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Couleur Lauragais : les journaux

Sur les pas de Déodat de Séverac à Saint-Félix-Lauragais

Chaque année depuis 1989, se déroule à Saint-Félix-Lauragais, un Festival Déodat de Séverac créé par Gilbert Blacque-Belair, petit fils du compositeur, et quelques amis dont l’auteur de ces lignes. Inauguré par le grand pianiste international Aldo Ciccolini à qui on doit l’enregistrement d’un quasi intégral de l’œuvre piano chez EMI, toujours disponible, il est aujourd’hui présidé par Catherine Blacque-Belair et dirigé par Jean-Jacques Cubaynes (1).

plan de situation saint Félix Lauragais

Un baron compositeur
Il rend ainsi hommage et justice au célèbre compositeur, pourtant encore trop peu connu dans son propre pays. C’est ici en effet qu’est né, le 20 juillet 1872, Déodat baron de Séverac (2). Il était l’unique fils de Gilbert de Séverac, peintre réputé, installé le 19 mai 1863, après son mariage avec Aglaé Guiraud de La Fleuraussié dans une grande maison qu’il avait aménagé à son goût. Adossée aux remparts du village, côté rue Déodat de Séverac, autrefois rue Glaciale, celle-ci ouvre sur la place Guillaume de Nogaret, au centre de la bastide où se dresse La Halle autrefois surmontée de la salle communale dont il reste la tourelle d’escalier. Le 20 octobre 1907, Déodat de Séverac (1872+1921) y offrit un « Banquet démocratique » sous la présidence d’Henri Auriol, député, pour remercier les électeurs de l’avoir élu avec Auguste Get, comme Conseiller d’arrondissement.

réunion d'artistes
Réunion d'artistes par Georges d'Espagnat (1910) avec, à partir de la gauche, Florent Schmitt, Déodat de Séverac, Dimitri Calvocoressi, Cipa et Jean Codebski, Albert Roussel, Ricardo Viñes et Maurice Ravel.

Sa maison natale
Haute d’un étage surmonté de greniers, à l’époque de Déodat, sa maison natale s’étendait de part et d’autres d’un bâtiment central plus haut et plus ancien puisqu’elle possède encore un magnifique escalier en bois du XVIIe et des fenêtres à meneaux du XVe siècle.
Au cours du XXe siècle, une aile a été hélas mallheureusement détruite pour faire place à une caserne de gendarmerie transformée aujourd’hui en immeuble de rapport. Sur la porte d’entrée du bâtiment subsistant, un cartouche rappelle l’époque de reconstruction de la demeure : 1749.
Côté jardin, une terrasse permet au regard d’embrasser la campagne jusqu’aux Pyrénées qui paraissent toutes proches quand le temps le permet. Avant de venir s’y installer, Gilbert avait fait transformer la maison dans le style toscan en souvenir de ses séjours dans la péninsule italique. Sur toute la hauteur, un grand vestibule avec loggia dessert les pièces de l’habitation du rez-de-chaussée et de l’unique étage. Dans l’atelier, qu’il s’était fait aménager dans le bâtiment central, il passait des journées à travailler dans l’ambiance d’une lumière qu’il avait lui-même calculée. Plus tard, après sa mort, l’atelier servit de salle de musique comme en témoigne une photographie célèbre prise en 1906 par François de Vezian. On y reconnait Déodat jouant au piano avec le célèbre pianiste Ricardo Viñes venu pour la première fois en vacances à Saint-Félix, et au premier rang Charles Bordes, le fondateur de la Schola cantorum, dont le père était de Revel.
Au premier étage, les fenêtres de la maison dominent la place Guillaume de Nogaret et la halle du XIIIe siècle sur laquelle s’appuyait autrefois la maison commune. Détruite à la Révolution en 1793, on accédait à celle-ci par une tour de pierre qui, depuis 1863, porte une haute vierge peinte en blanc.

Déodat de Séverac plaque
Adossée aux remparts du
village de Saint Félix, côté rue,
la maison de Déodat de Séverac
ouvre sur la place Guillaume de Nogaret,
au centre de la bastide.
maison natale de Déodat de Séverac

Saint Félix Lauragais
Situé à l’extrémité d’un promontoire calcaire qui domine à 339 mètres d’altitude la vaste plaine du Lauragais, Saint-Félix était à l’époque de Séverac un gros bourg de 550 habitants où cinq moulins à vent tournaient dans son ciel venteux. Au bout de ce promontoire, un monument a été élevé à la gloire du compositeur, là où il aimait venir rêver devant le splendide panorama. Il fait face au "Moulin du chapitre", aujourd’hui mutilé de ces ailes qui lui inspira son opéra "Le Cœur du Moulin" et qu’Eugène Ronsin le décorateur de l’Opéra comique plaça dans son décor.

 

Moulin de Saint Félix Lauragais
L’histoire de Saint Félix Lauragais est très riche. Elle reflète l’histoire du pays Lauragais et plus largement du Comté de Toulouse, liée à l’époque cathare et au pastel. On peut y découvrir de splendides maisons à colombage.
Eglise de Saint Félix
Située à l'extrémité d'un promontoire, le village,
surnommé "Bellevue" pendant la Révolution,
offre à ses visiteurs un panorama grandiose.
On peut y apercevoir un moulin assez bien conservé.

 

Saint-Félix était alors entouré de vignes dont l’exploitation intensive ne fut arrêté qu’à la suite du phylloxera de 1855, mais dont la culture se poursuivit néanmoins jusqu’à une date récente, 1980 pour la commercialisation et 1992 définitivement à la ferme du Ravan où tous les ans le 20 juillet, dans les anciens chais, le Festival commémore la fête anniversaire de la naissance de Déodat. Rien d’étonnant donc, à ce qu’il ait situé l’action de son opéra "Le Cœur du Moulin" à Saint-Félix à l’époque des vendanges comme il l’a lui-même précisé sur sa partition : "terminée aux vendanges 1908".

L'orgue et Déodat
Gilbert de Séverac, improvisateur né, était passionné de musique. Il jouait de plusieurs instruments : de la flûte, du piano, et de l’harmonium. Comment Déodat n’aurait-il pas été prédisposé à la musique ? Dès son plus jeune âge, il arrêtait ses jeux lorsque son père se mettait au piano, s’approchant à quatre pattes et ne bougeait plus. Selon Blanche Selva qui vint aussi à Saint-Félix, il chercha très vite à reproduire sur le piano avec son petit index ce que venait de jouer son cher "Papanou". Plus grand, il s’échappait de la maison pour rejoindre Louis Amiel, l’organiste de la collégiale qui lui apprit le solfège et l’orgue, sur le célèbre instrument construit par Grégoire Rabiny au XVIIIe siècle.
L’orgue restera toujours pour Déodat, animé d’un profondément humanisme chrétien, son instrument de prédilection. C’est là qu’il donnait un libre essor à ce mens divina qui remplissait son âme dira le chanoine Crastre (3), "à ces envolées superbes, à ces inspirations sublimes, qui à certains jours faisaient monter les larmes à nos yeux et courbaient le front des fidèles pour la prière et l’adoration." De malencontreuses restaurations au cours du XIXe siècle, et vers les années 1930 par le facteur Puget de Toulouse avaient rendu cet orgue presqu’inutilisable. Restauré de 1990 à 1992 par Pierre Vialle, de La Romieu, dans le Gers, il a pu être inauguré au cours de l’été 1994 par l’organiste Jan Wilhem Jansen qui participa à la création de l’Elégie héroïque (toujours inédite) de Déodat de Séverac, transcrite du violon pour la trompette par Albert Calvairac.

Orgue de saint Félix Lauragais
De nationalité allemande,
Grégoire et Joseph de Rabiny n'ont édifié
que peu d'orgues en France.
Trois instruments seulement portaient leur signature, mais le plus important d'entre eux
est celui de Saint Félix Lauragais.

Aujourd’hui, la maison natale de Déodat de Séverac appartient toujours à sa famille. Sa fille Magali, la filleule de Mistral en avait hérité. A sa mort elle passa à son fils Gilbert, né de son premier mariage avec Hubert Blacque Bélair.

Jean-Bernard Cahours d’Aspry (4)

1 - Renseignements : Festival Déodat de Séverac, Maison Natale de Déodat de Séverac, 31540 Saint-Félix-Lauragais ; Tél. 05 61 21 83 01 83, courriel : festiseverac@orange.fr & jjcubaynes@wanadoo.fr.
2 - Sans vouloir faire remonter ses origines familiales à Severus, lieutenant de César comme le veut la légende, ou même
à donner à sa famille une communauté d’origine avec les
rois d’Aragon comme le fait Moreri, il descendait de Guy 1er, baron de Séverac vivant en 1003 dans le Rouergue, sur l’actuelle commune de Séverac-le-Château.
3 - Chanoine Crastre : « Eloge funèbre prononcé lors des obsèques de Déodat à Céret ». Semaine religieuse de Perpignan,
n° 14, 02 avril 1921.
4 - D’après Déodat de Séverac musicien de la Lumière, sa vie, son œuvre, ses amis », ouvrage à paraître. En attendant on pourra lire du même auteur : Déodat de Séverac (1872-1921), musicien du soleil méditerranéen, Collection Carré musique, n°9, Séguier, Paris/Anglet, 2001.

Couleur Lauragais n°113 - Juin 2009