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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

Sur la route des Moulins autour de Villefranche de Lauragais

Depuis plus d'une douzaine d'années, l'historien des moulins Pierre Mercié s'attache à décrire dans Couleur Lauragais les nombreux moulins à vent qui ornent encore les cimes de ce pays vallonné, fréquemment battu par les vents d'Autan, du Marin ou du Cers. Après vous avoir conduit à plusieurs reprises dans le Lauragais Audois et Garonnais, il s'est attaché ce mois-ci à vous faire découvrir les moulins des environs de Villefranche de Lauragais où certaines anecdotes ne manquent pas d'attraits.
route des moulins

Villefranche de Lauragais
Villefranche, vieille bastide Lauragaise, a compté autrefois de nombreux moulins, dont les plus connus étaient les trois spécimens situés Avenue de Sébastopol. Appelés moulins Bourrel, la mémoire orale veut que ce nom provienne du meunier de l'époque qui en aurait assuré l'exploitation. Une carte postale de 1905 les représente tous les trois disposés en ligne sur une même hauteur. Les deux munis de leurs ailes ont aujourd'hui entièrement disparu, et seul subsiste le plus près du bourg à la tour déjà décoiffée à cette époque. Vers 1987-88, les Compagnons procédèrent à la restauration du moulin qu'ils transformèrent en habitation, et remirent en état la maison du meunier. Bien que les ailes du moulin soient toujours absentes, il y a tout intérêt à s'attarder sur le fût tout en brique rouge qui porte, sculpté sur une pierre calcaire, la figure de Saint-Martin juché sur un cheval. Voûtée en coupole, la cave est tout aussi intéressante à découvrir. Cependant, elle ne se visite pas.

   Les moulins de l’Avenue de Sébastopol au tout début du XXème siècle. Les deux munis de leurs ailes ont aujourd’hui disparu. Seul subsiste le plus près du bourg à la tour décoiffée qui fut remise en état et couverte vers 1987-88.
Les moulins de l'Avenue de Sébastopol au tout début du XXème siècle. Les deux munis de leurs ailes ont aujourd'hui disparu.
Seul subsiste le plus près du bourg à la tour décoiffée qui fut remise en état et couverte vers 1987-88.

A la sortie du village, en direction de Carcassonne et situé à gauche sur le coteau, un autre moulin à vent de belle facture a fonctionné. Aujourd'hui détruit, seule une photo témoigne de son existence.

Villefranche. Le moulin du coteau. Il est au-jourd’hui détruit.
Villefranche. Le moulin du coteau. Il est aujourd'hui détruit.

Avignonet Lauragais
Le moulin en Francs - Il y a une quinzaine d'années, ce moulin situé au lieu dit ''Le Marès'' avait été restauré extérieurement et couvert d'un toit en pouvrière. Devenu avec la maison du meunier une belle habitation, il était cependant dépourvu de ses ailes. Fort heureusement, cette lacune a été comblée ces dernières années, si bien qu'aujourd'hui il est plaisant d'apercevoir sa silhouette trôner admirablement au sommet du coteau. Construit juste après la Révolution Française en 1790, son arrêt est intervenu au cours de l'année 1936. Il était accompagné dans la vallée d'un moulin à eau qui fut arrêté après la guerre de 1939-45.
Durant cette période délicate les autorités en place avaient interdit la mouture des céréales, allant jusqu'à fermer l'entrée du moulin au moyen d'une chaîne cadenassée. Cependant, le meunier, bravant les interdits, ouvrait le cadenas et à la faveur de la nuit confectionnait de la farine pour les villageois.
Vers 1942, probablement pour augmenter la production, les deux paires de meules du moulin à vent furent démontées et portées à l'aide de bœufs au moulin à eau, où elles reprirent du service au moyen de l'électricité.
L'un des meuniers ayant exercé au Marès se nommait Auguste Planquade et le tout dernier fut Antonin Subreville, originaire de Pexiora dans l'Aude toute proche. Il était surnommé par les habitants du village «Lattifaille».

Avignonet Lauragais. Le moulin en Francs au lieu-dit le Marès en août 1997.
Avignonet Lauragais. Le moulin en Francs au lieu-dit le Marès en août 1997.

- Le moulin de la Tuilerie
Situé à proximité de l'ancienne RN 113, ce moulin au fût de taille assez imposante, est aujourd'hui couvert d'un toit de tuiles à deux pentes.
Sur le linteau de la porte d'entrée, figure une date (probablement de la construction), difficile à lire. Est-ce 1630 ou 1730 ? Comme les chiffres sont en partie effacés, il n'est pas possible de se prononcer avec plus de précision. A l'intérieur, à l'exception d'une très grosse poutre à mi-hauteur de la bâtisse, plus rien ne subsiste. Au rez-de-chaussée, de chaque côté, on remarque que les murs sont creusés en alcôve, et compte tenu de l'importance du fût, on peut penser que le moulin était pourvu de deux paires de meules.
«Un acte daté du 02 août 1885, passé par Maître Faure Georges, Notaire à Avignonet, mentionne et précise que lors de la vente des lieux, se trouve une bâtisse ayant servi de moulin à vent»(1). On peut donc constater qu'à cette date il était déjà arrêté.
Ce village conséquent a vu fonctionner de nombreux autres moulins ; on parle encore du quartier des neuf moulins, situé côté Sud, mais ils ont aujourd'hui disparu.

Gardouch
Le moulin de L'Herqule du Midi - Il faut remarquer la curieuse orthographe de Hercule. Cette inscription située sur le côté nord-est de la tour à une dizaine de mètres de haut, est mentionnée sur une plaque de pierre suivie de : «fait l'an 1850». Ce moulin possède deux portes, l'une au nord, l'autre au sud. Désormais couvert d'un toit de tuiles, il n'a plus d'ailes ni de mécanismes, mais de son passé subsistent quatre meules, sur la pelouse. Sur l'une d'entre elles sont inscrites deux initiales, ''L.A.'', ainsi que la date de 1850, soit l'année de construction du moulin. Pendant le conflit de 1939-45, bien que le moulin fut en ruines et la toiture effondrée, les soldats Allemands l'utilisèrent comme observatoire, du fait sa position élevée.

D'après une carte postale du début de 1900, on aperçoit sur la ligne de crête de la colline, la silhouette de quatre moulins qui virèrent au vent. Le plus imposant est celui de L'Herqule, il est le seul rescapé. Après avoir été démolis, les matériaux des trois autres servirent à empierrer le chemin des coteaux.

Gardouch. Sur la ligne de crête figurent les quatre moulins à vent.
Gardouch. Sur la ligne de crête figurent les quatre moulins à vent.

Au cours des premières années 1960, le moulin de L'Herqule en mauvais état, fut restauré par un entrepreneur de Toulouse, assurant ainsi sa sauvegarde. Peu après, en 1964, il fut acquit par Monsieur Michel Seignan qui l'a maintenu dans un parfait état.

Renneville
Le Moulin Vié - Depuis fort longtemps, ce village a possédé des moulins à vent. Déjà en 1554, sur le domaine de Lagarrigue, il est fait mention d'un moulin à vent dénombré par Jean de Ravaing. Une maison, 93 arpents de terre et la métairie de Teulet de 25 arpents y figurent également.
Aujourd'hui, on retrouve encore les restes de deux anciens moulins. Celui de Vié, au fût de pierre assez imposant en bon état, n'a plus de mécanisme et se trouve dépourvu de son toit. Percé de deux portes, l'une ouvre sur le rez-de-chaussée, la deuxième, surélevée permettait d'accéder à la chambre des meules et, compte tenu de la circonférence du fût, elles devaient être au nombre de deux paires.

"D'après un acte du 21 mars 1878, Auguste Vié et Marie Barrau son épouse domiciliés à Seyre, ont acheté à la mairie la parcelle numéro 195 section B de 11 ares et 88 ca, où se trouve actuellement le moulin, pour la somme de 800 francs. Bernard Vié le fils, en a hérité le 03 août 1919. Par la suite D….. M…., fille de Bernard Vié, a vendu en 1986 le moulin à Monsieur et Madame Camboulives qui ont entrepris de restaurer dans un premier temps le fût"(2).

- Le Moulin L'Hière ou Lière
Construit en pierre et couvert d'un toit de tuiles à deux pentes, cet ancien moulin à vent ne possède plus d'ailes et est arrêté de longue date.
Si nous n'en connaissons que peu de choses, nous savons cependant que ce lieu a depuis longtemps vu fonctionner d'autres moulins à vent.
Une première mention nous apprend qu'en 1661, un moulin pastelier est rebâti et remis en état. Un deuxième acte daté de 1678 mentionne qu'il ne travaille plus depuis longtemps car il n'y a plus de pastel dans la région.

Notons au passage que la grande période du commerce du pastel a commencé à Toulouse en 1463, pour se terminer en 1560, même si quelques moulins pasteliers fonctionnaient encore vers le XVIIIème siècle. Le dernier de ces moulins, ou l'un des derniers, fut, je pense, celui de Saint-Léon.

Montclar Lauragais
Ce moulin bâti en pierre a la particularité de posséder au dessus de la porte d'entrée, deux fenêtres conséquentes superposées, ce qui n'est pas du tout fréquent en Lauragais. Sur la tour, près de la fenêtre centrale, figure la date de construction 1831. Bien que le moulin soit dépourvu de ses ailes et de son toit, le propriétaire apporte des soins attentifs à la restauration du fût. A l'intérieur de ce dernier, une seule meule a été retrouvée, mais il est fort probable qu'au temps de son activité elles furent au nombre de deux.
Selon toute vraisemblance, l'arrêt du moulin a eu lieu vers la fin du XIXème siècle, ou bien au tout début du XXème, car aucune des personnes âgées du village ne se souvient de l'avoir connu en activité.

A proximité, sur la même hauteur, un autre moulin a également fonctionné, mais de nos jours il n'en reste plus rien. De cette proximité, a fleuri une savoureuse petite anecdote qui mérite d'être citée. Je vous la livre telle que Monsieur Robert Audouy, son propriétaire actuel, me l'a contée.

"Ces deux moulins disposés près l'un de l'autre, étaient exploités par deux meuniers rivaux, qui ne se parlaient pas. Cependant, lorsque la mule ou l'âne de l'un d'entre eux avait du mal à gravir la butte, l'autre meunier, sans un mot, sortait de son antre afin de porter aide à son concurrent. Ensuite, chacun regagnait son moulin respectif, le plus souvent sans s'être adressé la moindre parole".

Montgaillard Lauragais
Ce village a vu fonctionner de nombreux moulins à vent exploités par une famille de meuniers, les Pagès, qui y exercèrent la profession durant de nombreuses générations. De nos jours, tous ces moulins ont disparu, à l'exception d'un seul désormais transformé en habitation. Si le fût de brique rouge est bien restauré, il ne possède plus ses ailes ni son mécanisme et est coiffé d'un toit de tuiles. Heureusement, un ancien très beau document nous montre le moulin en parfait état avec sur le pas de la porte le meunier Eugène Pagés encore jeune à cette époque. Il devait arrêter le moulin vers 1930. Petite particularité, ce moulin équipé de deux meules au rez-de-chaussée n'apas toujours été situé à l'emplacement qu'il occupe aujourd'hui. Auparavant il était en activité au fond de la côte du village et a été déplacé de ce lieu pour être installé à environ un kilomètre de là. Plus près du moulin à eau et de l'habitation des propriétaires, sa surveillance pouvait s'exercer avec une plus grande commodité. A l'origine son toit était orienté depuis le dehors au moyen d'un gouvernail en bois. Par la suite, un système plus moderne à engrenages et crémaillère a été monté à l'intérieur sous la charpente.

Montgaillard-Lauragais. Le dernier moulin à subsister. Sur le pas de la porte, le meunier Eugène Pagès.
Montgaillard-Lauragais. Le dernier moulin à subsister. Sur le pas de la porte, le meunier Eugène Pagès.

Au début du XXème siècle, près de l'église, un moulin à vent se dressait sur une butte artificielle. Arrêté depuis longtemps à cette époque, il était en mauvais état. La petite hauteur sur laquelle il se situait a été détruite et nivelée début 1997. Ne subsiste plus aujourd'hui qu'un mur de soutien.

Vers le château d'eau, deux autres très anciens moulins à vent dont les toits avaient la rare particularité d'être fixes, ont fonctionné. L'un se trouvait orienté au Cers, l'autre à l'Autan, ce qui permettait au meunier de limiter le chômage technique. Tout de même, pour parvenir à ce résultat, il faut constater que construire deux moulins était une solution plutôt coûteuse. Le meunier était-il aisé ?

Beauteville
Le moulin dont il ne subsistait plus que le tronc couvert d'un toit de tuiles à hauteur de la fenêtre du premier étage, fut arasé vers 1970. Néanmoins une partie de la base circulaire sur laquelle il s'élevait se trouve toujours en place. Il s'agit de la circonférence d'une vaste butte construite en pierre, d'environ trois mètres de haut. Une particularité à remarquer, car généralement les buttes sur lesquelles les moulins se dressaient, étaient entièrement en terre. Accolée, la maison du meunier qui existe encore, se trouve en bon état, mais n'a pas de cachet particulier.
Date-t-il du XVIIème siècle comme le pense son propriétaire ? Je ne peux l'affirmer. Une plus grande précision existe concernant son arrêt qui serait intervenu vers le début du XXème siècle.

Le moulin de Beauteville vers 1905.
Le moulin de Beauteville vers 1905.

Trébons sur la Grasse
Bien que Trébons soit un petit village, il a possédé jusqu'à six moulins à vent ce qui est considérable. Mais aujourd'hui, seuls deux, bâtis côte à côte, ont résisté à l'épreuve du temps. Abandonnés et dépourvus de tout mécanisme, ces moulins sont situés sur une petite hauteur au milieu des champs, sans aucun chemin d'accès.

Couvert d'un toit de tuiles et percé de deux portes, il faut remarquer la base renflée du premier. Il devait être équipé de deux paires de meules au rez-de-chaussée car les murs sont creusés intérieurement en alcôve ; de plus, la cave, où s'entremêlent de vieilles boiseries, pouvait contenir une partie du mécanisme inférieur.

Le deuxième spécimen, dépourvu de toit et de dimensions plus réduites, semble n'avoir eu qu'une paire de meules au rez-de-chaussée. En effet, il faut remarquer face à la porte, le mur creusé d'une seule alcôve.

Monsieur Rivière, le dernier meunier à les avoir exploités, devait les arrêter vers 1914. Très rapidement, quelques années après, ils se dégradèrent et perdirent leurs ailes.

Pierre Mercié

Auteur de : "Légendaires Moulins à Eau" - L'Académie des Jeux Floraux de Toulouse a décerné une médaille d'argent à cet ouvrage (Renseignements pour se le procurer : 05 61 85 30 43)

(1). D'après les documents fournis par Monsieur Georges Pélissier.
(2). D'après les documents fournis par Monsieur et Madame Camboulives.


Crédit photos : Collection Pierre Mercié.

Couleur Lauragais n°152 - mai 2013