès. Ces quelques éléments ont le mérite de sauvegarder une mémoire qui, sans cela, nous aurait probablement échappée.
Souvent idéalement implantés au sommet d'une colline, ou bien d'une hauteur, de nombreux moulins à vent furent victimes de destruction pour faire place à un château d'eau ! 
      
Cuq-Toulza : Moulin de l'Enseigne
Construit sur la colline boisée qui domine la vallée du Girou, ce moulin bâti en pierres et cailloutis surprend quelque peu par sa position solitaire. La maison du meunier qui se trouve située très en contrebas est assez facile d'accès ; par contre, le chemin qui conduit à partir de cet endroit au moulin, s'élève brusquement en pente raide parmi la végétation. Long de plusieurs centaines de mètres, il devait être particulièrement difficile à parcourir, tant pour la montée comme pour la descente des sacs de blé ou de farine. A ma connaissance, rien n'indique qu'il y ait eu un autre chemin d'accès.
Ce moulin dépourvu de son toit et de tout son mécanisme possède un sous-sol, ce qui permet d'admettre qu'il était pourvu de deux paires de meules au rez-de-chaussée. D'après la mémoire orale, il aurait été arrêté vers 1900.  
 
Lacroisille : Moulin du village
Du temps de sa splendeur, le moulin de Lacroisille était un spécimen particulièrement intéressant. Légèrement arasé et couvert de tuiles voici environ soixante-dix ans, il dresse à nouveau depuis quelques années son fût coiffé d'un toit en poivrière. Après cette restauration, il est cependant toujours dépourvu de ses ailes. A l'origine il était équipé de deux paires de meules, dont une seule subsiste encore. Un escalier extérieur d'une dizaine de marches permet toujours d'accéder à la chambre où se déroulait la mouture. Cette conception particulière avait l'avantage de libérer le rez-de-chaussée où les sacs de blé ou de farine pouvaient, lorsque le moulin était encore en activité, être entreposés en réserve.
En 1930, signe des temps, les ailes furent supprimées et le dernier meunier à avoir fait fonctionner le moulin avec l'énergie éolienne se nommait Monsieur Escaffre. Equipé ensuite d'un moteur électrique, le fonctionnement (même si l'esthétique en souffrait quelque peu), était plus souple et le travail du meunier moins éreintant. Le moulin devait continuer de moudre ainsi jusqu'en 1949, date à laquelle le meunier Mercier qui l'exploitait à cette époque, procéda à son arrêt définitif.

 

lemoulin de Lacroisille au début du XXe siècle

Le moulin de Lacroisille au début du XXe siècle
crédit photos : Collection Pierre Mercié

Le moulin de Lacroisille

Péchaudier : Moulin des Vidal
Construit au cours du XIXème siècle, ce qui est relativement tard, ce moulin, envahi par une abondante végétation, se trouve aujourd'hui en fort mauvais état. Solitaire à proximité d'une route étroite et isolé au milieu de la campagne, seule une petite partie du tronc cônique composé de pierres se dresse parmi les champs. Son arrêt résulte de circonstances particulières car il finit décapité. Lors d'une journée de vent d'Autan d'une rare violence, le toit fut emporté et se retrouva dans les champs avoisinants complètement brisé. Cela se passait en 1935 alors que le moulin était exploité par le meunier se nommant Monsieur Pradelles. A la suite de ce coup du sort, le moulin ne fut jamais remis en état et est depuis à l'abandon. Il se raconte dans le pays que le meunier se voyant ruiné, désespéré, contemplait depuis l'intérieur du fût, le ciel étoilé, les yeux remplis de larmes.

Puylaurens : Moulin des Barthôles
Eloignés du hameau de Saint-Loup, et méconnu tant il est isolé parmi les champs, se dressent les restes d'un vieux moulin à vent. Construit en grosses pierres du pays, son fût en mauvais état est aujourd'hui en grande partie détruit. Au cours de la journée du 30 décembre 1999, un pan de mur composant la tour s'est écroulé sur environ un mètre de haut, le mutilant sévèrement.
Situé sur une colline au milieu des champs, ce moulin a la particularité d'être implanté à quelques mètres seulement de la limite extrême de la commune de Puylaurens. Tant et si bien que l'ancienne maison, qui fut paraît-il celle du meunier, construite juste de l'autre côté d'un étroit chemin de terre permettant d'y accéder, se trouve située sur la commune voisine du petit village d'Appelle.
Compte tenu de l'oubli dans lequel ce moulin est tombé, nous ne possédons que bien peu de renseignements pour nous éclairer. Cependant, d'après la mémoire orale, son arrêt aurait eu lieu au XIXème siècle, ce qui explique son délabrement actuel.
  
Puylaurens : Les Moulins de Dretchenc
Perché sur une colline venteuse, le village de Puylaurens possède dans ses murs les troncs de trois moulins à vent disposés en ligne et distants de quelques dizaines de mètres les uns des autres. Si dans l'ensemble les fûts sont relativement bien conservés, aucun d'entre eux ne renferme de mécanisme. 
Le premier à se présenter est le plus mal loti, car il se trouve englobé dans d'autres bâtiments qui l'enserrent et d'où émerge une partie du fût.
Les deux autres spécimens bien dégagés de toute construction, présentent chacun leur tour soigneusement rénovée et couverte d'un toit débordant.
La construction de ces trois moulins remonte au XVIIIème ou bien au début du XIXème siècle et leur arrêt est vraisemblablement intervenu entre 1850 et 1870. Le dernier à avoir fonctionné est celui du centre ; bien que réduit à l'inactivité, il était toujours pourvu de ses ailes vers 1880. A ma grande surprise, quelques morceaux de ces dernières subsistent encore, soigneusement conservés par les propriétaires successifs. Comme une telle attention n'est pas fréquente, elle mérite d'être soulignée.
Les Macary furent les propriétaires et l'on suppose, mais sans véritable certitude, qu'ils en furent également les meuniers.         
Par la suite, un fois arrêté et vidé de tout son mécanisme, le moulin fut aménagé en habitation où logea toute une famille de Puylaurens.

les moulins de Dretchenc avant restauration
Les moulins de Dretchenc avant restauration - crédit photo : Collection Pierre Mercié
Un des trois moulins de Dretchenc
Un des trois moulins de Dretchenc - crédit photo : Pierre Mercié

Chers lecteurs, comme nous le voyons, le Lauragais renferme de nombreuses richesses qu'il est agréable de découvrir au gré de promenades bucoliques, où, avec l'arrivée du printemps, viennent se mêler dans une atmosphère poétique, les senteurs d'une abondante végétation en pleine effervescence.

Pierre Mercié
Auteur de : Sur la route des moulins à vent du Lauragais
Prix de littérature : L'Académie des Jeux Floraux de Toulouse a couronné la 1ère édition de l'ouvrage
de Pierre Mercié ''Légendaires moulins à eau, de Toulouse, Montauban et Albi'', d'une médaille d'argent.

Renseignements pour se le procurer : 05 61 85 30 43

Couleur Lauragais n°172 - mai 2015