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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

A la découverte des pigeonniers du Lauragais

Dans beaucoup de villages du Lauragais, des pigeonniers apparaissent aux formes très variées, depuis l’énorme tour cylindrique du “Bouissou” (commune de Cintegabelle) classée Monument Historique jusqu’aux tours pigeonnières qui encadrent les façades de maints châteaux. Parfois une modeste tour émerge au dessus des toits du village, les pigeonniers sont, ou étaient, partout, notamment au 19e siècle. Aujourd’hui ces monuments ruraux sont pour la plupart abandonnés car l’élevage des pigeons a complètement changé de caractère et les oiseaux appelés “coloms” (ou colombiers) sont à demi sauvages. Ce sont les touriers qui sont réfugiés dans les clochers des églises (exemple plusieurs centaines dans le clocher de Baziège) où ils subsistent sans recevoir la moindre nourriture de l’homme. Couleur Lauragais vous propose une esquisse d’étude de ces pigeonniers et vous propose quelques circuits de découverte.

La forme particulière du pigeonnier de Cintegabelle, tour ronde massive comme un donjon, couronnée d'une coupole de briques se détache singulièrement sur les côteaux du Lauragais
La forme particulière du pigeonnier de Cintegabelle, tour ronde massive comme un donjon,
couronnée d'une coupole de briques se détache singulièrement sur les côteaux du Lauragais

Le droit de pigeonnier, avant 1789, était l’apanage de la noblesse
Dans certaines paroisses du Lauragais, le droit seigneurial de pigeonnier figure en bonne place parmi les droits seigneuriaux avant 1789. Le pigeonnier était un privilège noble appartenant au seigneur haut justicier, c’est-à dire celui qui possédait la justice haute, moyenne et basse, le droit de juger les pauvres paysans de la communauté villageoise. Seuls quelques grands seigneurs et grands propriétaires possédaient ce droit, donc de posséder un pigeonnier de grandes dimensions et des centaines d’oiseaux et de nids appelés boulins. Le grand seigneur tout puissant avait donc la possibilité de posséder un pigeonnier, surtout un pigeonnier-tour de très grandes dimensions : à Cintegabelle le bâtiment mesure 15 mètres de haut, avec 900 boulins. En principe un boulin par hectare de terre, donc 900 boulins supposent 4 à 500 hectares de blé, maïs. Le bâtiment était isolé du château mais toujours en lieu élevé du château pour qu’il soit visible de loin : le seigneur affirmait son prestige social et son rang suprême, ainsi le pigeonnier de “La Comtesse” à Ramonville, ou “ le Fort” à Monestrol. Le dimensions sont proportionnelles à la surface du domaine, donc il est d’autant plus grand que le domaine est vaste, en passant devant la construction majestueuse on savait qu’un très grand seigneur était proche.

Le pigeonnier de Ramonville appartiendra à l'épouse du comte de Pailhès jusqu'à la révolution, elle laissera son titre de noblesse comme trace de propriété du pigeonnier
Le pigeonnier de Ramonville appartiendra à l'épouse du comte de Pailhès
jusqu'à la révolution, elle laissera son titre de noblesse comme trace de propriété du pigeonnier. Situé dans le lieu-dit Dralet, le lieu agréable,
est également le point de départ de la "balade de la comtesse"

Pigeonnier de Cintegabelle
Pigeonnier de Cintegabelle
Formes des pigeonniers

Le pigeonnier est l'affirmation ostentatoire d'un prestigieux rang social
Ce privilège était la règle au 16e siècle, époque où s’élevèrent de nombreux pigeonniers de grandes dimensions appelés les pigeonniers du pastel, élevés entre 1460 et 1560 c’est à dire au coeur de l’âge d’or du pastel. Le pastel était très bon marché au stade de la production, donc il fallait produire beaucoup de “coques” (boules séchées) pour s’enrichir, seuls les très grands propriétaires avaient ces moyens, donc la possibilité d’être haut justicier, donc un pigeonnier. Ces tours du pastel s’ajoutent aux autres édifices de la même époque, églises et châteaux ou encore les hôtels du même nom, comme d’Assézat et de Bernuy à Toulouse. Les grand pigeonniers sont encore construits au 18e siècle avec la prospérité inouie du Lauragais au blé exporté par les barques du canal du Midi, donc la richesse des grands propriétaires. Le droit de colombier connaissait de nombreuses exceptions avec la construction, par exemple, des bastides aux 13e et 14e siècles, ces villages neufs sont construits par l’autorité royale qui, après 1249 (mort du dernier comte de Toulouse Raimon VII) s’installe en Lauragais. Les grands seigneurs sont soumis au pouvoir royal et leurs privilèges souvent diminués, au 18e siècle certains seigneurs vendirent leur droit de pigeonnier aux communautés, ce qui explique la prolifération de petits pigeonniers dans les villages. Le droit de colombier disparaît définitivement en 1789 (abolition des privilèges).

Pigeonneaux, colombine et culture de la vigne
La chair délicate des pigeonneaux était très recherchée et apparait fréquemment sur les tables de la noblesse, les oiseaux étaient aussi commercialisés sur les marchés locaux, de Revel, de Castelnaudary ou Cintegabelle. Mais l’élevage des pigeons produit aussi leur fiente appelée “colombine”, très recherchée. Ainsi un détail, dans mes recherches dans les archives de communes du département du Lot, dans le vignoble de Cahors, j’ai découvert que la dot des jeunes filles qui allaient se marier, était exprimée, dans les contrats de mariage en un certain poids de colombine !. Cet engrais était tellement recherché car il était réservé à la fumure des vignes, très riche en matières organiques il était enfoui au pied des ceps en mars-avril, mais toujours en faible quantité car il risquait de “brûler” les racines. Ma grand-mère mettait la colombine (ou guano) à tremper dans de l’eau et avec ce mélange elle arrosait les pieds de vigne. Les vignes étaient très abondantes en Lauragais, des centaines d’arpents dans chaque paroisse : 150 hectares à Ayguesvives en 1743, 200 à Baziège en 1545 “O Merveilleux Lauragais” s’écrie Thomas Jefferson, le célèbre président des Etats Unis lorsqu’il visite notre région en 1787, le Lauragais ? du blé et du vin…

Quelques caractères généraux d'un pigeonnier
Le pigeonnier est une construction plus complexe qu’il n’y paraît et qui doit résoudre des problèmes concernant les nids, les pigeons, la collecte de pigeonneaux, conservation de la colombine. Les nids sont en torchis ou de petites caisses en bois avec double cuvette, des pots en terre cuite, en faïence, en osier, en bambou. Le nid est parfois prévu lors de la construction des murs, ainsi au Bouissou (Cintegabelle) les boulins sont des conduits de 15 cm x 15cm, longs de 30 et aboutissant au nid proprement dit de 20 x 20, donc plus large que le conduit pour que la pigeonne puisse couver et aussi se retourner pour sortir. Le sol est soigneusement couvert de briques foraines, au centre un pilier vertical et une échelle tournante pour la cueillette des jeunes. A l’extérieur, les orifices sont toujours de petites dimensions (10x10cm) interdisant l’entrée à tout oiseau plus gros, comme les rapaces : épervier, faucon, buse, ou chouette. Contre d’autres prédateurs, des animaux grimpeurs comme les rats, belettes, fouines, putois, loirs, des corniches ou des cordons de briques en saillie ceinturent l’édifice. Très souvent des carreaux de terre cuite vernissée (20x20), d’un très beau vert en général, interdisant l’ascension des nuisibles: on les appelle les randières; le même rôle est joué encore par des bandes métalliques en zinc. Le sommet du bâtiment présente très souvent des clochetons, des lanternes, lanterneaux; parfois un pigeon en brique vernissée servirait d’appeau pour attirer les pigeons isolés ou perdus du voisinage. Voici quelques remarques sur des pigeonniers-tours cylindriques que je connais mieux, la Comtesse de Ramonville, le Bouissou de Cintegabelle, le Fort de Monestrol. Le Fort date de la fin du 15e, début du 16e siècle ; il a été construit par la famille Durand de Montgeard, richissimes marchands de pastel qui possédaient d’immenses domaines à Montgeard et Monestrol et dont la fortune a permis la construction des châteaux de Fajac la Relenque, de Montgeard (monument historique) et de l’église de Montgeard où ils reposent. La tour mesure 8 mètres de haut, 4 m de diamètre ; le sommet est agrémenté de 4 clochetons autour d’une lanterne centrale. A 4 mètres au dessus du sol, une belle corniche en pierre moulurée en encorellement dissuade la montée des rongeurs, à l’intérieur : 950 boulins dans l’épaisseur des murs et disposés en cercles concentriques, au centre un pilier et une échelle tournante, la voûte est une très belle coupole, une construction savante en brique.

Quelques caractères généraux d'un pigeonnier
Le pigeonnier est une construction plus complexe qu’il n’y paraît et qui doit résoudre des problèmes concernant les nids, les pigeons, la collecte de pigeonneaux, conservation de la colombine. Les nids sont en torchis ou de petites caisses en bois avec double cuvette, des pots en terre cuite, en faïence, en osier, en bambou. Le nid est parfois prévu lors de la construction des murs, ainsi au Bouissou (Cintegabelle) les boulins sont des conduits de 15 cm x 15cm, longs de 30 et aboutissant au nid proprement dit de 20 x 20, donc plus large que le conduit pour que la pigeonne puisse couver et aussi se retourner pour sortir. Le sol est soigneusement couvert de briques foraines, au centre un pilier vertical et une échelle tournante pour la cueillette des jeunes. A l’extérieur, les orifices sont toujours de petites dimensions (10x10cm) interdisant l’entrée à tout oiseau plus gros, comme les rapaces : épervier, faucon, buse, ou chouette. Contre d’autres prédateurs, des animaux grimpeurs comme les rats, belettes, fouines, putois, loirs, des corniches ou des cordons de briques en saillie ceinturent l’édifice. Très souvent des carreaux de terre cuite vernissée (20x20), d’un très beau vert en général, interdisant l’ascension des nuisibles: on les appelle les randières; le même rôle est joué encore par des bandes métalliques en zinc. Le sommet du bâtiment présente très souvent des clochetons, des lanternes, lanterneaux; parfois un pigeon en brique vernissée servirait d’appeau pour attirer les pigeons isolés ou perdus du voisinage. Voici quelques remarques sur des pigeonniers-tours cylindriques que je connais mieux, la Comtesse de Ramonville, le Bouissou de Cintegabelle, le Fort de Monestrol. Le Fort date de la fin du 15e, début du 16e siècle ; il a été construit par la famille Durand de Montgeard, richissimes marchands de pastel qui possédaient d’immenses domaines à Montgeard et Monestrol et dont la fortune a permis la construction des châteaux de Fajac la Relenque, de Montgeard (monument historique) et de l’église de Montgeard où ils reposent. La tour mesure 8 mètres de haut, 4 m de diamètre ; le sommet est agrémenté de 4 clochetons autour d’une lanterne centrale. A 4 mètres au dessus du sol, une belle corniche en pierre moulurée en encorellement dissuade la montée des rongeurs, à l’intérieur : 950 boulins dans l’épaisseur des murs et disposés en cercles concentriques, au centre un pilier et une échelle tournante, la voûte est une très belle coupole, une construction savante en brique.

Une très grande variété d'édifices

Le plan des pigeonniers est carré, rectangulaire ou circulaire. Les croquis joints à mon texte permettent de dégager les profils les plus répandus : à versant droit, à versant brisé, à 3 pentes, à 2 croupes; dans la région toulousaine et en Lauragais, on observe des toits à un versant à un versant double, à un versant triple, en pied de mulet, à deux versant, à quatre versants, en bâtière, à une croupe, à lanterneau (d’après Henri Astruc). La fantaisie constructive des propriétaires était sans limite. Le type le plus répandu en Lauragais est le carré sur 4,6 ou 8 piliers.
Pigeonnier de Renneville
Le pigeonnier de l'ancienne ferme de Tarabel,
témoin de l'âge d'or du pastel est surmonté
d'un fronton en forme de chapeau de gendarme.

Toits des pigeonniers

Quelques balades sur les sentiers des pigeonniers
- Durée : 1 journée - prendre une carte Michelin, dernière édition ; je dresse une liste des villages traversés avec les monuments intéressants à ne pas manquer.

Plan balade

Circuit A : région de Nailloux-Bram, point de départ Cintegabelle.
Ce village serait une bastide (ce n’est pas certain), les bastides sont des villages nouveaux, neufs créés par l’autorité royale après 1249 ( date correspondant à la disparition du dernier comte de Toulouse et l’annexion du Toulousain et du Lauragais (Raimon VII). Après 1271 ce sont des officiers royaux qui administrent la région. A Cintegabelle, l’église et surtout le clocher sont intéressants, à Tramesaigues, restes très importants de l’abbaye prestigieuse de Boul-bonne, ordre de Citeaux (Saint Bernard) et lieu d’inhumation des comtes de Foix. A Cintegabelle, prendre la D 25, à 4 km sur la gauche, le pigeonnier de Bouissou, véritable forteresse, symbole visuel de la puissance du seigneur propriétaire, je crois que c’est le plus grand du Lauragais (un millier de nids) et le mieux conservé et restauré (c’est un Monument Historique).
Nailloux : bastide fondée en 1318 dans un pays cathare, rivale d’une autre bastide très voisine Montgeard ; un ancien fort correspond à la vieille place où s’élève la bibliothèque municipale, église gothique du pastel, fortifiée à l’est de la halle : 4 rues parallèles.
Montgeard : bastide de 1317, construite dans la forêt de Nailloux, plan orthogonal, un château du pastel avec belles fenêtres à meneaux, église gothique, une des plus belles du Lauragais, prendre la route de Mazères, après 4 km se trouve le pigeonnier du Fort, tour cylindrique.
Monestrol : un château du 17e (début de la belle époque du froment), 2 pigeonniers un au Fort, l’autre dans la cour du château.
Marquein : splendide château du 16e, ne se visite pas, toits immenses, voir aussi les stèles discoïdales sur le mur du cimetière.
Fajac la Relenque : château du pastel (16e)
Molandier : une petite bastide qui a avorté, clocher avec 10 baies campanaires. Tourner vers l’Est…
Belpech : splendide portail roman de l’église, stèles discoïdales à l’intérieur, dans une chapelle tombeau d’un évêque de Mirepoix. Remonter la vallée de la Vixiège jusqu’à Fanjeaux.
Fanjeaux : le pigeonnier est au hameau de La Hille, de type lauragais. Au village : maison de St Dominique, la place du Seignadou avec son panorama unique, la Montagne Noire au Nord, au Sud Est les Corbières. Sur la place de la halle : couvent des Dominicaines, la rue des cavaliers. A Prouille monastère de moniales fondé par Saint Dominique, église gothique avec la fameuse poutre du miracle du feu.
Bram : village circulaire. Aller vers le canal et sur la gauche : un pigeonnier, énorme, célèbre, un des mieux conservés du Lauragais. Le port sur le canal du Midi a été un très important centre d’exportation du blé de l’Ariège.

Circuit B : durée une journée, point de départ Lanta : le clocher est près de l’église de Saint Anatoly, plan carré sur 8 pieds. Voir aussi, dans ce hameau, l’église et son clocher original.
Montgey-Auvezines : pigeonnier à Auvezines, au lieu dit “en Fourmen” près de la route conduisant à Revel. A Auvezines, près du cimetière, stèle rénovée marquant la victoire occitane sur 6000 Croisés en avril 1211, lors du siège de Lavaur.
Caraman : pigeonnier de type lauragais devant la mairie.
Vauré : ancien village disparu, important centre cathare.
Revel : bastide de 1342, la plus belle du Lauragais, la place entourée de couverts, la halle, le beffroi, le marché du samedi.
Labécède : village fortifié, une porte, des stèles discoïdales, les magnifiques forêts de la Montagne Noire.
Verdun Lauragais : pittores-que, dernier village cathare.
Saint Papoul : abbaye bénédictine carolingienne, ancienne cathédale, ancien évêché, palais de l’évêque.
Juzes : un pigeonnier près de la route à 500 mètres du village.
Trébons sur la grasse : tour énigmatique allure d’un minaret au lieu dit “en Rigaud”, tout près : le château d’en Rigaud avec 2 pigeonniers en façade.
Villefranche : bastide fondée vers 1250-55, plan orthogonal, la voie d’Aquitaine doit correspondre à la rue de la République, église du 13e siècle avec de magnifiques voûtes.

Les pigeonniers du Lauragais sont encore très nombreux mais il faut une connaissance très précise du terrain pour les découvrir.

Jean Odol

Bibliographie:
Jean Odol : "Les pigeonniers" - Couleur Lauragais, juillet 1999
Claude Rivals : "Architecture rurale française" Midi toulousain, ouvrage de référence Berger-Levrault - 1979
L. Lhuisset : "L’architecturale rurale en Languedoc", ouvrage de référence -1992
Michel Lucien : "Pigeonniers en Midi Pyrénées", 2008 - Massin (très belles photos)
Jean Odol : "Le Lauragais" 2005, photos d’Ayguesvives et de Bram (de Guy Junblut)

Couleur Lauragais n°114 - Juillet/août 2009