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Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'eau

Riquet chez nous… ses études, ses recherches et ses travaux en Montagne Noire, en Lauragais et en Languedoc

C'est le titre d'une grande exposition que j'ai réalisée et montée, en 1980, dans le cadre de manifestations organisées par "l'Association du Tricentenaire de Pierre Paul Riquet", à l’occasion du troisième centenaire de sa disparition. La date de son décès à Toulouse, le 1er octobre 1680, est bien connue maintenant. A ce jour, son acte de naissance ou de baptême n'a pas été retrouvé.
Mais, depuis une vingtaine d'années, dans les registres d'Etat Civil de la Paroisse Saint Etienne à Toulouse, son décès est bien mentionné ; le voici :

Pierre Paul Riquet
"Messire Pierre Paul Riquet, Baron de Bonrepos, âgé de soixante et onze ans, mourut le premier et fût enterré le second octobre mil six cent quatre vingt dans la nef de la cathédrale Saint Etienne, en présence de Messire Jacques du Lombrail, trésorier général de France et de Messire Barthélémy de Grammont, Baron de Lanta…". Ce qui nous indique, sans doute possible, son année de naissance en 1609 (1680 - 71ans = 1609).
L'année 80 consacra, au tricentenaire de la mort de Pierre Paul Riquet (1er octobre 1680), une commémoration grandiose. Inauguration de la stèle Riquet à St Ferréol par la duchesse Riquet de Caraman
L'année 80 consacra, au tricentenaire de la mort de Pierre Paul Riquet (1er octobre 1680), une commémoration grandiose.
Inauguration de la stèle Riquet à St Ferréol par la duchesse Riquet de Caraman


Commémorations et festivités

Cette année 2009 sera l’occasion d’un grand nombre de manifestations dans les villes du Languedoc, de Toulouse à Béziers, en passant par Revel-Saint-Ferréol et Bonrepos. Alors qu’auparavant, dans ces mêmes villes, on avançait 1604, comme étant son année de naissance.
Pierre Paul Riquet est donc né à Béziers, le 29 juin, jour de la saint Pierre et saint Paul sur notre calendrier grégorien, place Sémard, dans la vieille ville. Son père se nommait Guillaume et sa mère Guillemette Vial, une famille bourgeoise de confession protestante. Guillaume exerça d’abord la fonction de notaire puis il devint procureur près du Tribunal de la ville.

"Nostre Riquet", enfant turbulent peu soucieux des convenances
A l'école, il n'aimait ni le grec et ni le latin…, préférant au français "la lenguo mairalo" (la langue mère, l'occitan). Sa famille le destinait à une carrière "d’homme de robe", comme son père. Pour sa part, il était plutôt attiré par les mathématiques. Mais son parrain le dirige finalement vers les finances !… Sans l’intervention de ce dernier, peut-être Riquet ne serait-il jamais entré dans les "Gabelles" (impôt sur le sel) ; dès lors aurions-nous eu le Canal du Midi, Saint Ferréol, les Rigoles…?
Heureusement la providence veillait. Là où la nature n'avait donné que terres à blé, à pastel et labours en Lauragais, rocailles et vignes en Minervois, Riquet voulait ouvrir le Languedoc à la porte de l'aventure océane qui va au Nouveau Monde et au grand soleil de notre Mer Méditerranée.

Les projets, les vieilles idées d'un Canal
A la table familiale le jeune Pierre Paul écoutait sans rien dire, mais se proposait d'en savoir davantage, sur l'idée d'un canal.
Il entendait ses parents rapporter les propos d'un certain Bernard d'Arribat concernant le projet d'une voie d'eau reliant Toulouse à la Méditerranée, puis à Bordeaux par la Garonne. Son père Guil-laume était op-posé à ce projet. Il déclarait même que toute tentative de ce genre serait condamnée ! Le jeune Pierre Paul écoutait les commentaires peu amènes de son père… et l'idée de réaliser ce canal allait le poursuivre jusqu'à la hantise ! De grandes personnalités, comme César en premier n'y avaient-elles pas songé ? Et d'autres plus contemporaines, comme Charlemagne ou encore Louis XIII ?
Ses études terminées, Pierre Paul Riquet se marie. A 19 ans, il épouse Catherine de Milhau, une riche héritière. Ils auront huit enfants dont quatre nés à Mirepoix et quatre à Revel où il résidera une dizaine d'années (à partir de 1648).

A partir de 1660, Pierre Paul Riquet loge à l'auberge des Trois Anges à Toulouse et au château de Bonrepos (près de Verfeil), lieu où il avait acquis un important domaine en 1651
A partir de 1660, Pierre Paul Riquet loge à l'auberge des Trois Anges à Toulouse et
au château de Bonrepos (près de Verfeil), lieu où il avait acquis un important domaine en 1651

Les études et travaux chez nous
Le creusement d'un canal à travers le Languedoc était devenu nécessaire. En effet, à partir du moment où le royaume de France prit conscience de son homogénéité hexagonale, l'intérêt d'une liaison fluviale reliant l'Atlantique à la Méditerranée devint une évidence économique et militaire, pour faire cesser le passage obligatoire par le détroit de Gibraltar profitable aux revenus du Roi d'Espagne.
Riquet occupe les fonctions de receveur des “gabelles”, d'abord dans la région toulousaine, puis rapidement il obtient
les charges de toutes la province du Languedoc. Cela lui assure des revenus considérables. Ses nombreux déplacements l'amènent à circuler entre Toulouse et Béziers ; l’occasion pour lui de découvrir dans cette région les lieux pour y faire passer cette voie d'eau. Il existe cependant un obstacle entre Toulouse, la Garonne et la mer : le Col de Naurouze (altitude 190 mètres).
En parcourant la Montagne Noire, Riquet y voit un "véritable château d'eau". Rivières et ruisseaux y coulent abondamment en toutes saisons. Il en déduit qu’il suffit de réunir toutes ces eaux, du versant Atlantique et du versant Méditerranéen, et de les "emmagasiner" dans un vaste réservoir. Ce fut chose faite après six années de durs travaux ; le barrage-réservoir de San-Fariol (Saint- Ferréol) était né (1667-1684).
Par un système de rigoles, ces eaux sont conduites à Naurouze, point le plus haut du canal et cela d'une façon naturelle. À Naurouze, elles se déversent naturellement vers Toulouse, la Garonne et Carcassonne. Le Canal peut désormais être creusé…

Le canal face à Naurouze, point de partage des eaux vers l'Océan Atlantique et la Méditerranée
Le canal face à Naurouze, point de partage des eaux vers l'Océan Atlantique et la Méditerranée

Un moment historique "l'Édit de Louis XIV"
Anglure de Bourlemont, archevêque de Toulouse, réussit à convaincre Riquet d'écrire à Colbert, premier ministre du roi. Le projet de jonction des deux mers ne pouvait que séduire ce dernier. En Octobre 1666, Louis XIV promulgue l'Édit de construction d'un canal de communication des deux mers. Pierre Paul Riquet a 57 ans ; il va pouvoir commencer l'ouvrage dont il rêvait… et il va le réaliser, en quatorze années, suivant ses propres mots : "avec un mauvais compas de fer…"
En 1665, la Rigole d'essai est achevée. Les eaux de la Montagne Noire arrivent bien à Naurouze. Un triomphe pour Riquet… L'hiver 1667 voit le début des travaux effectués par des travailleurs agricoles et des mercenaires, ainsi que des femmes, soit environ 12 000 têtes au long des chantiers. À Saint-Ferréol, Riquet construit un chef-d'œuvre ajouté à la nature : un réservoir de près de 7 millions de m3, répartis sur 67 hectares.

Le barrage d'alimentation du Canal, réservoir principal ou "magasin d'eau", comme le disait Riquet, de Saint Ferréol, ancré dans la vallée du Loudot met en évidence un magnifique plan d'eau, où toutes les activités nautiques sont pratiquées aujourd'hui (excepté les bateaux à moteur)
Le barrage d'alimentation du Canal, réservoir principal ou "magasin d'eau", comme le disait Riquet, de Saint Ferréol, ancré dans la vallée du Loudot met en évidence un magnifique plan d'eau, où toutes les activités nautiques
sont pratiquées aujourd'hui (excepté les bateaux à moteur)

Un rêve réalisé
L'an 1681 (Pierre Paul Riquet est mort le 1er octobre 1680), des barques chargées de marchandises passent de l'Océan à la Méditerranée. Cela se passait sous le règne de Louis XIV le Grand et Riquet avait rêvé des deux mers réunies.
Il est inhumé dans la Cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, près du pilier d'Orléans, où ses restes s'y trouvent toujours.
Riquet nous laisse une œuvre unique et grandiose pour l'époque, le canal et tous ses ouvrages d'art, ports, ponts, aqueducs, le barrage-réservoir de St Ferréol, ses rigoles, le monument de Naurouze et le Château de Bonrepos.
Nous terminerons notre court propos par les paroles du Maréchal de Vauban, prononcées lorsqu'il vint visiter le site et le chantier de St Ferréol, qu'il fera lui-même terminer :
"…Le Canal de jonction des deux mers est sans contredit le plus beau et le plus noble ouvrage de cette espèce jamais entrepris. J'eus préféré la gloire d'en être l'auteur à tout ce que j'ai fait ou pourrai faire à l'avenir…".
Quel bel hommage… de la part de ce grand bâtisseur !

Jacques BATIGNE

N.B. Mes pensées et mes remerciements à notre ami poète languedocien, trop tôt disparu, Bernard Blancotte, à qui j'ai emprunté bon nombre de citations.

Le lac artificiel de Saint Ferréol entouré de milliers d'arbres est agrémenté d'un parc où se cotoient conifères et feuillus de toutes essences
Des allées promenades permettent d'apprécier l'eau jaillissante des cascades et jets d'eau, dans ces sous-bois
Le lac artificiel de Saint Ferréol entouré de milliers d'arbres est agrémenté d'un parc où se cotoient conifères et feuillus de toutes essences. Des allées promenades permettent d'apprécier l'eau jaillissante des cascades et jets d'eau, dans ces sous-bois

Pour plus d'informations, voir Couleur Lauragais n°63 - juillet/août 2004.

Couleur Lauragais n°114 - Juillet-Août 2009