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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

Sur la route des moulins du Lauragais

Si les moulins à vent sont aussi nombreux en terre Lauragaise, il est aisé de comprendre que la fréquence des vents a joué un rôle prépondérant dans le développement de l’activité meunière. Cette contrée est en effet l’endroit de France où le vent souffle le plus fréquemment. Par conséquent, et afin de mesurer la remarquable expansion qu’eut la meunerie à vent dans le Lauragais au temps de sa splendeur, il est intéressant de se reporter à la statistique impériale de 1809, traitant des trois départements sur lequel ce pays s’étend. La Haute-Garonne possédait 410 moulins à vent, l’Aude 287 et le Tarn 102, plaçant la contrée parmi les plus fournies du territoire Français.

moulins du Lauragais

Néanmoins, une autre particularité a favorisé l’expansion de cette pépinière de moulins. Autour de la métropole Toulousaine, s’étendent de vastes plaines, des plateaux, ou encore de douces collines propices à la culture des céréales. Le Lauragais, avec ses sols fertiles, émerge de toutes ces variétés de terres arables. Il faut préciser que les blés récoltés dans la contrée sont excellents. De même qu’il existe des terroirs pour les vins, les blés possèdent aussi les leurs. Le Lauragais est de ceux-ci comme le sont les plaines de la Beauce qui s’étirent jusqu’à l’Artois en passant par la Brie, sans oublier, au sud-est de la France, le département de la Drôme tout aussi réputé pour ses blés. Dans ces conditions, comment ne pas chercher à s’intéresser à ce généreux patrimoine en partant à la découverte de quelques spécimens ou vestiges de moulins à vent qui subsistent, et, parfois, surgissent brusquement au détour d’une courbe, d’un vallon, d’une crête. Aujourd’hui, nous vous proposons une promenade à la découverte de quelques moulins du Lauragais.

Le fonctionnement du moulin à vent

Mais avant d’entamer notre périple, il m’a paru judicieux d’évoquer succinctement le fonctionnement du moulin à vent. Cette petite parenthèse devrait permettre, par sa meilleure compréhension, un intérêt accru de la sortie découverte qui vous attend.
Avant de procéder à la mise en route d’un moulin, il est impératif d’orienter les ailes face au vent, en ayant soin de les entoiler avec la surface qui correspond à son intensité. L’orientation s’obtient en faisant pivoter l’ensemble du toit qui peut se faire à 360°, au moyen d’un gouvernail ou d’une crémaillère.
Mis à part de très rares cas, où l’on trouve des moulins munis de six ailes, la généralité en comprend quatre placées en croix. Sur chacun des bras, deux toiles peuvent être tendues et c’est avec ces éléments que le meunier pourra soit augmenter, soit diminuer la voilure, suivant la force exercée par le vent. Et gare à celui qui aura laissé emballer son moulin par manque d’anticipation ou de surveillance. Il s’expose aux pires ennuis et dans ce cas, il n’était pas rare de voir voler en éclats les dents de certains engrenages. Parfois même c’était le chapeau et une partie du mécanisme qui se retrouvaient parmi les champs, avec de gros frais de réparations.
Force est donc de constater qu’il ne faisait pas toujours bon de dormir pour un meunier. Et, dans ces circonstances, comment ne pas se remémorer la si célèbre chanson de ‘’Meunier tu dors’’, que tout le monde a un jour fredonnée dès sa plus tendre enfance, et qui reste à jamais gravée dans notre mémoire.
Mais nous disions que les ailes devaient être orientées face au vent. Ce dernier, par sa puissance, les met en mouvement en même temps que l’arbre moteur et le grand rouet qui sont solidaires, et transmettent ensuite la rotation aux meules par un jeu de mécanismes.

Dessous de plat ancien en céramique représentant l'imagerie d'une célèbre comptine
Dessous de plat ancien en céramique représentant l'imagerie d'une célèbre comptine - crédit photo : Pierre Mercié

Montlaur
Moulin d'En Cos

Situé sur une butte à une altitude de 209 mètres, ce moulin est appelé ainsi car il appartenait à un nommé Pierre de Cos. Son histoire est ancienne ; en effet, on le retrouve mentionné dès 1625 dans le compoix de Montlaur. Après avoir changé plusieurs fois de mains, il fut acquit en 1822 par un riche meunier du village d'Escalquens, Louis Noël Sambres, qui fit bâtir la maison du meunier. Jusqu'à cette époque le moulin ne possédait qu'une seule paire de meules disposée à l'étage. Au dessous était situé le logement du meunier qui y vivait en famille. Les registres paroissiaux révèlent trois noms de meuniers qui naquirent, vécurent ou moururent au moulin même, au cours des 17ème et 18ème siècles. Il s'agit de Villepinte, d'Ayral et de Blanc.
Le moulin fut refait dans plusieurs parties en 1825. Deux portes furent aménagées, l'une au nord, l'autre au sud, et deux paires de meules furent installées à la place où vivait le meunier. Après avoir marché durant plus d’un siècle sans modification notable, la mouture des céréales, au moyen du vent cessa vers 1935. Cependant, le dernier meunier, Bernard Sambres, le fit fonctionner avec un moteur diesel jusqu'en 1954. Aujourd'hui s'il ne possède plus ses ailes, ce qui est fort regrettable tant ce moulin est vénérable, le toit, l'arbre moteur et les meules sont dans un état parfait. Sous les trémies, il faut remarquer les deux têtes de chevaux superbement sculptées et ornées. Le mécanisme d'entraînement lui aussi en très bon état, se trouve, chose peu commune, sous la chambre des meules.
Il ne faut pas manquer de s'attarder un peu sur la girouette qui comme l'indique son propriétaire, est unique en Lauragais. Elle représente une bannière ajourée à une croix des Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. La hampe se terminant par une fleur de lys.

Le moulin de Montlaur en 1895
Le moulin de Montlaur en 1895 - crédit photo : collection Pierre Mercié

Moulin du château
Un autre intéressant spécimen, construit en brique rouge, domine la vallée qu’il semble surveiller d’un œil sourcilleux depuis son imposante butte maçonnée. Bien qu’il ne possède plus de toit, ni aucun mécanisme, à la cave, se trouvent de très belles arcades ayant servi à supporter les meules qui devaient être, très vraisemblablement, au nombre de deux paires. Ce moulin dépendait du château de Montlaur, fief de Catherine de Médicis, qu’elle visita le 21 août 1578. D’après la mémoire orale, au cours d’un été, il aurait brûlé dans la deuxième partie du XIXème siècle. A la suite de ce sinistre, il ne fut jamais remis en état et est depuis laissé dans un quasi abandon.

Castanet
Sur la colline qui domine la commune, se dresse le fût de brique d’un ancien moulin à vent dépourvu de son toit. A proximité, la maison du meunier tout en longueur est disposée légèrement en contrebas. Au dessus de la porte d’entrée du moulin, sur une large pierre, on observe une inscription précédée de la date de 1778, qui, d’après la propriétaire, correspond à l’année de construction.
Les Dufau, famille de meuniers, pratiquèrent longtemps la meunerie dans ce moulin qui fut arrêté une première fois vers la guerre de 1914-1918. Cependant le moulin fut ensuite remis en état afin d’être exploité en gérance par un nouveau meunier. Hélas cet homme devait décéder brutalement sans avoir fait fonctionner le moulin, ou bien durant une très courte période. Mais le pire restait à venir ! Le coup de grâce lui fut donné lors de la violente tempête du 1er septembre 1934, où le toit et les ailes furent emportés par une bourrasque et fracassés au sol. A la suite de ce nouveau coup du sort, il ne fut jamais remis en état et est depuis décoiffé, laissé sans guère d’entretien.

Le vieux moulin de Castanet
Le vieux moulin de Castanet - crédit photo : collection Pierre Mercié

Montbrun-Lauragais
Moulin de Passelègue
Remis en état ces dernières années, ce moulin a été construit en 1680 comme l'indique la date mentionnée au dessus de la porte d'entrée. Au dessous de la datation on peut observer un petit signe géométrique gravé.
Ce moulin a d'abord été arrêté une première fois en 1913 par François Monfraix, le dernier meunier à avoir fabriqué de la farine panifiable. En 1946, plus ou moins délaissé, il était en fort mauvais état. Remanié aux alentours de 1948-1950 par Raymond Pastre(1) qui refit la charpente et les ailes, l’exploitation devait ensuite être assurée par Marius Hébrard. Son fils René Hébrard lui succéda jusqu'en 1960, date à la-quelle le moulin fut cette fois, définitivement arrêté. Il convient de noter qu'à partir de 1952-1953 un moteur électrique de 12 chevaux avait été installé pour permettre le fonctionnement plus souple des deux paires de meules. Si les ailes restèrent cependant en place, elles ne furent plus jamais remises en activité.
Voici une vingtaine d'années, bien qu'inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques depuis 1965, il était à nouveau en état de délabrement à la suite de son abandon. Cédé à la commune par sa propriétaire vers 1990, ce moulin a vu au cours de 1999 l'aboutissement d'une complète remise en état. Au cours de cette restauration, alors que l'ensemble du chapeau était au sol lors de la journée des moulins du 20 juin 99, deux parties méritaient une attention toute particulière : l'arbre moteur, énorme pièce de chêne sur laquelle figure la date de 1871, ainsi que la tête de l'arbre, lourde pièce de fonte percée de deux lumières. Sur cette dernière qui provient du moulin d'Escalquens aujourd'hui disparu, on peut y lire ‘’Beillan frères’’, Toulouse 1903.
Enfin, après une dizaine d'années de labeur autant que d'opiniâtreté, de la part de bien des anonymes, son aspect original lui a été restitué au cours de la matinée du 29 octobre 1999, avec la pose du toit supportant les ailes et le gouvernail. Inauguré le 23 juin 2002, le moulin, du haut de sa butte, peut désormais fabriquer de la farine comme autrefois, pour le plus grand plaisir des visiteurs.

Le moulin de Montbrun Lauragais au début du XXème siècle

Le moulin de Montbrun Lauragais au début du XXème siècle
crédit photo : collection Pierre Mercié

 

Le moulin de Montbrun Lauragais en juin 2000
crédit photo : Pierre Mercié

Le moulin de Montbrun-Lauragais en juin 2000

Donneville
Dominant la localité, le moulin du village construit en brique rouge n’est aujourd’hui guère en bon état ; de profondes lézardes s’ouvrent autour de son fût conique. Bien que dépourvu de ses ailes comme de son toit, à l’intérieur, les deux paires de meules sont néanmoins toujours en place sur leur socle au rez-de-chaussée. Vers 1905, avec son chapeau en partie effondré et ses ailes endommagées, il n’était visiblement plus en état de moudre. Après avoir été remanié et remis en fonctionnement, il fut ensuite définitivement arrêté entre les deux Grandes Guerres, aux environs de 1935.

Donneville, au deuxième plan à gauche le moulin
Donneville, au deuxième plan à gauche le moulin - crédit photo : collection Pierre Mercié

Montesquieu Lauragais
Dans le passé, ce petit village qui autrefois s’appelait Montesquieu-sur-le-Canal, a vu fonctionner jusqu’à sept moulins à vent. Trois d’entre eux sont parvenus jusqu’à nous plus ou moins mutilés.
Moulin d’en Bas
Le moulin d’en Bas était situé à proximité immédiate du village. Malheureusement il fut démoli en 1996 et aujour-d’hui, seule une carte postale nous permet de connaître l’emplacement exact qu’occupait jadis la construction.
Contrairement à la plupart des moulins à vent, qui généralement se trouvent érigés au sommet d’une colline, d’une hauteur ou simplement d’un mamelon, le Moulin d’en Bas était implanté dans une vallée que les vents suivaient, et parfois, paraît-il, virait plus aisément que son voisin, ‘’le Moulin d’en Haut’’, situé sur la colline faisant face au village.
De quand date-il ? On ne retrouve guère de traces. Cependant l’on sait qu’au cours des guerres de religion, l’église fut reconstruite aux environs de 1610-1620. Le moulin semble avoir été construit après. Le dernier meunier fut François Faure qui l’arrêta vers 1943-1944. A cette époque, le moulin était pourvu de deux paires de meules animées par des pignons de fonte, ce qui était relativement moderne comparé aux engrenages de bois.

Montesquieu, dans la vallée au pied du village le moulin d'en Bas
Montesquieu, dans la vallée au pied du village le moulin d'en Bas - crédit photo : collection Pierre Mercié

Moulin d’en Haut
Construit tout en brique rouge, ce moulin est érigé sur la colline qui fait face au village, à proximité du château d’eau. S’il ne possède plus son toit en poivrière ni ses ailes, son fût conique en bon état se dresse encore fièrement. Bien que la date de son arrêt soit difficile à déterminer, nous savons qu’elle est intervenue bien avant celle du Moulin d’en Bas, situé à quelques centaines de mètres de là, dans la vallée.

Moulin Bigot
Erigé dans la vallée de L’Hers à la limite extrême de la commune de Montesquieu, le moulin Bigot dresse son fût de brique rouge parmi les champs environnants. A présent sans toit, son tronc pourvu de deux portes, l’une ouvrant au nord, l’autre au sud, était suffisamment vaste pour abriter deux paires de meules. Gravés dans la brique du fût, figurent les noms de Mora et de Loupiac, ainsi que la date de 1876. D’après la version locale, cette datation correspondrait à l’année de la reconstruction. En effet, ce moulin n’a pas toujours été à l’emplacement qu’il occupe aujourd’hui. Auparavant, il était implanté à une centaine de mètres de là, proche, vraisemblablement, de la petite rivière où un moulin à eau était en activité. Si ce dernier a été arrêté entre les deux guerres par la famille Loupiac, à laquelle il a longtemps appartenu, le moulin à vent a cessé définitivement de moudre, dès le début du XXème siècle.

Fourquevaux
Le moulin à vent de Fourquevaux est érigé en bordure de ce petit village au sommet d’une imposante butte artificielle qui met en valeur son fut conique de brique rouge. Malheureusement en mauvais état, il ne possède plus de toit ni de mécanisme à l’intérieur, où il est dangereux et fortement déconseillé de s’aventurer. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, sa position élevée permit aux troupes Allemandes de l’utiliser comme tour de guet. C’est de cette époque que son chapeau a été totalement détruit par l’ennemi. L’on sait que des meuniers répondant au nom de Metché pratiquèrent la meunerie dans ce village. Mais était-ce au moulin à vent ?

Labastide-Beauvoir
Au début du XXème siècle, ce site a vu fonctionner deux moulins à vent distants de quelques dizaines de mètres. Celui désormais disparu a été en partie détruit par un ouragan vers 1910. A la suite de quoi, le grand-père du propriétaire actuel le démolit entièrement, récupérant les matériaux pour agrandir la maison familiale ainsi que les dépendances. Le moulin restant, bâti en briques foraines, ne possède plus ses ailes et est aujourd’hui couvert d’un toit de tuiles à deux pentes. La date de sa construction remonte vers 1880-1882, et figure sur une pierre calcaire, difficile à lire, placée au dessus de la porte d’entrée. Equipé de deux paires de meules disposées au rez-de-chaussée, il est venu remplacer le vieux moulin à une seule meule qui datait de plusieurs siècles déjà et était en mauvais état.
Après avoir fonctionné ainsi au vent jusqu’en 1934, les ailes lui furent supprimées. Pourvu ensuite d’un moteur diesel développant 15 cv, issu d’un bateau, son utilisation était plus souple avec un meilleur rendement. Mais en 1940, par pénurie de carburant due à la guerre, un moteur électrique a été installé et la mouture a pu continuer ainsi jusqu’en 1960. Cette date fut fatale pour l’activité du moulin, car Daniel Monfraix, le dernier meunier d’une lignée, devait arrêter définitivement la meunerie. Au fil de ses propos, cette personne me fit connaître comment les éleveurs s’étant équipés de broyeurs et de concasseurs, signe des temps, laissèrent le moulin et son meunier sans ouvrage. A partir de ce moment, sans aucune clientèle, il dut se résoudre, la mort dans l’âme, à fermer les portes de ‘’son moulin’’ ! Une page était tournée.
Avant de clore son histoire, une petite particularité mérite d’être citée. Auparavant, comme nous l’avons déjà vu, ce moulin était équipé de deux paires de meules situées au rez-de-chaussée. Aujourd’hui une seule s’y trouve, mais avec le poids considérable d’environ 2,2 - 2,3 tonnes, elle n’est pas commune à celle des autres moulins à vent d’un poids moindre.

Le moulin de Labastide-Beauvoir alors qu'il était en activité
Le moulin de Labastide-Beauvoir alors qu'il était en activité - crédit photo : collection Pierre Mercié

Chers lecteurs, comme nous avons pu l’observer au cours de notre périple, le Lauragais recèle des richesses, parfois méconnues, qui nous invitent (au gré de ses petites routes ondulées et verdoyantes), à la flânerie lors de promenades dominicales ensoleillées.

Pierre Mercié
Auteur de : “Légendaires Moulins à Eau”
(Renseignements pour se le procurer : 05 61 85 30 43)

(1) Raymond Pastre était le meunier de Mourvilles-Hautes, petit village du sud /sud-est Lauragais. Il était très sollicité tant il était habile charpentier autant que consciencieux piqueur de meules.

Couleur Lauragais n°131 - Avril 2011