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Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

Eglises et chapelles insolites du Lauragais

Ce mois-ci Couleur Lauragais vous présente une étude des églises et chapelles du Lauragais en insistant sur des bâtiments peu connus mais cependant d’un très grand intérêt architectural comme Notre-Dame de Noumérens ou le portail de Belpech sans laisser de côté des églises de prestige de la Reconquête catholique comme Fanjeaux ou Saint-Félix..

Quelques généralités
Le christianisme se développe en Lauragais aux troisième et quatrième siècles après Jésus Christ. Peu de documents nous sont demeurés sur ces temps anciens mais une date est certaine, la mort de saint Sernin (ou Saturnin) en 250 après J.C qui, avec saint Papoul, a évangélisé le Pays des Collines. Les paroisses apparaissent vers le 4ème siècle, très nombreuses, souvent minuscules, avec de multiples chapelles. Ces églises sont beaucoup plus nombreuses que de nos jours : le Livre du Prévôt (des 14 et 15ème siècles) en dénombre plus de 250 alors qu’il n’en reste que 180 environ ; faute d’entretien et aussi d’habitants, beaucoup disparaissent aux 18 et 19ème siècles, démolies et vendues sous la Révolution de 1789. Beaucoup furent incendiées pendant les Guerres de religion (1570).

L'église Sainte Marie Madeleine à Auriac sur Vendinelle est toujours en service. Son clocher a été restauré entre 2005 et 2008, pour un coût d'environ 1 million d'euros.
L'église Sainte Marie Madeleine à Auriac sur Vendinelle
est toujours en service. Son clocher a été restauré
entre 2005 et 2008, pour un coût d'environ 1 million d'euros.
Crédit photo : Mairie d'Auriac sur Vendinelle

Les périodes de construction
Les principales époques de construction sont : au Moyen Age de l’an 1000 à 1200, les églises romanes. Aux 15-16èmes siècles sont construites les églises de la belle époque du pastel. Enfin le 18ème siècle correspondant au très riche cycle du froment (ou blé). Ces périodes correspondent aux grandes phases économiques, le pastel puis le blé, car il fallait d’énormes moyens financiers pour construire une église. Les fonds étaient fournis, en général, par les grands propriétaires du sol, les paysans apportant une main d’oeuvre gratuite. Il fallait aussi beaucoup de bois pour cuire pendant huit jours les tuiles foraines. On dit par exemple qu’il fallut déboiser une forêt de 50 hectares pour cons-truire l’église de Montgeard. Les matériaux utilisés sont la pierre (du grès) dans le Lauragais oriental (Belpech, Fan-jeaux, Cazalrenoux) et la brique cuite dans la zone des argiles (Villefranche, Caraman, Castanet).


Les très vieilles églises romanes (1000 à 1200)
A Auriac-sur-Vendinelle, il n’y a pas moins de deux églises romanes sur le territoire de la commune. En outre, le clocher de l’église paroissiale actuelle est un donjon du 11ème siècle. L’une des anciennes églises isolées est dédiée à saint Martin, dit de Cabuer. Elle est aujourd'hui en ruine, à un kilomètre au nord-est du village. Son plan comporte une nef unique et une abside semi-circulaire prolongée par une partie droite ainsi qu'une fenêtre romane, dans la nef, à une hauteur relativement grande.
La seconde église romane d' Auriac est Notre-Dame de Noumérens qui date du 12ème siècle avec des maçonneries archaïques provenant d’un édifice antérieur ainsi qu'une porte à demi-enterrée. Remarquons un très beau chrisme roman c’est à dire les lettres ki et ro, les premières de “christos”.
La chapelle Notre Dame de Noumérens
La Chapelle Notre dame de Noumérens, sur la commune d'Auriac sur Vendinelle, a été restaurée tout récemment. Les offices n'y sont,
cependant, plus célébrés. Crédit photo : Mairie d'Auriac sur Vendinelle
Il y eut également à Venerque une abbaye carolingienne qui est connue par un texte officiel de 819. Elle n’était pas très importante puisqu’elle n’avait à offrir à l’empereur ni soldats, ni présents mais seulement des prières ; en 1080 le comte de Toulouse la donne à Saint-Pons-de-Thomières. De ce monastère, il ne reste que l’église actuelle, bâtiment très complexe avec de nombreux remaniements ou ajouts mais dont les absidioles romanes sont très intéressantes. L’arc triomphal s’appuie sur des colonnes aux chapiteaux romans datés de 1120-1130 avec des lions qui se rapprochent des animaux sculptés de la porte occidentale de Saint-Sernin de Toulouse.

Des églises de pélerinage
Plusieurs églises furent des lieux de pélerinage comme Avignonet et Roqueville.
Nous allons nous intéresser à Roqueville dont la chapelle et la statue de la Vierge sont le principal lieu de pélerinage du Lauragais occidental depuis le 12ème siècle. Tout commence par un paysan qui "ayant trouvé une grosse pierre dans l’endroit où la chapelle est bâtie, ne peut jamais venir à bout de l’arracher, quelque effort qu’il fit...". Par la suite, "on trouva sous cette pierre une image de marbre de la Sainte Vierge" (Fonds de Roqueville, registre 24, folio 2). Le pélerinage est précoce, sans doute vers les 12 et 13ème siècles, pendant les périodes où la peste ravage régulièrement le Lauragais. Les foules paysannes accourent alors sur la colline, et le Parlement de Toulouse se réfugie à Montgiscard, non loin de là. Durant la seconde moitié du 17ème siècle, autour de la chapelle, de nouveaux bâtiments abritent des chapelains, des missionnaires qui vont sillonner le Lauragais, notamment les zones où les protestants sont nombreux (Montesquieu, Caraman, Puylaurens). Parmi eux des poètes sont demeurés célèbres : Gillabert, de Cotis, de Maran, B. Amilia dont les cantiques seront chantés jusqu’en 1914. En 1790-92, sous la Révolution, la chapelle est démolie, les matériaux vendus et dispersés. Un bloc de grès très dur est ainsi parvenu à Ayguesvives dans une ferme où il subsiste toujours : c’est la "pierre de Roqueville" ; un fragment d’autel datant de 1305 dont voici la représentation :

Anno Domini millesimo trecentesimo
quinto decimo tertio kalendas maii
fuit édificatum illud haltare Beatoe Marioe

La façade de l'église de Lanta est percée de quatre baies campanaires et supporte un carillon de quatorze cloches. L'église a été construite sur l'emplacement de celle appartenant au château des Hunaud de Lanta, famille indissociable de l'histoire cathare.
La façade de l'église de Lanta est percée de
4 baies campanaires et supporte un carillon de
quatorze cloches. L'église a été construite
sur l'emplacement de celle appartenant
au château des Hunaud de Lanta.
Crédit photo : Couleur Média

Ce qui signifie qu'en l’année 1305, le 13 des calendes de mai, cet autel fut érigé en l’honneur de la Bienheureuse Marie. Saint Dominique serait passé à Roqueville en 1211, M. Gironce écrit à ce sujet : "à la mi-juin 1211, il accompagnait les légats du pape, à la suite de Simon de Montfort lorsque celui ci prit la tête de la Croisade ; un peu avant la mi-juin 1211, Montfort rejoignit à Montgiscard un renfort de chevaliers allemands et c’est là que le 16 juin, ils partirent pour assiéger Toulouse”. L’église actuelle a été reconstruite vers 1820 ; des cérémonies (dont des mariages) y sont toujours célébrées.

 

Détails de l'inscription figurant sur
la Pierre de Roqueville,
fragment d'autel de 1305.
Détails de l'inscription figurant sur la Pierre de Roqueville, fragment d'autel de 1305.

Des églises forteresses
La plupart des églises du Lauragais sont fortifiées, qu’il s'agisse de forteresses homogènes et conçues comme telles dès la construction de l’édifice ou qu’il y ait seulement quelques éléments de fortification.
Auriac-sur-Vendinelle est une forteresse dont le clocher est l’ancien donjon d’un château. C’est une masse énorme, de grande hauteur contre laquelle s’appuie l’église.
A Montgeard (près de Nailloux), l’ensemble est inachevé, le formidable clocher forteresse impressionne par ses dimensions et l’absence totale d’ouvertures. Il a été conçu pour supporter un clocher octogonal, copie de Saint Sernin de Toulouse.
Au 18ème siècle on y a ajouté un tout petit clocher mur pignon qui est sans aucune harmonie avec la base. Les éléments de fortification résident dans l’aspect spécial des portes et des fenêtres. La porte d’entrée est facile à défendre en raison de ses très petites dimensions. L’église servant de refuge à la population lorsqu’un groupe d’ennemis, ou de brigands, envahissaient le village, la porte était condamnée avec des poutres ou de grosses pierres. Les fenêtres à très grande hauteur au-dessus du sol étaient, en outre, difficiles à atteindre à l’aide d’échelles.
Les fortifications se retrouvent dans beaucoup d’autres églises : Nailloux, Baziège, Montgiscard, Pompertuzat, Caraman, Laurac, Gaja-la-Selve. On trouve une église forteresse pure et homogène à Cazalrenoux, petit village à l’ouest de Fanjeaux. Cazalrenoux est certainement la plus belle forteresse du Lauragais. Construite en gros blocs, elle est très ancienne (sans doute du 11ème siècle) et, trait essentiel, ne comporte qu'une porte minuscule et pas une seule ouverture.

Eglises des bois et des champs
On appelle ainsi des églises, plus exactement des chapelles isolées, de faibles dimensions, non entourées d’habitations, mais comportant toujours un cimetière. Ainsi celle de Belberaud (voir le portail roman et, à l’intérieur, des peintures de 1505), Notre-Dame de Noumérens, Pompertuzat, Saint-Christol (commune de Fonters-du-Razès) et ses arcatures lombardes, Saint-Sernin de Sanissac (commune de Lanta) et son moule enterré dans lequel on a coulé une cloche.
Arrêtons-nous quelques instants à Sainte-Colombe, commune de Baziège, la plus typique de ces charmants édifices. Située sur la route Baziège-Mauremont, c'est une église typique du Lauragais avec clocher-mur et trois baies campanaires. Sainte-Colombe est très bien entretenue par une association très active. Près du ruisseau "le Visenc", elle est totalement isolée. Pas la moindre habitation mais un cimetière et quelques cyprès. Avant 1789 c’était une église paroissiale autonome puis elle fut rattachée à Saint-Etienne de Baziège à la Révolution de 89, en même temps qu’une autre paroisse, Saint-Martin des Champs (dont l’église a disparu). Sainte-Colombe comporte un petit clocher-mur avec trois baies et seulement deux cloches, une sacristie et trois chapelles voûtées sur croisées d’ogives retombant sur des culs de lampes en pierre. La date de sa construction n’est pas connue. On sait seulement qu’au début du 16e siècle, il y avait une
confrérie de saint Eutrope et que, donc, l’église existait.
Sainte Bernadette fut témoin de dix-huit apparitions mariales en 1858. Elle est ici représentée sur un vitrail de l'église Saint-Sernin de Sanissac.
Ste Bernadette fut témoin de 18 apparitions mariales
en 1858. Elle est ici représentée sur un vitrail de l'église Saint-Sernin de Sanissac - Crédit photo : Couleur Média

Elle fut brûlée pendant les guerres de religion en 1570 mais on continua de l’utiliser sans toiture jusqu’en 1607. Le clocher à trois baies fut reconstruit en 1638-39. En 1760, la porte d’entrée est changée de côté, le porche est construit et on modifie la chapelle de la Vierge. En 1783, arrivent les reliques de sainte Colombe et saint Eutrope déposées dans deux reliquaires. En mai 1787, le reliquaire de saint Eutrope est volé. Abandonnée à la Révolution, elle n’est pas détruite et survit difficilement durant le 19ème siècle.
En 1978, une association se constitue pour la sauver et la restaurer. Elle est actuellement en parfait état.
La chapelle se différencie de l'église paroissiale par le fait qu'elle appartient à des fonds privés. Ici, la chapelle de Sainte Colombe (Sainte Eulalie) à Baziège.
La chapelle se différencie de l'église paroissiale par le fait qu'elle appartient à des fonds privés. Ici, la chapelle de Sainte Colombe
(Sainte Eulalie) à Baziège Crédit photo : Couleur Média

Les églises des bastides
Après la disparition du comte de Toulouse Raimond VII (en 1249) et le rattachement du comté au do-maine royal (en 1271), les rois de France créent de nombreux villages fortifiés en Lauragais (entre 1250 et 1376) qui sont autant de points d’appui. Ces villages sont implantés dans des forêts que l’on défriche et sont dessinés les plans de la future agglomération, avec des rues bien droites. Ces bastides comportent une place avec une halle, un beffroi et des galeries (se reporter aux couverts de Revel), des murailles, des portes fortifiées, une église. Les principales bastides sont Villefranche, Villenouvelle, Saint-Félix, Revel, Labastide d’Anjou, Labastide Beauvoir, Montgeard, Nailloux, Salles-sur-l’Hers et, hors du Lauragais, Mazères et Mirepoix.
Les églises de ces bastides sont de grandes dimensions, avec de très puissants clochers, énormes même, comme ceux de Villefranche, Villenouvelle ou Montgeard. Dans cette dernière, le clocher est inachevé, mais il s’agit d’une formidable construction par ses dimensions ainsi que par la perfection des joints reliant les foraines. Elle symbolise la toute puissance du pouvoir royal.
Saint-Félix semble être l’édifice le plus typique des bastides lauragaises. L'église devient collégiale en 1317 lors de la création de l’évêché du Lauragais centré sur Saint-Papoul. L’église de Saint-Félix est, par ses dimensions, l’une des plus grandes du Lauragais. Elle est à la fois l’église d’une bastide royale mais aussi une église de prestige liée à la Reconquête catholique du 14ème siècle. Pour le catharisme, Saint-Félix est le lieu de naissance, en 1167, des évêchés cathares du Midi de la France : Agen, Toulouse, Albi et Carcassonne. C’est ici que se réunit un Rassemblement cathare de plusieurs centaines de Parfaits venus d’Italie ou de Constantinople (Nicetas). Saint-Félix est donc à la fois le symbole du développement du catharisme et, après 1271, celui de la puissance catholique restaurée qui conduit à l’érection d’un très puissant bâtiment, à l’image de l’église d’Avignonet où, en 1242, furent massacrés les Inquisiteurs.
Ainsi s’expliquent ces constructions énormes mal adaptées à de modestes villages de 800-1000 habitants. Ils symbolisent certains évènements historiques majeurs de notre histoire. Saint-Félix a été fondée en 1245 par Sicard Alaman, sénéchal de Raimond VII. La charte de coutumes date de la même année, ce qui montre l’importance religieuse de cette bastide. En 1317, le pape Jean XXII institue une collégiale qui permet "l’installation de 12 chanoines, 3 hebdomadiers, 24 chapelains, 6 clercs minorés ou tonsurés, 6 enfants de choeur". Bâtie en bel appareil de grès, elle a été classée monument historique en 1920.

Anciennement situé plus au nord, autour du cimetière actuel, le village de Villenouvelle s'est déplacé vers la route Toulouse - Narbonne après la signature du traité des Pyrénées et l'annexion du Roussillon par  le royaume de France (1659)
Anciennement situé plus au nord, autour du cimetière actuel,
le village de Villenouvelle s'est déplacé vers la route
Toulouse - Narbonne après la signature du traité des Pyrénées
et l'annexion du Roussillon par le royaume de France (1659)
Crédit photo : Couleur Média
Fondé par saint Dominique en 1206 sur des terres concédées par l'évêque Foulques de Toulouse, le monastère de Prouilhes accueillit tout d'abord des femmes converties du catharisme.
Fondé par saint Dominique en 1206 sur des terres concédées
par l'évêque Foulques de Toulouse, le monastère de Prouilhes
accueillit tout d'abord des femmes converties du catharisme
Crédit photo : Couleur Média

Parmi les églises de prestige qui marquent à la fois les pouvoirs royaux et catholiques, il faut ajouter Fanjeaux, lieu où vécut saint Dominique, fondateur du monastère de Prouille, Avignonet avec son formidable clocher tour octogonal (copie de celui de Saint-Sernin), mais aussi Villefranche, Montgeard et Saint-Michel de Castelnaudary.
Nous terminerons cette esquisse des églises du Lauragais par la découverte, lors de la visite de ces bâtiments, d’objets insolites. Ainsi, à Fourquevaux, le très beau gisant en bronze représentant une femme (datant de 1920) : il s’agit de l’épouse du grand peintre lauragais, Jean Paul Laurens, natif de Fourquevaux et l’un des plus célèbres peintres d’histoire du 19ème siècle (immenses tableaux du Panthéon, de l’Hôtel de Ville de Paris, de la Salle des Illustres du Capitole de Toulouse). On peut aussi admirer des milliaires gallo-romaines dans les églises de Baziège et d’Ayguesvives : il s’agit de bornes implantées tous les mille pas (ou 1481 mètres) sur la voie romaine d’Aqui-taine Narbonne-Toulouse comportant les noms d’empereurs romains des 3ème et 4ème siècles. A Fanjeaux, "la poutre légèrement brûlée" est toujours dans l’église, témoin du Miracle du Feu entre saint Dominique et les cathares.

Jean ODOL

Le miracle de Fanjeaux
Lors d'une discussion théologique avec des représentants cathares, saint Dominique rédigea ses arguments sur un papier qui, bien que jeté au feu par ses interlocuteurs, refusa de brûler, s'envola et brûla une poutre du plafond.

- Le miracle de Fanjeaux par Pedro Berruguete -

Bibliographie :
- Marcel Durliat : "Le haut Languedoc roman" - 1978 - éditions du Zodiaque
- Jean Odol : "Etudes sur Roqueville-Montgiscard" - Centre Culturel du Lauragais
- Jacques Gironce : "Les églises du canton de Montgiscard” - 2005 (ouvrage exhaustif comportant les églises disparues et de nombreux plans)
- Duffaut abbé : "Monographie du fief et de la chapelle de Roqueville" - 1903 - Privat
- Marie Agnès Winter : "Les églises du canton de Revel" - 1999
- Jean Odol : "Le Lauragais" - éditions Privat

 


Couleur Lauragais n°108 - Décembre 2008/Janvier 2009