accueil
Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

Les Guerres de religion en Lauragais

Deux cents ans après la disparition du dernier parfait cathare, Bélibaste, dans les flammes du bûcher de Villerouge Terménès, une autre hérésie s'infiltre et s'installe en pays d'oc. Dès 1528, l'Université de Toulouse, une des plus florissantes d'Europe, et qui avait été créée au Traité de Meaux en 1229 pour asseoir une doctrine sans faille de la religion catholique, va être le vecteur de la nouvelle dissidence propagée par les adeptes de Luther, puis de Calvin.

    Eglise de Villeneuve-la-Comptal, ex Villeneuve-les-Bernuy : église du XIVe siècle dédiée à Saint Pierre
Eglise de Villeneuve-la-Comptal, ex Villeneuve-les-Bernuy :
église du XIVe siècle dédiée à Saint Pierre.

Castres, dès 1527, Montauban, dès 1530, Carcassonne en 1531, puis le Comté de Foix sont atteints par les thèses de Luther puis de Calvin. Le Comté du Lauragais, enserré entre ces villes, va être souvent mêlé à toutes leurs vicissitudes.

Le pays de cocagne
Economiquement le Lauragais en ce début du XVIème siècle est dans l'âge d'or du pastel ; c'est le pays de co-cagne "où plus l'on dort et plus on gagne". Cette prospérité profite surtout aux bourgeois toulousains qui en font le commerce. Les Bernuy, par exemple, possèdent même un village entier qui porte leur nom : Villeneuve-les-Bernuy (aujourd'hui Villeneuve-la-Comptal). Très tôt, grâce à leurs relations et leur négoce, ils ont été en contact avec les affidés de la nouvelle religion à laquelle certains d'entre eux vont adhérer.
Le pouvoir royal est désorganisé suite au décès accidentel d'Henri II. Son successeur, Charles IX a neuf ans et c'est Catherine de Médicis, sa mère, qui assure la régence en essayant de ménager les deux confessions.

Le Lauragais impliqué dans la nouvelle hérésie
Dès 1561, les protestants s'organisent dans le Haut Languedoc ; ils s'arment et s'emparent d'églises pour les transformer en temples. Pour le Lauragais, des communautés huguenotes avec pasteur sont implantées à Puylaurens, Castelnaudary, Revel, Sorèze, Caraman, le Mas Ste Puelles, Calmont. D'autres localités ont des sympathisants plus ou moins bien organisés : Avignonet, Villefranche de Lauragais, Villenouvelle, Baziège, Labastide Beauvoir et Castanet où les huguenots toulousains viennent écouter le prêche dominical.
A Revel, en avril, 1561, les protestants qui se réunissent dans la maison d'un notaire, sont délogés et emprisonnés grâce à la complicité de certains consuls et du prieur des Jacobins. Après des déclarations et des abjurations, on brûle sur la place publique des livres séditieux dont un Nouveau Testament.

1562, l'année des premiers massacres
Début mars 1562, le massacre de Wassy en Champagne perpétré par les sbires du duc de Guise, proche de la reine mère et des catholiques, va déclencher la violence jusque dans nos contrées.
Le 18 mars, les catholiques de Castelnaudary organisent, hors des murs de la ville, une procession qui passe, comme par hasard, près d'un moulin pastelier où la communauté huguenote de la ville fait ses dévotions en chantant des psaumes. Qui commençe les hostilités ? Deux versions contradictoires s'en rejettent la responsabilité. Il y aura une soixantaine de victimes.
Le 22 mars, les catholiques de Revel ayant appris le massacre de Castelnaudary veulent appliquer les mêmes méthodes mais ils en sont empêchés par les autorités qui ont reçu des ordres de la Province.
En cette année 1562, les huguenots toulousains ne réussissent pas à s'implanter dans la ville et se font décimer. Ceux qui, à la faveur de la nuit, réussissent à s'échapper pour se réfugier dans les cités amies de Montauban, Puylaurens, Lavaur et Castres tombent dans des embuscades dressées par les paysans des villages qu'ils traversent.
En mai, les religionnaires de Revel apprenant les nouvelles désastreuses de Toulouse, quittent la ville et se réfugient à Castres. Les catholiques règlent alors leurs comptes : ils s'emparent des biens des fugitifs, pendent un diacre âgé qui n'avait pu fuir et livrent son corps aux chiens.
Courte période de paix qui voit la Cour traverser le Lauragais. L'édit d'Amboise (mars 1563) apporte une période de calme dans les relations entre catholiques et protestants. Pendant cette période, la reine mère, Catherine de Médicis, fait visiter les provinces de France à son fils Charles IX dans le but d'affermir la paix et d'obtenir la reconnaissance de ses sujets. En Janvier 1565, la Cour traverse le Lauragais.

Reprise des hostilités
Après la conjuration avortée de Meaux (1567), où les huguenots avaient l'intention de s'emparer de la personne du roi pour le soustraire à l'influence des Guises, les huguenots reprennent l'offensive. Montauban et Castres passent dans leurs mains. Dans le Comté de Foix, ils sont solidement installés au Mas d'Azil et étendent leur domination dans toute la région. Mais Toulouse et Carcassonne restent catholiques.
Puylaurens, huguenote, est investie en avril 1568 et ne doit son salut qu'à des renforts venus de Castres.
Les chefs protestants se retranchent dans La Rochelle, tandis que les troupes huguenotes ravagent toute la contrée autour de Toulouse. Caraman, grâce à la complicité de quelques marchands, est razziée. A Gardouch, l'église aurait été entièrement détruite, onze prêtres tués et cent quarante habitants égorgés.

Carte du Lauragais - 1562

L'armée des Princes ravage le Lauragais
En 1569, ce qui reste de l'armée des Princes défaite par les royaux à Montcontour se retire dans les environs de Montauban. De là, elle harcèle les environs de Toulouse et brûle les églises et tous les biens qui appartiennent aux membres catholiques du Parlement de Toulouse.
En janvier, février 1570, elle traverse le Lauragais en se rendant dans le Bas-Languedoc. Caraman est détruite, presque tous ses habitants tués. Saint Félix leur résiste, alors Lasbordes, Cuq, Auriac et le Faget sont anéantis. Le 20 février, l'armée se remet en marche, passe à Montgiscard où la chapelle de Notre Dame de Roqueville est détruite. Puis elle se dirige vers Villefranche de Lauragais et Montréal.
Après la Saint Barthélémy, les huguenots solidarisent leur défense. Les suites du massacre de la Saint Barthélémy coûtent la vie à deux à trois cents huguenots toulousains emprisonnés. D'autres Saint Barthélémy ont lieu à Gaillac et Rabastens. Castres évite le massacre grâce à la désobéissance du lieutenant du gouverneur du Languedoc.
Les huguenots, après les massacres vont s'organiser : pour le Lauragais, le baron de Sé-négas est nommé gouverneur de Puylaurens. Début 1573, un de ses capitaines, Deyme, va anéantir à Dreuille les trou-pes catholiques de Vaudreuil-le et de Padiès et les poursuivre jusqu'aux portes de Revel.
En mai, de la même année, les villes et contrées aux mains des religionnaires se dotent de gouverneurs et se promettent aide et assistance. C'est à cette époque, fin mai, que Le Mas Ste Puelles, Montesquieu, Sorèze et Miremont tombent aux mains des réformés.

Le Lauragais au cœur des antagonismes entre les ducs de Montmorency et de Joyeuse
1574. Damville, pas encore duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc est éconduit par le nouveau roi de France, Henri III. Il est de tendance modérée catholique et après cet affront va nouer des alliances avec les huguenots.
En août, le duc de Joyeuse et ses armées pourvues de canons prêtés par Toulouse mettent le siège devant Caraman. La solidarité huguenote se met en train : le vicomte de Paulin, le baron de Sénégas, gouverneur du Lauragais, le capitaine Deyme à la tête de la cavalerie du Lauragais, accourent vers la cité assiégée ; leur nombre et leur détermination dissuadent les catholiques de continuer le siège.
Les armées de Joyeuse se rabattent sur Villeneuve-les-Bernuys qui est rasée et ses habitants massacrés, mais elles échouent après un long siège devant le Mas Ste Puelles bien défendue par les troupes lauragaises. Elles n'ont pas le temps de s'emparer de Peyrens secourue par les troupes du vicomte de Paulin et du baron de Faugères.
Les huguenots, réconfortés par le retour d'Henri de Navarre dans ses terres, reprennent l'offensive. En février 1576, Henri de Navarre s'enfuit de la Cour, se réfugie dans ses états et réside parfois dans son château de Mazères, en bordure du Lauragais.
En mai 1576, l'Edit de Beaulieu avantage, un tant soi peu, les protestants et instaure une paix précaire souvent violée.
A Revel, les huguenots tentent un coup de force et s'emparent, en pleine nuit des catholiques qui ne vont pas être inquiétés car la grande majorité déclare vouloir se convertir. A Laurabuc, ce sont les catholiques qui se débarrassent des huguenots en les massacrant.
Début 1577, les hostilités reprennent. En mars, les huguenots s'emparent du château de Montmaur près d'Avignonet. Les catholiques par escalade et trahison prennent Montégut près de Revel.
Les huguenots doivent quitter Puylaurens momentanément investie par les catholiques mais vont attaquer Padiès en son château.
Dans le sud du Lauragais, à la même époque, Calmont tombe aux mains des huguenots après la prise de Pamiers. En mai 1577, les protestants sont assiégés dans Gibel, près de Calmont, par le sénéchal de Toulouse. Après de nombreuses pertes, ils seront sauvés par l'arrivée des troupes alliées de Pamiers et de Foix.
L'Edit de Poitiers, en septembre 1577, instaure une paix encore fragile : les belligérants des deux côtés sont au bord de l'épuisement.
En 1578, les religionnaires de Puylaurens s'emparent d'Avignonet. C'est Henri de Navarre, huguenot, mais chargé d'appliquer l'Edit de Poitiers qui va les soumettre.
Le 23 mai, ceux du Lauragais vont s'emparer de Saint Martin le Viel près de Saissac.
En mars 1580, les catholiques de St Julia, de St Félix et de Castelnaudary s'emparent de Sorèze et massacrent sauvagement les religionnaires ; le capitaine Deyme ne réussira pas à reprendre la ville.
Henri de Navarre, nomme le vicomte de Turenne lieutenant général du Lauragais. En mai, il tente de reprendre Sorèze et prend par canonnade le château de Garrevaques au nord de Revel. Le château du Faget, occupé par une garnison catholique, est pris et ses occupants passés au fil de l'épée. En juin, juillet, les châteaux de Caudiac, Toutens, Maurens, Moussens, Cambiac et celui de Beauville sont soumis. En septembre, Deyme reprend par surprise Sorèze et massacre la plupart des catholiques, les autres étant faits prisonniers.
En avril 1581, les catholiques prennent Mazères et le château du Payra au sud de Castelnaudary.

Clocher Saint Martin
Clocher Saint Martin : vestige de léglise incendiée lors des guerres de religion

Deux pouvoirs s'affrontent en Languedoc
D'un côté la Ligue avec le maréchal de Joyeuse, de l'autre les huguenots avec à leur tête le Roi de Navarre, Condé et Montmorency. Chaque parti tient ses Etats généraux provinciaux dans des villes différentes acquises à leurs idées.
En mars 1586, les religionnaires s'emparent du château d'Issel près de Castelnaudary. Deyme et ses troupes lauragaises font des raids du côté d'Albi.
En juin, les troupes de Joyeuse, sur l'ordre du Parlement de Toulouse, mettent le siège devant Montesquieu de Lauragais dont la garnison perturbait le commerce. Au bout de dix jours, la ville est pillée, brûlée et rasée.
Les troupes de Joyeuse au-réolées de ce succès se dirigent vers le Mas Ste Puelles qui a eu le temps de relever ses fortifications, mais après treize jours d'un siège acharné, elles doivent lever le siè-ge.
Après l'assassinat du roi Henri III, Henri de Navarre est son successeur légal sous le nom d'Henri IV. Il a 35 ans et il lui reste à conquérir un royaume dont seulement un sixième le reconnaît comme souverain légitime.
A Toulouse on fait des funérailles solennelles à Jacques Clément, son assassin, à qui on donne le nom de martyr. Le duc de Joyeuse se rend maître de Donneville, Deyme, Pompertuzat et Péchabou et réussit à soumettre Castanet.
Encore six années de guerres civiles qui saccagent le Lauragais. Durant toute l'année 1590, le maréchal de Joyeuse, affronte les armées de Montmorency, chacun essayant d'amener des villes, des villages et des châteaux de son côté. Cependant, tout le pays étant exsangue, on négocie des périodes de trêve pour permettre les travaux des champs. Le duc de Joyeuse reçoit même d'Espagne des renforts avec lesquels il porte la guerre dans l'ouest de Carcassonne : Arzens, Saissac, Arfons, Cabardès, Alzonne et Villepinte sont saccagées. Ensuite, il se rend dans le Lauragais, ne peut s'emparer de Cuq-Toulza, mais pille St Félix et incendie Auriac abandonné par ses habitants.
Le 16 juin 1594, le capitaine Portal gouverneur du Mas Ste Puelles, à l'aide de troupes de Revel, Mazamet et Puylaurens, prend St Papoul qu'il pille sans trop faire de victimes. De leur côté, les ligueurs prennent Mireval où ils font cinquante tués.
En août 1595, les ligueurs de Toulouse essaient de prendre Avignonet, mais les consuls du lieu déjouent leur ruse.
Le pape lève l'excommunication d'Henri IV. De plus en plus de catholiques se rallient au roi.
Les troupes royales mettent le siège devant Castanet où les ligueurs de Joyeuse tiennent garnison. Deyme, alors gouverneur du Lauragais, cherche à rejoindre les assiégeants et tombe dans une embuscade : il est massacré. Castanet capitule. Les habitants et les soldats sont épargnés, mais la ville est incendiée.

L'Abbaye de Saint Papoul, abbaye bénédictine fondée au XIIe siècle, est classée monument historique depuis 1840
L'Abbaye de Saint Papoul, abbaye bénédictine fondée au VIIIe siècle, est classée monument historique depuis 1840

L'Edit de Folembrai précurseur de l'Edit de Nantes
Après l'Edit de Folembrai (24 janvier 1596), les ligueurs encore rebelles se soumettent et obtiennent de larges compensations. Le 13 avril 1598, est signé l'Edit de Nantes qui va assurer la paix pendant tout le règne d'Henri IV. Cet édit ne sera accepté par le Parlement de Toulouse qu'en janvier 1600…

Le Lauragais sort de cette longue période de guerres complètement dévasté. La majorité des églises sont en ruines. A Gibel, faute de bœufs pour labourer, on sème à même le chaume… A Villenouvelle, comme un peu partout en Lauragais, on se plaint de devoir loger et nourrir les gens de guerre. Les soldats sont de mauvais payeurs et quand ils n'ont plus de quoi, ils se servent. De plus, ils sont porteurs de germes provoquant de graves épidémies. Durant ces années de guerre, la peste et le choléra (trousse-galant) sévissent à l'état endémique : on leur doit davantage de victimes que les massacres inter-religieux.

Après la disparition du roi Henri IV, les monarques suivants vont s'appuyer sur le pouvoir théocratique de l'église pour affaiblir et éradiquer le protestantisme. Malgré la Révocation de l'Edit de Nantes (1685), de nombreux protestants vont simuler une conversion pour pouvoir survivre et ce n'est que deux ans avant La Révolution, en 1787, qu'ils vont pouvoir exister en tant que français en ayant droit à un état civil.

Pierre Fabre
Crédit photos : Pierre Fabre


Couleur Lauragais n°168 - Décembre 2014 / Janvier 2015