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Couleur Lauragais : les journaux

Nature en Lauragais

Couleuvres et vipères du Lauragais

Animaux étranges et fascinants, les serpents suscitent bien des peurs souvent infondées. Longs et rampants, froids au toucher bien que vivants, capables d’engloutir des proies énormes avec une gueule minuscule, ils excitent l’imagination du profane comme la curiosité des chercheurs.
Et pourtant, sur plus de 2900 espèces connues dans le monde, seules 600 sont venimeuses, et seulement 300 considérées dangereuses pour l’homme. En France, on trouve 6 à 15 espèces selon les régions, le climat et la végétation.
Dans le Lauragais sont représentées 2 familles de serpents, les colubridés et les vipéridés, appartenant à la même superfamille, les Colubroïdes. Nous vous proposons de vous aider à les reconnaître, afin de ne pas vous précipiter à les occire alors que rien ne le justifie, alors même que dans la majorité des cas les ophidiens, très craintifs, ont plus peur que nous.

Tête de vipère - Tête de couleuvre


Observer les serpents pour mieux les reconnaître : couleuvre ou vipère ?

Dans notre région vivent 5 espèces de couleuvres : la couleuvre à collier (natrix natrix), la coronelle girondine, la couleuvre verte et jaune (la viridiflavus, la plus courante), et la couleuvre vipérine (natrix maura) ; et une espèce de vipère : la vipère aspic.


La viridiflavus ou couleuvre verte et jaune, la plus répandue par chez nous : on voit bien l’œil rond,
le museau arrondi, l’air débonnaire de cet animal inoffensif et très craintif.


Leur allure générale est différente : les vipères ont un corps petit et trapu, il y a rupture entre la queue et le reste du corps, alors que le corps des couleuvres est mince et effilé, la queue est longue et fine. A la césure entre le corps et la queue, la couleuvre a une écaille anale, alors que la vipère en possède deux.
Elles sont surtout reconnaissables à leur tête : les vipères ont en général une tête triangulaire avec le museau droit, la pupille fendue, de petites écailles sur le dessus : une ou deux rangées d’écailles entre la tête et l’œil ; elles possèdent une écaille proéminente au-dessus de l’œil (qui leur donne un regard "méchant"). La tête se distingue nettement du reste du corps et son extrémité, vue de profil, est souvent retroussée. Les couleuvres ont la tête arrondie, une pupille ronde ; 5 grandes écailles sur la tête ; l’écaille labiale rejoint l’œil ; une seule rangée d’écailles entre le haut de la lèvre et l’œil. Il faut compter le nombre d’écailles entre le bout du museau et l’œil pour différencier les diverses variétés de couleuvres. La tête, au repos, se distingue à peine du reste du corps. Bien que classées dans la même superfamille, elles se différencient également par leur naissance : les couleuvres sont ovipares, comme la majorité des serpents (70% des espèces) : plus ou moins longtemps après l’ovulation, les femelles pondent des œufs protégés par une coquille résistante. Les vipères sont ovovivipares : les œufs sont maintenus à l’intérieur du corps de la mère jusqu’à l’éclosion.
Les couleuvres vivent en moyenne 20 ans, alors que les vipères ont une espérance de vie de 10 ans.


La couleuvre girondine : on voit bien les grandes écailles sur la tête, l’œil rond et le museau arrondi ;
cette couleuvre n’est pas facilement visible, car elle se confond avec les branchages.

Pourquoi ne pas les tuer ? Trois bonnes raisons :

D’abord, parce que ce sont des espèces en voie de disparition et donc protégées.
Dans les pays occidentaux, la forte présence de l’homme a failli éliminer totalement les milieux naturels et faire disparaître la microfaune
Ces dix dernières années, le nombre de serpents sauvages a tellement chuté que des organisations internationales, des gouvernements, des scientifiques et des associations ont pris conscience du danger et ont mis en place des conventions internationales relayées par la législation nationale pour sauvegarder les milieux naturels ainsi que la faune et la flore sauvages. En France, la loi 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, modifiée par la loi du 2 février 1995, (intégrée pour partie avec ses décrets d’application dans le Code rural), pose les bases de la protection de la nature, en donnant les moyens de protéger les espèces et les milieux ; elle fixe les différents statuts de protection, et prévoit les peines consécutives aux infractions ; elle interdit l’introduction dans le milieu naturel d’espèces non indigènes.

Ensuite, parce que le serpent appartient à un système écologique, il est le maillon d’une chaîne alimentaire, et participe donc à un équilibre avec la nature, édifié graduellement au cours des siècles.
Pour se nourrir, les ophidiens exploitent des sources animales très diverses : poissons, amphibiens, lézards ou autres reptiles ; oiseaux ; escargots, limaces, vers de terre ainsi que les œufs de vertébrés. Mais leur préférence va aux rongeurs ; ils sont donc très utiles pour en réguler les populations.

Enfin, parce qu’on utilise leur venin dans la recherche, le venin de nos vipères contient de l’eau (entre 50% et 90% ), de l’albumine et d’autres protéines enzymatiques qui agissent sur les tissus, sur la coagulation du sang et dans de très rares cas sur le système nerveux.
Depuis des années, le venin des vipères sert à préparer des produits pharmaceutiques : certaines neurotoxines ont en effet un pouvoir analgésique, d’autres composants sont utilisés comme coagulants ou vasodilatateurs dans la médecine cardio-vasculaire ; le venin est également utilisé dans la recherche de la lutte contre le cancer.


Jeune vipère aspic, on voit bien le museau retroussé
et l’œil en fente, ainsi que l’écaille au-dessus de l’œil.

Comment éloigner les serpents des maisons et leur construire des abris ?

Si vraiment vous ne pouvez supporter d’avoir des serpents près de chez vous, vous pouvez les éloigner, sans pour autant les détruire : il faut enlever tout ce qui pourrait leur offrir des abris : bûches, piles de bois, amas de broussailles, pierres, etc. ainsi que tout le matériel se trouvant sous les terrasses ; il est conseillé également, si l’on a des murets de séparation ou d’agrément, de les jointer correctement afin de ne pas laisser d’interstices propices à l’installation des serpents.
Si vous voulez les inciter à s’installer loin du lieu d’habitation, ou si vous souhaitez leur réserver un espace afin de pouvoir les observer, vous pouvez édifier, dans des endroits isolés, des murets composés de rangées successives de pierres anguleuses, alternées avec du terreau et des ramilles. Des interstices assez larges entre les pierres favoriseront l’installation et le développement d’une végétation tapissante, refuge idéal pour les petits animaux. Pour aménager une zone de dépôt des œufs, il suffit de combler, à l’aide de sable grossier et de terreau léger, l’espace entre le mur et la pente éventuelle. Il est fondamental que chaque muret soit bâti manuellement, loin des zones fréquentées, ou sur un site déjà habité par des lézards ou des couleuvres.
De même, en laissant pousser des herbages et des fleurs sauvages dans un coin de cour ou de jardin, on offre un bon abri aux couleuvres et à d’autres petites bêtes.

Comment éviter les morsures ?

Quelques précautions suffisent pour éviter de se faire mordre : porter de bonnes chaussures pour se balader en forêt ou même en campagne ; ne pas déranger les serpents ni tenter de les tuer , faire attention lorsqu’on ramasse des fruits ou des champignons, s’assurer avant de se poser quelque part qu’aucun reptile ne se cache sous une pierre ou une bûche, enfin respecter la nature afin de ne pas déranger l’ordre qui y règne.


Couleuvre à collier (natrix natrix) : elle se distingue par un collier blanc et noir,
et a une vie amphibie.

Que faire en cas de morsure ?

Précisons tout d’abord que l’on compte moins d’un décès par an dû au venin de vipère en France, ce qui est peu comparativement aux complications consécutives à des piqûres d’insectes (frelons) ou des morsures de chiens.
En premier lieu, savoir de quelle morsure il s’agit : celle de la couleuvre est arrondie, et ne laisse aucune trace ; celle de vipère se caractérise par deux points (les crochets) approchés de moins de 1 cm, voire un seul point. La quantité de venin injecté est minime, car l’animal cherche à se défendre, et non à attraper une proie. Cela provoque un œdème assez étendu et une douleur à l’endroit de la piqûre. Des symptômes secondaires peuvent également apparaître : diarrhées, palpitations, chute de tension, malaise général. Dans tous les cas, le venin agit essentiellement autour de la plaie. Dans les heures qui suivent, la victime peut en outre ressentir un état de fatigue général. Sa vie n’est en danger que si elle souffre - cas rarissime - d’hypersensibilité liée au venin, ou si la morsure a attaqué une zone particulièrement délicate : le visage, le cou ou un vaisseau sanguin ; son état peut empirer si s’ajoutent certains autres facteurs de risque : l’abus d’alcool, l’usage de certains médicaments, des maladies particulières ou une grossesse en cours. Alors, que faire ? Il importe avant tout de garder son sang-froid : l’état de choc et l’agitation peuvent provoquer plus de dommages que la morsure elle-même. On a trois heures pour intervenir ; il faut transporter doucement le blessé jusqu’au centre de soins le plus proche en évitant qu’il bouge trop. Au centre de soins il sera pris en charge par un médecin.
Surtout ne pas sucer la plaie ; éviter de faire un garrot qui risquerait d’entraîner une nécrose. Désinfecter la plaie à l’aide d’un désinfectant sans alcool (qui doit faire partie de l’attirail de base de tout randonneur avisé). On peut fixer une attelle, avec une planchette de bois ou un bandeau, afin d’éviter tout mouvement qui provoquerait un afflux de sang.

Ainsi donc, si au cours de vos pérégrinations vous venez à rencontrer un serpent, vous saurez désormais qu’il est inutile de s’affoler, et que tenter de les tuer peut être plus dangereux pour vous que de les laisser s’échapper.

Infos pratiques : en cas de doute sur une rougeur ou toute marque ressemblant à une piqûre ou à une morsure, il vaut mieux contacter le centre anti-poison à l’hôpital de Purpan au 05 61 777 447, ou bien contacter le 15.

Rédaction et Documentation
Sophie BALDY

Remerciements :
A Serge Ramel, pharmacien et passionné d’herpétologie, qui nous a fait partager sa connaissance des serpents du Lauragais.
A Gilles Pottier, herpétologiste, responsable du groupe reptiles et amphibiens au sein de l’association Nature Midi Pyrénées, qui nous a fourni les photos et apporté des informations complémentaires sur les serpents du Lauragais ; il est l’auteur de l’ouvrage Guide des reptiles et amphibiens de Midi Pyrénées, disponible sur le site www.naturemp.org.

Couleur Lauragais n°82 - Mai 2006