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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

Balades en Lauragais entre Hers et Marcaissonne - 4 circuits

Cette balade conduit nos lecteurs dans une région que Couleur Lauragais a moins parcouru que le Lauragais central et oriental ; pourtant son intérêt architectural est grand comme le montre cette série de circuits qui vous feront pénétrer au cœur de bourgs comme Lanta ou Caraman ; on y voit des châteaux du 16ème siècle, des églises superbes avec par exemple les peintures de l’église d’Aurin ; je vous raconterai l’histoire tragique de Marquesia Hunaud de Lanté née à Fourquevaux et qui, avec sa fille Corba et sa petite fille Esclarmonde montent ensemble sur le bûcher de Montségur (1244), ou encore les mésaventures de Saint Bernard à Verfeil en 1147.

Le cadre géographique est très simple avec un massif de collines divisé par des ruisseaux aux cours parallèles, orientés Sud Est-Nord, et qui sont : l’Hers Mort, la Marcaissonne, la Saune, la Sausse, le Girou. Les collines molassiques ont des pentes très douces, faciles à travailler et se décomposent en surface en sols très fertiles qui font dire à nos paysans que les terres de la région de Lanta et de Caraman sont parmi les plus riches du Lauragais.
Voici une série de circuits de découvertes avec pour chacun d’eux un thème conducteur.


L'église de Lanta - crédit photo : Couleur Média

Circuit 1 : sur les pas de Saint Bernard (1147)
Nous partons de Saint Orens puis Verfeil, Bourg Saint Bernard, Lanta, Caraman, Montgey, les Cassès ; nous allons aborder quelques hauts lieux du catharisme lauragais.

Verfeil est à proximité du Girou, sur une butte sur laquelle on a découvert les vestiges d’une grande villa romaine. Le château est très ancien, peut-être du 12ème siècle ; en 1271, Verfeil et les villages voisins sont la propriété de l’évêque de Toulouse. Dès la première moitié du 12ème siècle le catharisme est très fortement implanté comme en témoigne la visite de Bernard de Clairvaux, abbé de Citeaux, l’un des plus grands esprits religieux du 12ème siècle (c’est lui qui prêche la Seconde Croisade). Bernard vient à Verfeil pour s’exprimer dans l’église devant la noblesse et les paysans hérétiques mais, malgré le prestige du futur saint, il est incapable de parler ; noblesse et paysans quittent l’église, laissant à Bernard la maigre consolation de jeter son célèbre anathème : "Pays de la verte feuille, que Dieu te dessèche". Bernard se réfugie au Bourg où il est bien accueilli, et plus tard les habitants de ce lieu ajouteront son nom à celui de la paroisse primitive. A Verfeil il faut voir le moulin de la Nagasse et l’église Saint Sernin des Rais, à 1 km du village, sur la route de Lavaur ; à côté du bâtiment se trouve un intéressant cimetière familial, celui de la famille de Paul d’Aygues-vives, son épouse, ses deux filles, Camille et Madeleine, les Petites Filles Modèles de la comtesse de Ségur ; cette dernière venait souvent à Malaret, le château familial voisin.

Au Bourg Saint Bernard il faut voir "le Pré de la Fadaise", près du Girou où se déroule tous les ans la fête la plus ancienne de France (depuis 1211) le lundi de Pentecôte ; lors du siège de Lavaur par les Croisés de Simon de Montfort, des jeunes gens du Bourg délivrent un jeune cathare prisonnier ; sa mère leur offre, dans son pré, une fête équestre qui est célébrée depuis. L’église en belles briques foraines est du 16ème siècle, âge d’or du pastel, le clocher a été reconstruit plusieurs fois. A proximité le château de Roques est encore de l’époque du pastel.


La fête de la Fadaise : départ de la course - crédit photo : Association Pré de la fadaise

Lanta au Moyen Age appartient à la puissante famille cathare des Hunaud qui participent très activement à la victoire de Baziège sur les Croisés en 1219 ; une femme de la même famille est brûlée à Montségur en 1244 ; en mars 1562 un Hunaud est chef du soulèvement des protestants de Toulouse. L’église possède un clocher original (19ème siècle) avec 14 cloches dont certaines sont suspendues à une armature métallique en dehors de la muraille du clocher. A Saint Anatoly (près de Lanta) le clocher est typique avec un mur pignon et un très beau pigeonnier. A Saint Sernin de Sanissac l’église du 16ème est fortifiée ; à l’intérieur on conserve in situ un moule de cloche découvert en 1998 avec à côté un four pour couler le métal (bronze), les cloches étaient donc coulées sur place.
Caraman est arrosé par la Saune et la Seillonne ; au 13ème siècle le catharisme s’infiltre et Saint Dominique vient disputer contre les cathares en 1206 ; en 1483 Caraman est érigé en comté ; c’est un centre important pour la culture et le commerce du pastel. Les guerres de religion (1562-1630) ruinent le pays et Caraman est un puissant centre protestant pris et rasé par les armées du catholique Louis XIII en 1622 ; le temple est démoli tardivement, vers 1680-85. Le comté est acquis en 1670 par Pierre Paul Riquet, le créateur du canal du Midi et il reste dans la famille jusqu’en 1789. Dans le domaine des châteaux, retenons celui du Crouzillac (15ème et 17ème siècles). Il faut se balader dans le vieux coeur du village, dans les rues anciennes, étroites, entre les maisons à colombage, vers le temple et un pigeonnier typique au Nord de l’actuelle mairie. L’église a été détruite en 1570 lors des guerres de religions et le bâtiment actuel est récent puisqu’il date de 1905.
A Montgey-Auvezines, près de la route, à côté du cimetière et de l’église, une stèle récente rappelle "qu’ici furent massacrés 6000 Croisés morts en embuscade en 1211" ; c’est le seul témoignage matériel de la terrible Croisade contre les cathares (ou albigeois). Le chef militaire Simon de Montfort a mis le siège devant Lavaur qui capitule le 3 mai 1211 ; pendant le siège une troupe de renforts croisés venant de Carcassonne est interceptée à Auvezines et massacrée par l’armée du comte de Foix.

Aux Cassès, après la chute de Lavaur, Simon de Montfort met le siège devant le castrum des Cassès tenu par les seigneurs de la famille de Roqueville ; le château pris, les occupants sont brûlés (une soixantaine) au lieu dit "le Fort" ; il s’agit du bûcher collectif et lauragais le plus connu. Dans le village on voit les stèles discoïdales placées contre le mur de l’église et plus spécialement celle que l’on appelle "le Christ des Cassès" (stèle trilobée) ; ces stèles datant des 13-14-15ème siècles marquaient les tombes dans les cimetières avec un disque historié rappelant la profession du défunt (voir Couleur Lauragais - avril 2006).

Circuit 2 : à la recherche du pastel
Ce circuit nous conduit à Auzielle - Loubens - Escalquens - Lastours (Baziège) Tarabel - Mauremont - Juzes - Le Vaux - Cambiac Montmaur - Montgeard Caignac - Payra sur l’Hers Belflou - Baraigne.

Le pastel est une plante dont les feuilles contiennent un produit chimique qui permet de teindre en bleu les étoffes de laine. Aux 15-16ème siècles, le meilleur pastel est celui du Lauragais qui se distribue dans toute l’Europe, de l’Angleterre à l’Espagne, mais aussi à Florence et en Allemagne. Des études très récentes (2002) ont démontré que le pastel était très bon marché à la production et aux points de départ des circuits commerciaux, aussi pour construire un château, ou une église, avec des capitaux issus du pastel, il fallait d’immenses surfaces productrices aux mains des propriétaires. J’ai repéré plus de soixante châteaux pasteliers en Lauragais.


Les douves du château de Loubens - crédit photo : Josiane Lauzé

A Auzielle on voit depuis la route une splendide bâtisse du 16ème siècle. A Loubens-Lauragais, le château est remarquablement bien conservé depuis le 16ème, avec ses fenêtres à meneaux, les douves toujours en eau. A Escalquens : l’actuelle mairie conserve une très belle façade A Baziège le Château de Lastours (terme occitan signifiant: les tours) est une forteresse de plaine ayant conservé des douves toujours en eau avec à l’intérieur une cheminée monumentale en belles briques et terre cuite. A Tarabel un chateau avec une belle façade en briques avec deux tours encadrant la porte d’entrée. A Mauremont, chateau construit par la puissante famille de Saint Félix, énorme par ses dimensions, en très bon état. A Juzes il très bien restauré. Aux Vaux il possède de très belles fenêtres à meneaux. A Cambiac le chateau est très bien conservé. A Montmaur c’est un énorme bâtiment, la façade Est est intacte bien que l’ensemble soit en très mauvais état avec de nombreuses bouches à feu pour le passage de l’artillerie de rempart (l’âge d’or du pastel correspond à l’essor de l’artille-rie - poudre à canon), une belle porte et ses défenses ; on peut voir aussi les stèles discoïdales contre le mur de l’église. A Montgeard, classé monument historique, le château a conservé de très belles fenêtres et à l’intérieur une pièce restaurée sur croisée d’ogives. A Caignac, seule une partie est du 16ème siècle, c’était le siège d’une puissante commanderie des Hospitaliers (Ordre de l’Hôpital Saint Jean de Jérusalem). A Payra il a de belles fenêtres, on peut y voir aussi le portail roman de l’église. A Belflou, restauré en 2005 le chateau est splendide avec les douves en eau. A Baraigne il a la belle couleur ocre de la pierre gréseuse, magnifique, c’est l’un des plus beaux châteaux du Lauragais.

Circuit 3 : à la découverte d’un peintre lauragais : Jean-Paul Laurens, de Fourquevaux

A Fourquevaux, il faut voir la halle, le vieux château près de l’église comportant à l’intérieur des murs très épais de plusieurs mètres qui seraient, peut-être les restes du château natal (au 13ème siècle) de Marquésia de Hunaud qui, avec sa fille Corba et sa petite fille Esclarmonde sont brûlées à Montségur en 1244. Sur le monument aux morts (près de l’église) une plaque de marbre est dédiée à "la mémoire du capitaine Pierre de Serre de Saint Roman (1891-1927) pionnier de la traversée aérienne de l’Atlantique Sud sans escale, disparu avec ses compagnons en mai 1927". C’est Jean Mermoz, de l’Aéropostale qui réussit la traversée Dakar-Natal en 1930. Le capitaine de Fourque-vaux utilisait un avion "Goliath", un hydravion. Parti de l’étang de Berre il n’atteint jamais sa destination brésilienne et s’abîme en mer. Face à l’église se situe la maison natale de Jean Paul Laurens (1838-1921) peintre analphabète à l’âge de 15 ans qui terminera sa vie président de l’Académie des Beaux Arts de Toulouse. Sa vie est un roman extraordinaire, gamin, il dessine déjà et peint des scènes naïves sur les murs de la maison où elles sont précieusement conservées. Il travaille surtout à Paris, peintre de génie multipliant les tableaux gigantesques ou des fresques dispersés aujourd’hui dans le monde entier, au Japon, aux Etats Unis. Il est le plus remarquable peintre d’une école aujourd’hui disparue, le peintre d’Histoire, appelée aussi "Ecole des Pompiers", avec un souci très pointu des personnages, de leurs habits, leurs expressions, tous les détails sont respectés. Ses oeuvres principales sont à l’hôtel de ville de Paris (salon Jean Paul Laurens, à côté du bureau du maire) et surtout au Panthéon avec "le martyre de Sainte Geneviève". A Toulouse, il faut voir absolument "les Jeux Floraux et les Troubadours", sur le mur dominant l’escalier conduisant à la Salle des Illustres ; dans la salle est exposée "La muraille" où l’on voit, en 1218, une femme toulousaine, vêtue de blanc, se diriger vers la catapulte qui lancera la pierre sur le crâne de Simon de Montfort. A côté, "le Lauragais", notre Lauraguès, à la gloire de sa terre natale, on remarque la précision du dessin, la charrue, l’homme, les yeux des bovins. Dans l’église, il a construit un gisant en bronze représentant son épouse morte un an plutôt, en 1913, Madeleine Wiellemsens. L’idée de la mort est très présente dans son oeuvre. Une belle affiche représentant "les Inquisiteurs" qu’il aborrhe, est dans le hall du collège d’Ayguesvives qui a adopté son nom (voir Couleur Lauragais N° 59).


"Le Lauragais" par Jean-Paul Laurens

Circuit 4 : l’or jaune, les châteaux lauragais du froment

Nous appellons "or jaune" le froment de blé, le grain qui fournit la farine noble et le pain blanc, nourriture de base de la population, 2 kg par homme et par jour ; la plante est cultivée en Lauragais depuis la préhistoire et, fait surprenant, nos collines sont toujours et encore un gros producteur aux rendements exceptionnels : 85 quintaux, en blé tendre en 1995. C’est l’ouverture du canal du Midi qui permet d’exporter le grain lauragais vers Narbonne, Sète et au delà vers Perpignan, la Catalogne, Marseille et la Provence ; l’âge d’or du blé débute en 1681 et s’achève vers 1820-1850 avec la concurrence victorieuse des grains étrangers (russes) puis avec le chemin de fer (1857) l’introduction à Toulouse des blés du bassin parisien, qui provoque la mévente du blé lauragais. On ne construit plus de châteaux après 1850 (environ) faute de moyens. La majorité des châteaux lauragais reposent sur des fortunes "bladières", soit producteurs, soit commerçants ; ces belles constructions du 18ème siècle essentiellement, ont un air de famille et des traits architecturaux communs avec Versailles. Citons quelques-uns les plus typiques : à Mourvilles Basses celui de la famille de Villèle, toujours présente dans ses murs, c’est la famille la plus ancienne du Lauragais, remontant aux Croisades ; le nom se confirme au 13ème siècle avec les seigneurs Cathares de Nailloux qui se font inhumer dans le cimetière cathare de Montesquieu Lauragais. Le château de Mourvilles est d’une très nette inspiration du Versailles royal de Louis XIV : une splendide façade en brique et pierre, pas de toit apparent, mise en valeur de l’étage noble (au premier). A Baziège ont été construits plusieurs châteaux : La Terrasse, Fourtanier, Lamothe. A Montgiscard : Château de Roqueville. Ces châteaux se ressemblent tous : Villefranche, Saint Paulet, Montesquieu Lauragais, Ayguesvives (l’actuelle mairie), Renneville, Issus, Auragne, Saint Léon, Beauteville, Préserville, Lanta.

Jean ODOL

Bibliographie :
Jean Odol : "Le Lauragais" 2004 - dossiers personnels (non publiés)
Lucien Ariès : Le Lau-ragais, Terre de passages, d'échanges-Editions de l’A.R.B.R.E - 2006

Couleur Lauragais n°82 - Mai 2006