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Couleur Lauragais : les journaux

Reportage

Les paysages naturels du Lauragais, relief et végétation


Dreikanter, cailloux modelés par le vent quaternaire
Crédit photo : Josiane Lauzé
Couleur Lauragais vous présente dans ce numéro les formes du relief du Lauragais en mettant en valeur des types morphologiques très peu connus comme la cuvette de Pexiora-Bram creusée par les vents à l’époque reculée du quaternaire. Nous illustrons notre article avec des cailloux éolisés (dreikanter).

Les roches

Les roches constituant le soubassement du relief sont très anciennes et très résistantes dans la Montagne Noire comme les schistes, les calcaires hercyniens et le granit. La plus grande partie du Lauragais est taillée dans la molasse tertiaire. Il s’agit d’un complexe d’argile, sables, calcaires venus de la démolition des Pyrénées et du Massif Central avec des lentilles de grès, de bancs calcaires plus ou moins durs, de masses de sables. Très épaisse (400 mètres), elle repose en profondeur sur des blocs brisés qui ont une influence sur la surface comme les dômes de Saint Félix et de la Ganguise ou la profonde gouttière de l’Hers mort. Imperméable, la molasse est tendre dans l’ensemble donnant un drainage très dense de ruisseaux et de larges vallées.

Les grandes divisions du relief sont, en allant de l’Est vers l’Ouest : la Montagne Noire, une dépression périphérique (de Revel à Castelnaudary, Pexiora, Bram), un vaste massif de collines coupé en deux par les vallées de l’Hers-Marès.
La Montagne Noire do-mine de plusieurs centaines de mètres les collines et plaines voisines : 600 m à Saint Ferréol, 800 m vers Arfons, 1211 m au Pic de Nore. Montagne primaire, elle est reprise par la surrection des Pyrénées, cassée et faillée. Le bloc est basculé vers le Sud avec un versant Nord très raide dominant Revel, Sorèze, Mazamet de plusieurs centaines de mètres. Le versant Sud appelé pénéplaine du Cabardès descend lentement vers le Fresquel avec des vallées profondément encaissées (Lampy, Alzeau).

La dépression périphérique se localise entre la Montagne Noire et le massif de collines de l’Ouest. Elle est jalonnée par les villes de Revel, Castelnaudary, Pexiora, Bram et divisée en deux bassins par le seuil de Bezombes. Au Nord de ce seuil, le bassin du Laudot, affluent du Sor, est large de plusieurs kilomètres à hauteur de Revel : on l’appelle localement "la plaine de Revel". Au Sud et au Sud Est de Bezombes s’étend une cuvette originale jusqu’à Bram. Je l’appelle la cuvette du Fresquel-Tréboul. Ce dernier est un ruisseau indigent, à sec durant l’été. Le Fresquel est plus abondant avec les torrents si riches descendant sur la rive gauche de la Montagne.
La cuvette est une dépression éolienne creusée par les vents quaternaires sous un climat très froid (périglaciaire) et très sec, sans aucune végétation. Il s’agit d’un "évidement hydro-éolien", l’une des formes les plus originales du relief entre Castelnaudary et la mer, je cite : "la région est trouée de ces cuvettes fermées, trait le plus singulier du relief des côteaux languedociens". Les cuvettes de ce type sont nombreuses : Marseillette, Jouarres, Broutillasse, Ouveillan, Montady, Estagnol, Bradels, Preissan et bien d’autres. La preuve visible de cette érosion éolienne (action des vents armés de grains de sable) est la présence de "dreikanter", galets de quartzite taillés en dièdres, près du Mas Saintes Puelles, à Ferratié et Ferrabouc.

En surface la molasse se décompose en donnant naissance à deux familles de sols très fertiles naturellement, les boulbènes et les terreforts.
Le monde des collines se développe de St Félix à Lanta, de Verfeil à Auterive, de Puylaurens à Belpech. On doit distinguer deux blocs de part et d’autre de la gouttière de l’Hers Mort.
Au Nord (régions de Lanta, Caraman, Puylaurens, Labastide Beauvoir), le massif est moins haut que la partie des collines méridionales qui forment un bloc nettement surélevé (au Sud de l’Hers). Les pentes des collines sont douces, souvent subhorizontales, faciles à travailler. Les rivières ont, en gros, un tracé parallèle, les unes par rapport aux autres et coulent dans des vallées très larges, ainsi sont : la Marcaissonne, la Saune, la Sausse, la Seillonne (tous affluents de l’Hers), le Girou. Le faible pouvoir érosif de ces misérables ruisseaux (à sec l’été) même sous l’action des climats agressifs quaternaires ne saurait expliquer la très grande largeur de leurs vallées. Il faut invoquer plutôt des déformations des couches de molasse sous forme de synclinaux. Les formes des collines sont très variées. En simplifiant on peut distinguer : des collines très allongées ou serrées en lanières jusqu’à 1500 mètres de longueur, (souvent plusieurs kilomètres, portant villages et châteaux d’eau), des collines au sommet presque horizontal, dites collines tabulaires. Enfin les collines ordinaires sont la troisième forme : 1 km sur 500 mètres de large et aujourd’hui, avec la politique "des grands champs", elles constituent une unique parcelle. Le fond des vallées est souvent très humide, parfois marécageux, malgré les efforts de creusement et recalibrage des thalwegs au 18ème siècle et dans les années 1970-1990. Un bombement plus élevé apparait dans la région de St Félix.


La Montagne Noire

Crédit photo : Couleur Média

Affleurements de roches dures

Crédit photo : Josiane Lauzé

Le massif méridional présente des collines élevées avec des pentes très fortes : à l’Ouest de Castanet ou vers Montbrun, de véritables ravins sont creusés par les ruisseaux affluents de l’Ariège et de la Garonne ; cela explique la permanence des bois sur ces pentes très raides : Montbrun signifie la colline couverte de bois. Certaines sont des "bosses" ou collines aux formes (en plan) arrondies, exemple la Bosse de Montalbiau à Ayguesvives ou celle du moulin de Montbrun (magnifique belvédère). La rivière principale est ici la Hize.
A l’Est de Gardouch commence une zone de collines originales connue sous le nom de Piège, soit une cinquantaine de communes microscopiques vers Salles sur l’Hers, Belpech, Fanjeaux, le Mas Saintes Puelles. Ici affleurent des grès, des calcaires, des marnes, des sables, des poudingues qui soutiennent des sols squelettiques, naturellement très pauvres. La région a été, très tôt, désertée par les hommes et les bois, les forêts (par exemple les forêts d’Antioche, de Bedêne) couvrent d’immenses surfaces. Au 19ème siècle la Piège s’était spécialisée dans l’élevage des moutons et la production d’avoine.

La gouttière centrale, de Castanet à Naurouze

Elle correspond à une dépression de largeur considérable : 1,5 à 2 km, et qui ne peut correspondre à l’érosion de deux rivières médiocres : l’Hers Mort et le Marès. Le grand spécialiste (Lambert) indique sur ses cartes des failles en profondeur qui ont amené un affaissement des couches supérieures : donc une gouttière au fond en très faible pente d’où les marécages et l’immense forêt qui commençait aux portes de Toulouse, à Montaudran jusqu’à Naurouze, soit 10-15 000 hectares. Ces forêts sont suivies par l’antique voie romaine d’Aquitaine, de Narbonne à Toulouse, un repaire de brigands. Son défrichement a commencé sous le roi Louis XI, puis Catherine de Médicis a poursuivi. De nos jours, "le bois de Saint Rome" aux énormes chênes, est le dernier témoin de cette forêt. On y chassait l’auroch, ou boeuf sauvage, au 9ème siècle. En souvenir de Louis XI, entre Baziège et Villenouvelle, les labours s’appellent toujours "les labours du roi", un plat sublime a été inventé : " le rôti d’auroch des labours du roi".


A 61 : la gouttière de l'Hers Mort

Crédit photo : Josiane Lauzé

La gouttière centrale est empruntée par de multiples moyens de transports, depuis la voie romaine, la célèbre via aquitania, le canal de Riquet, l’autoroute de 1975 (A 61): elle est l’axe de vie du Lauragais. Quel contraste avec les solitudes de la Piège !

La végétation naturelle du Lauragais

Il y a environ 10 000 ans avant Jésus Christ, une immense forêt couvrait l’ensemble du Lauragais composée de chênes blancs (ou pédonculés) et noirs (ou pubescents), lieu de rencontre d’espèces venant de l’Est comme le chêne vert, plante méditerranéenne et de l’Ouest avec une double dégradation des influences atlantiques largement dominantes et des espèces méditerranéennes : l’olivier atteint Montolieu (qui signifie le mont aux oliviers), le chêne vert : Lavaur, Saint Papoul, Verdun et la Piège. Les défrichements commencent avec l’implantation d’agriculteurs, vers 8000 avant J.C. Aux 15-16ème siècles, Louis XI et Catherine de Médicis font disparaître la forêt marécageuse de la gouttière d’où "les labours du roi", sur la commune de Baziège. Les forêts actuelles se limitent aux splendides futaies de la Montagne Noire, forêts de Ramondens, de l’Aiguille, de la Loubatière, de la Montagne Noire vers la Galaube. La forêt de l’Aiguille est très riche avec des chênes, hêtres, quelques châtaigniers, des conifères. Le sous bois est composé de houx, alisiers, fougères, prunelliers, des acacias, des merisiers.


Un olivier à Baziège

Crédit photo : Josiane Lauzé

La Piège porte des étendues forestières nombreuses et vastes, entre la Vixiège et l’Hers Mort, la forêt de Bédène, de Manses, avec prédominance des chênes pubescents. Sur les collines occidentales, quelques bois subsistent sur des sols infertiles et des versants exposés au Nord (abetxencs). Signalons les restes de la forêt des Hospitaliers (bois Barrat à Montesquieu) ou les bois au Sud de Gardouch.
Un détail : dans la Piège on peut voir des orchidées spécifiques à cette petite région (ne pas les cueillir).

Avec des collines faciles à travailler, des sols très riches, le relief du Lauragais permet l’épanouissement d’une puissante agriculture.

Jean ODOL

Bibliographie :
Enjalbert : "Le relief des régions traversées par le Canal du Midi" - 1983
Brunet : "Les campagnes toulousaines" - 1965
J. Odol : " Le Lauragais" - 2004

Couleur Lauragais n°79 - Février 2006