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Couleur Lauragais : les journaux
Histoire

Le Lauragais, terre d’accueil ou histoire de la population du Lauragais depuis la préhistoire jusqu’en 2005

Couleur Lauragais vous présente une synthèse originale sur l‘histoire de la population du Lauragais depuis les origines jusqu’en 2005. Les sols du Lauragais, boulbènes et terreforts, sont très fertiles, parmi les plus riches du Midi de la France, aussi les hommes se sont installés ici très tôt. Voici une fresque historique des grandes phases démographiques.



Villefranche de Lauragais : une population en plein essor
Crédit photo : Couleur Média

Les Gallo-Romains étaient déjà très nombreux
Un peuple gaulois, les Volques Tectosages pénètrent dans notre région au 3ème siècle avant Jésus Christ. Ils ont laissé de nombreux documents archéologiques à Vieille Toulouse (au Nord Ouest de Castanet). C’est en 118 avant J.C. que les Romains occupent Narbonne et placent une garnison à Toulouse et une profonde romanisation transforme la population autochtone en façonnant un peuple gallo-romain. Ils nous ont apporté la langue (le latin), des codes de lois (le droit romain), l’art de construire des villes, comme Toulouse. Jules César, dans son livre "la guerre des Gaules", lorsqu’il vient à Toulouse, admire "les collines couvertes de céréales" ; ces collines étaient, vraisemblablement, le Lauragais. L’archéologie gallo-romaine foisonne de documents comme des amphores, des culs, de la céramique, des tuiles à rebords, des pièces de monnaie, les sites humanisés se comptent par centaines. Surtout les Romains nous ont apporté l’art de construire des routes : la via aquitania, la voie d’Aquitaine est la plus célèbre. Depuis Toulouse (chemin Saint Roch) elle gagne Ramonville où elle a été retrouvée, Montgiscard, traverse la vallée de l’Hers en direction de Baziège (les pountils), Villefranche, Castelnaudary puis la route de Bram. Pendant des siècles la voie est le seul chemin empierré du Lauragais, jusqu’en 1750 environ. Elle est alors connue sous d’autres appellations comme le cami ferrat, le chemin du Roi.



La voie romaine
Crédit photo : Collection Jean Odol


Amphores et vases gallo-romains
Crédit photo : Collection Jean Odol

Au Moyen Age (476-1453), la population est décimée par des famines et la peste
Aux 12ème et 13ème siècles des progrès démographiques sont importants. Les forêts sont défrichées, les outils en fer se multiplient comme la reille, triangle qui arme la charrue (l’araire) et qui permet l’amélioration technique des labours, donc des rendements qui restent cependant très faibles : 3 pour 1. Malgré la Croisade contre les cathares (1209-29) et ses destructions, le Lauragais était très fortement peuplé : 100 habitants au km2 (d’après Wolf), ce qui est énorme. Au 14ème siècle la population a diminué avec de multiples famines, les pillages de la guerre de Cent Ans, surtout les épidémies de peste. La première en 1348-49, appelée la Peste Noire, a tué 30 % de la population, ce chiffre est valable pour toute l’Europe. Ensuite la peste se déclenche en moyenne tous les 8 ans dans la région toulousaine, la dernière secousse est de 1652. Des villages disparaissent, d’autres sont détruits mais reconstruits très rapidement avec des maisons en terre (pisé).
Le Livre du Prévôt indique que le Lauragais comptait 280 églises et chapelles au 14ème siècle, beaucoup ont disparu depuis.

La grande période d’essor se place de 1700 à 1857-1860
La grande poussée démographique correspond au 18ème et première moitié du 19ème avec l’introduction dans le catalogue des plantes cultivées dans l’agriculture lauragaise de trois plantes qui font disparaître les famines. Toutes sont d’origine américaine et introduites après 1492, c’est à dire le retour de Christophe Colomb de l’Amérique : le haricot, la pomme de terre, le maïs. Originaire du Mexique, le haricot est une réserve pour l’hiver. La pomme de terre, originaire des Andes est introduite tardivement au 19ème. La plante miracle est le maïs, avec une variété célèbre : "la millette du Lauragais"; avec des rendements extraordinaires, 50 pour 1. Le maïs devient la base de l’alimentation des paysans, sous forme du millas, c’est une véritable plante miracle. La population s’accroît régulièrement durant tout le 18ème siècle et jusqu’en 1850-1860, vers le milieu du 19ème siècle le Lauragais est surpeuplé avec des hommes surabondants et misérables. L’arrivée des chemins de fer déclenche un exode rural massif.

L’exode rural vide les campagnes lauragaises de 1860 à 1914
Hommes et femmes quittent le Lauragais pour aller vers Toulouse, le Bas Languedoc, à partir de 1880, où l’on reconstitue le vignoble détruit par le phylloxéra. D’autres gagnent l’Algérie, mais aussi Narbonne et Montpellier.
La natalité descend, des niveaux très faibles sans remplacement de générations, et c’est alors le drame de la Première Guerre mondiale (1914-18) qui s’abat sur une population en crise et en déclin spectaculaire.

La catastrophe de la guerre 1914-18
Les monuments aux morts sont le témoignage poignant de l’hécatombe, presque tous des paysans lauragais. 30 % des jeunes de 18 à 25 ans ne sont pas rentrés. Les survivants reviennent dans nos villages, malades, tuberculeux, gazés, mutilés, traumatisés. Parmi eux la mortalité durant les années 1919-1923 est aussi élevée que durant les combats. Pour illustrer ce propos, allez voir le monument de Salles sur l’Hers. Le Lauragais occitanophone ne se remettra pas de cette saignée tragique. Les vides sont comblés par l’arrivée d’une main d’oeuvre extérieure.

Les Italiens ont sauvé l’agriculture lauragaise 1920-1940
Deux groupes d’immigrés s’installent en Lauragais, les Espagnols et surtout les Italiens. Les Espagnols sont des réfugiés de la guerre civile qui a ravagé l’Espagne de juillet 1936 à mars 1939, 500 000 soldats femmes et enfants passent la frontière, au Perthus. Ils sont arrêtés et enfermés dans des camps de concentration, comme Argelès, les fameux camps de la honte, au Vernet (d’A-riège) où sont placés les éléments militaires et politiques jugés dangereux (20 000) ; à Bram : 15 000 Catalans ont construit des baraquements et vivent dans des conditions moins inhumaines. Beaucoup de ces Espagnols resteront en France, 50 000 à Toulouse, des milliers dispersés dans le Lauragais. Les Italiens sont des dizaines de milliers installés en Gascogne et en Lauragais. Leur rôle économique est décisif pour notre agriculture.



Le Lauragais : une tradition agricole
Crédit photo : Couleur Média


Les premiers arrivés sont des réfugiés politiques fuyant le fascisme de Mussolini, les vagues postérieures sont originaires de la plaine du Pô, de la Vénétie surtout, du Frioul. Ils connaissaient donc la culture du maïs et les travaux exécutés avec les attelages de boeufs. Les Espagnols, dans leur pays, utilisent surtout des mulets. Les Italiens s’intègrent en Lauragais très rapidement, les premiers mariages mixtes sont de 1923. Ils s’installent comme métayers ou maître-valets sur les terres des bordes en grande difficulté : ils ont sauvé l’agriculture lauragaise. Travailleurs acharnés, économes, ils deviendront souvent propriétaires de petites et moyennes exploitations, le plus bel exemple est l’ascension spectaculaire de la famille Spanghero de Payra et de Castelnaudary.

Après 1980, la population s’accroît rapidement pour aboutir à l’explosion actuelle de 2005
La poussée démographique est liée étroitement au développement économique de Toulouse et de ses activités industrielles et commerciales. Les progrès de l’industrie aéronautique en font la capitale européenne de l’aviation civile et les fameux "Caravelle", "Concorde", la famille "Air Bus". En 2005 l’A 380 vole, d’autre types suivent : A 350, A 400 M (transport millitaire). De vastes zones industrielles sont organisées à Blagnac, Colomiers, et en Lauragais : Labège Innopole, Ramonville, Revel, Castelnaudary, Baziège, Ayguesvives.

Deux périodes apparaissent dans ces progrès : de 1965 à 1995, puis de 1995 à 2005 :

1. La vague 1965-1995
Elle concerne surtout les communes proches de Toulouse, Ramonville, Saint Orens, Castanet mais aussi Revel. On observe une adaptation aux moyens de transport suivant les routes et la voie ferrée Toulouse-Castelnaudary. Dans certaines communautés, des initiatives isolées de conseils municipaux dé-terminent des progrès spectaculaires : Escalquens de 500 habitants en 1970 passe à 5 500 en 1999, idem pour Sainte Foy d’Aigrefeuille, à Ayguesvives l’installation de Zodiac, un premier lotissement de 80 pavillons conduisent à l’ouverture d’un collège dès 1971. Les collèges sont un excellent baromètre pour évaluer globalement les progrès démographiques.

2. L’explosion des années 1995-2005
Le mouvement se mue en explosion et intéresse l’ensemble des communes du Lauragais. Les plus petites, les plus isolées (ex. Montbrun) attirent les promoteurs pour acquérir des terrains moins chers. La vague atteint Bram et Belpech, le symbole est la construction de l’Airbus 380 dont tout le monde parle. Autre indice significatif l’aménagement de trois collèges, Saint Pierre de Lages (Lanta) en 2001, le Vernet (Venerque) en 2002, Nailloux en 2004, un autre est prévu dans le canton de Montgiscard, un lycée à Villefranche en 2007. La population récente est jeune, avec deux enfants par ménage, deux salaires, une voiture ou deux, les professions s’insèrent dans le secteur secondaire (ouvriers) et surtout tertiaire (fonctionnaires, employés, commerçants, cadres). Les habitations sont des maisons individuelles, mais aussi des collectifs HLM (logements sociaux), les paysages urbanisés sont de deux types : les anciens villages sans apports nouveaux, sans modification et les villages en expansion où un noyau ancien est entouré de lotissements et de quartiers neufs comme à Baziège, Villefranche, Castelnaudary, Montgiscard. Des recensements complémentaires effectués en 2004 illustrent mon propos : Baziège 3 013 habitants, Montgiscard 2 269, Ayguesvives 2 135, Donneville 1 300.



Le collège de Saint Pierre de Lages
Crédit photo : Couleur Média


Le Lauragais du 21ème siècle naît sous nos yeux. Il reste une très puissante région agricole avec des paysans devenus des techniciens de haut niveau, de véritables agronomes souvent, les énor-mes silos de Baziège, Castelnaudary, Bram en témoignent. Une vie associative nouvelle, sportive, culturelle très active : 45 associations à Baziège, les manifestations se multiplient : la fête du cassoulet à Castelnaudary, le Campestral à Aureville, mais aussi des Médiévales à Baziège (depuis 10 ans) des Historiades à Saint Papoul, un salon du Livre à Montgiscard en 2004, de multiples activités à Revel-Sorèze, un Festival Historique à Nailloux (2005-2006).
Je conserve pour la conclusion de mon article Nailloux, que je connais bien. Longtemps isolé, à l’écart des grands axes routiers et du chemin de fer, Nailloux avait 600 habitants vers 1970-80, un village éteint, moribond, qui assiste à l’écroulement partiel de la splendide voûte gothique de son église du 16ème siècle sans avoir le souci de la reconstruire. L’ouverture de l’autoroute, A 66, Toulouse-Pamiers et un échangeur à quelques centaines de mètres du village provoquent une expansion foudroyante 1 200 habitants en 1999, 1 800 en 2004, 4 000 en 2006 me confient les responsables municipaux. Le plan d’urbanisme est prêt, les nouveaux quartiers dessinés, les terrains vendus. La construction d’un moulin à vent, un spécimen unique à 6 ailes, est le symbole du futur Nailloux, avec un revêtement extérieur original, il sera le Nailloux de 2020, me dit le maire. Cependant, retour au passé, il produira de la farine, de "la Blanche du Lauragais".

Depuis les Volques Tectosages, les Romains, jusqu’au moulin de Nailloux, nous avons parcouru 2000 ans d’histoire. Couleur Lauragais espère vous avoir intéressé. Dernière remarque : j’estime la population globale du Lauragais historique à 140 000 âmes. Enfin je remercie les services des communes d’Ayguesvives, Baziège, Montgiscard, Nailloux de m’avoir efficacement aidé.

Jean ODOL

Bibliographie :
Les ouvrages de Baccrabère, Labrousse, Bourin, Brunet, Maguer, Théron de Montaugé.

Couleur Lauragais n°73 - Juin 2005