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Spécial gastronomie

Le cassoulet de Castelnaudary

Essayer de retracer l'histoire de la naissance du cassoulet n'est pas une mince affaire lorsque l'on connaît les discours enflammés que cela provoque. Cependant, l'analyse iconographique, les livres de cuisine, les traités de médecine, l'archéologie, et l'histoire locale, nous fournissent de nombreux indices qui nous permettent d'appréhender la naissance de ce plat mythique et son évolution
Le mot cassole est typiquement occitan et vient de "cassolo" (du latin catinum, plat en terre creux et du grec Kyathion, écuelle, assiette en terre creuse et épaisse).
Le mot cassole est typiquement occitan et vient de "cassolo" (du latin catinum,
plat en terre creux et du grec Kyathion, écuelle, assiette en terre creuse et épaisse).
crédit photo : La Grande Confrérie du Cassoulet

Origine du cassoulet
Elle remonte à la période médiévale. On parle alors de ragoût, plat de viande en sauce qui mijote longuement auprès du feu. Un grand ouvrage de cuisine marque le XIVème siècle : "le Viandier" écrit par Taille-vant, de son vrai nom Guillaume Tirel, cuisinier de plusieurs rois durant 60 ans. Dans son ouvrage, vraisemblablement dicté, Taillevant fait la part belle aux pâtés et ragoûts, dont le ragoût de mouton et de porc aux fèves.
Les historiens de la cuisine pensent que Taillevant aurait pu s'inspirer d'un ouvrage arabe rédigé par Mohamed de Bagdad en 1226, qui révèle une cuisine extrêmement raffinée. Cet ouvrage fait appel à un déploiement d'épices, d'herbes, de légumineuses, et de viande de mouton. Certains historiens pensent que l'origine du cassoulet est arabe. Ce serait eux qui, au VIIème siècle, auraient introduit dans le sud de la France, la culture d'une fève blanche et qui enseignèrent aux habitants du pays à apprêter cette légumineuse. Le ragoût de mouton à la fève blanche figure parmi les recettes du Traité de cuisine de Bagdad. Taillevant a repris cette re-cette dans son Viandier.

La légende place la naissance du Cassoulet durant la Guerre de Cent ans
Mais aucune archive ne mentionne cette tradition, qui fut relatée pour la première fois au début du XVIème siècle. La légende raconte que, durant un siège de Castelnaudary par les anglais, les habitants, menacés de famine, mirent en commun tout ce qu'ils avaient pour nourrir les soldats de la ville. Lard, porcs, fèves, saucisses, viandes furent mis à mijoter dans une grande jatte. Revigorés par ce repas, les soldats chauriens boutèrent les anglais hors du Lauragais et jusqu'au bord de la Manche !

Chaque endroit a ses gourmandises
Et vante ses bons morceaux
Lagrasse a ses perdrix grises
Le Villasavary suce ses melons
Albi dore ses gimblettes
Limoux fait mousser sa blanquette
Castelnaudary seul a le Cassoulet

Cet épisode fait peut-être allusion à la mise à sac de la ville par le Prince Noir en 1355, qui ne fut pas un siège mais un incendie. Le plat qui donna naissance au cassoulet est donc un ragoût. Le « Viandier » de Taillevant mentionne en effet, le « Hericot » qui vient du verbe « héricoter » en vieux français, qui signifie découper, hacher en petits morceaux. Le « héricot » était un ragoût de mouton, mis à mijoter avec des fèves, des navets et des herbes aromatiques comme le persil, l'hysope et la sauge. Ce plat, « plat du pauvre », était un repas complet, qui permettait d'accommoder les restes. Il évolua au fil du temps en fonction de ce que l'on y mettait.

Issel, berceau de la cassole
Ce ragoût fut mis à cuire à la fin du XIVème siècle dans un plat à la forme particulière, la cassole, qui fut créée par les potiers d'Issel, petit village à 8 km au nord de Castelnaudary. En 1377, sous les auspices de Guillaume de Plane, seigneur d'Issel, Jean Gabalda, un italien, établit dans ce lieu un atelier de poterie. Les objets fabriqués alors étaient plutôt des pièces ménagères, des réchauds, des passoires, des marmites, des oules (pots à cuire destinés à bouillir devant le feu). La cassole, sorte de jatte à bords évasés, était donc connue dans le Lauragais depuis le XIVème siècle. Et c'est cette terre cuite d'Issel qui donne au cassoulet son goût si particulier.

Le cassoulet d'aujourd'hui
Le cassoulet, tel que nous le connaissons aujourd'hui, apparaît au début du XVIème siècle, car ce ne sont plus des fèves que l'on mettra à cuire, mais des haricots lingot. Le haricot lingot est une variété particulière, le Phaseolus arborigineus, qui a vu le jour dans une zone s'étendant du Mexique au Pérou et à la Colombie. Il s'agit d'une liane grimpante très vigoureuse donnant de petites graines noires. C'est ainsi que le haricot gagna notre pays.

Ramené par Christophe Colomb, ce haricot fut importé en France en 1530. En 1528, Pietro Valerio, chanoine italien reçut du pape Clément VII quelques haricots envoyés d'Amérique au titre de curiosité botanique. Le chanoine cultiva ces spécimens et découvrit leur utilité alimentaire et ses vertus aphrodisiaques ! Alexandre de Médicis offrit un sac de ces haricots à sa sœur pour son mariage avec le dauphin de France, futur Henri II.
Plus localement, Catherine de Médicis, devenue comtesse du Lauragais en 1553, joua vraisemblablement un rôle pour imposer la culture de cette nouvelle plante dans le Lauragais. La graine blanche, peu à peu semée et cultivée, gagne l'ensemble du Sud-Ouest. Un peu plus tard en 1637, un curé d'Agde cultive le haricot et lance la mode de ces pois blancs appelés Flaviols ou Mounjetas dans le Tarn.

   Dans la lignée des produits de qualité supérieure destinés à la gastronomie, le Haricot de Castelnaudary réjouit depuis plus de trois siècles le palais des gastronomes qui recherchent authenticité, personnalité et qualité.
Dans la lignée des produits de qualité supérieure destinés à la gastronomie,
le Haricot de Castelnaudary réjouit depuis plus de trois siècles le palais des gastronomes
qui recherchent authenticité, personnalité et qualité. crédit phto : La Grande Confrérie du Cassoulet

Le Haricot lingot de Castelnaudary une saveur unique

Les lingots sont des haricots longs et blancs dont la culture allie tradition et modernité. Le haricot Lingot est traditionnellement cultivé dans le Sud Ouest.

Le haricot lingot, importé des Amériques par Christophe Colomb, connaît son heure de gloire au milieu du XVIème siècle, lorsque Catherine de Médicis, comtesse du Lauragais, amène dans ses bagages cette nouvelle plante.

Plus petit que son cousin vendéen et à la peau plus fine et donc plus digeste, il est aujourd'hui cultivé (270 ha) par quelques quarante agriculteurs dans le Lauragais regroupés sous la forme d'un Syndicat Professionnel de Producteurs de Haricots à Cassoulet créé le 19 décembre 1996.

Dans le terroir autour de Castelnaudary, à l'Ouest de la région Languedoc-Roussillon, les haricots sont produits suivant un cahier des charges très rigoureux. Il s'agit d'une production locale tracée, depuis le choix de la parcelle à ensemencer jusqu'à la production, le conditionnement et la commercialisation. Les lots sont identifiés par parcelle, par producteur, de la réception du lot à sa consommation.

Les traditions culinaires évoluent considérablement jusqu'au XVIIème siècle, considéré comme le grand siècle de la cuisine française. Le cassoulet qui portait alors le nom d'estouffet ou de ragoût, prend officiellement son nom au cours du XVIIIème siècle.
En 1836, s'installe à Castelnaudary, la première fabrique industrielle de cassoulet. Il s'agit de la maison Bouissou qui produit la marque « La Renommée ».

Il semble donc sans conteste, que le cassoulet a été créé dans le Lauragais, même si nous l'avons vu, son origine est issue d'un ragoût rustique, qui au demeurant pouvait se faire n'importe où et qui trouva au fil des siècles des variantes comme celui de Carcassonne ou de Toulouse. Mais, Castelnaudary a su s'approprier la cassole, le haricot lingot et perfectionner au mieux la recette qui fut rendue officielle en 1909. La tradition chaurienne donna à ce plat sa saveur inégalée : la cuisson au four du boulanger, chauffé avec du bois de la Montagne Noire. Pour le rendre encore plus savoureux et si particulier il est recommandé de faire tremper les haricots dans l'eau de « Co d'en Sens », source qui alimente la ville depuis 1853.

En 1929 Prosper Montagné célèbre chef cuisinier à Paris d'origine Carcassonnaise, reconnaît la suprématie du Cassoulet de Castelnaudary dans son ouvrage intitulé « Le Festin Occitan » : « Le cassoulet est le Dieu de la cuisine occitane. Un Dieu en trois personnes : Dieu le Père qui est le cassoulet de Castelnaudary, Dieu le fils qui est celui de Carcassonne et le Saint-Esprit, celui de Toulouse ».
Castelnaudary seul a le Cassoulet

Ainsi depuis le Moyen Age, Castelnaudary et le Lauragais ont su préserver une légende populaire qui fit du cassoulet le patrimoine culinaire emblématique de cette ville et de ce petit « pays ».

La Grande Confrérie du Cassoulet
www.confrerieducassoulet.com



Couleur Lauragais n°156 - octobre 2013