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Couleur Lauragais : les journaux

Balade en Lauragais

Hauts lieux de l’histoire du Lauragais

Couleur Lauragais vous présente quelques hauts lieux de l’Histoire du Lauragais, certains étant peu connus, d’autres célèbres. L’Histoire du Lauragais est extraordinairement riche comme l’image de la route romaine de Toulouse-Naurouze-Narbonne qui a été empruntée par des dizaines d’armées ou des milliers de pillards. Notre choix nous a guidés vers une ville gallo-romaine : Badera ; un village cathare: Saint Félix ; un bûcher collectif : Les Cassès ; Fanjeaux et l’illustre Saint Dominique; les bastides (1250-1376), enfin Naurouze. A la fin de l’étude, je vous présente 5 balades de découvertes nouvelles.

Voie romaine entre Baziège et Montgiscard "Les pountils"
au-dessus desquels passaient la voie romaine
Crédit photo : Jean Odol

A Saint-Félix, naissance des évêchés Cathares - 1167
Le Lauragais est la région du Midi de la France où les cathares furent les plus nombreux par rapport au total de la population : 50% selon le grand spécialiste Michel Roquebert ; ailleurs ils sont très minoritaires ; cela explique la densité exceptionnelle des diacres (dignitaires) cathares ; on en observe à Verfeil, Lanta, Caraman, Auriac, Saint Félix, Montmaur, Avignonet, Laurac, Fanjeaux. C’est dans cette zone fortement imprégnée que sont nés les évêchés cathares en 1167, à Saint Félix. Protégés par le vicomte de Carcassonne et tolérés par le comte de Toulouse, des centaines de Parfaits se rassemblent ici, venus de France, d’Italie (Lombardie) sous l’autorité de Niquinta venu de Constantinople ; c’est dire l’importance de ce rassemblement. L’assemblée décide la création de 4 évêchés cathares : ceux d’Agen, Toulouse, Albi, Carcassonne, un cinquième apparaîtra un peu plus tard, en 1226, à Pieusse, près de Limoux ; le procès verbal de cette assemblée est appelé la Charte de Niquinta : c’est l’Acte de naissance du Catharisme occitan, le fondement même de l’Eglise des Bons Chrétiens. L’authenticité de la Charte a été mise en doute par certains historiens mais un colloque très récent (2002) groupant des spécialistes de la science d’histoire des textes a conclu, dans un ouvrage énorme (2003) à l’authenticité de la Charte.
Saint Félix est bien le berceau du Catharisme.

Emplacement du rassemblement cathare de Saint Félix (1167)
Crédit photo : Collection Communauté de Communes Lauragais, Revel et Sorézois

Le bûcher des Cassès - 1211
Un autre lieu historique du Lauragais est le village des Cassès à quelques 10 kilomètres au Sud Est de Saint Félix ; nous avons choisi un épisode tragique ; le bûcher de 1211. Pour lutter contre le catharisme en expansion le pape Innocent III lance une "Croisade contre les Albigeois" en 1209 ; après avoir massacré la population catholique de Béziers, Simon de Montfort fait la conquête de la vicomté de Carcassonne et se rapproche de Toulouse ; pour isoler Toulouse, Simon de Montfort met le siège devant Lavaur (1211). La cité est défendue par 80 chevaliers venus de la région de Carcassonne et la seigneuresse en était dame Guiraude, de la famille des Laurac. Pendant ce siège fameux, des renforts croisés venant d’Allemagne et des Pays Bas sont écrasés à Montgey par l’armée du comte de Foix ; à Auvezines une stèle commémore cette défaite Croisée. Après la chute de Lavaur (3 mai 1211), les Croisés marchent sur le castrum des Cassès ; la forteresse était bâtie au lieu dit actuel "le Fort", à 500 mètres à l’Est du village, sur un rebord de plateau dominant la plaine de Revel. La garnison dépendait du Comte de Toulouse et commandée par les seigneurs de Roqueville, très puissante famille cathare ; le château capitule rapidement et les Croisés s’emparent de 60 Parfaits qui s’y étaient réfugiés. Ils furent immédiatement brûlés "avec une joie immense" (je cite le chroniqueur Pierre des Vaux de Cernay). Le bûcher des Cassès est un épisode brûlant illuminant de ses flammes le massacre de la population occitane.

Les Cassès : le site du bûcher collectif des Cassès allumé par Simon de Montfort (1211)
Crédit photo : Jean Odol

Fanjeaux et Saint Dominique
Fanjeaux est à 10 km au Sud de Bram, sur un site merveilleux ; en direction du Nord, la ville domine le sillon lauragais de Castelnaudary à Bram, au delà la Montagne Noire et Saissac ; vers l’Est se profilent les Corbières, au Sud la chaîne des Pyrénées, vers l’Ouest un immense massif de collines lauragaises. Fanjeaux est à la fois un haut lieu cathare et surtout les venelles du castrum sont animées par les souvenirs de Saint Dominique, curé de Fanjeaux de 1206 à 1214.
Haut lieu cathare : avant 1209 toute la population est cathare avant l’arrivée des Croisés ; de nombreux historiens se sont intéressés à Fanjeaux et leurs travaux paraissent dans une admirable revue : "les Cahiers de Fanjeaux". La noblesse était composée d’une cinquantaine de puissantes familles, toutes hérétiques ; elles ont accueilli le plus célèbre évêque cathare Guilhabert de Castres pendant des années ; c’est à Fanjeaux qu’Esclarmonde, soeur du comte de Foix reçoit le Baptême de l’Esprit ou consolament. Fanjeaux est un des principaux centres cathares du Midi de la France.
C’est pour cette raison que Dominique de Guzman s’installe à Fanjeaux en 1206, pour lutter contre les cathares et prêcher dans un milieu hostile ; le futur saint s’installe dans le castrum pour mener une campagne de prédication dans tout le Lauragais ; en même temps il est recteur du lieu de 1206 à1214 ; des miracles se produisent sous ses pas. Le séjour de Saint Dominique vous sera savamment présenté lors de votre visite à sa maison, au coeur du village ; "la poutre du feu ou du miracle" (dans l’église) est un document témoignage des colloques qui opposent théologiens cathares aux autorités catholiques. Dominique fonde le monastère de Prouille pour des moniales hérétiques revenues au catholicisme ; les Dominicaines sont toujours là pour vous accueillir. Détruit pendant la Révolution de 89 les bâtiments sont reconstruits au 19ème siècle. Les terres dépendant du monastère étaient très vastes, jusqu’à la forêt de Ramondens, avec des milliers d’hectares et 2500 moutons ; Prouille vendait de grosses quantités de blé et de laine (cet "or blanc" du Lauragais) ; il a joué pour cela le rôle de banquier de l’Ordre des Dominicains installés à Toulouse et fourni des capitaux pour l’église gothique incomparable des Jacobins ; Prouille a contribué à la construction du "fameux palmier".


Fanjeaux : Maison Saint Dominique
Crédit photo : Mairie de Fanjeaux

Les bastides ou l’implantation du Roi de France en Lauragais
Après la Croisade royale (de 1226 à 1229) menée par le roi Louis VIII et son succès, le comte de Toulouse Raimon VII doit s’avouer vaincu et signer le désastreux traité de Paris (1229) ; le comte accepte de payer une énorme indemnité puis de marier sa fille Jeanne à un frère de Saint Louis, Alphonse de Poitiers ; à leur mort le comté de Toulouse sera annexé et rattaché au domaine propre du roi (ce qui fut fait en 1271). Le traité de Paris prépare la disparition du comté, cet état puissant qui a dominé le Midi de la France pendant plusieurs siècles. Les conditions militaires étaient très dures ; démolition des remparts de Toulouse, et surtout démolition des forteresses comtales qui protégeaient le Lauragais ; ainsi disparaissent : Fanjeaux, Laurac, Castelnaudary, Labécède, Avignonet, Puylaurens, Auterive, Saverdun, soit 30% du total des destructions ; indirectement on comprend ainsi, par ce chiffre le rôle stratégique fondamental que le Lauragais a joué dans la Croisade.
En 1249, le pouvoir royal s’installe dans nos collines avec Alphonse de Poitiers qui remplace les anciennes forteresses par de nouvelles constructions royales : les bastides ; en même temps il créé une "jugerie royale du Lauragais".
Une bastide est une forteresse nouvelle créée de toutes pièces dans un site vierge, comme une forêt (exemples : Villefranche et Montgeard) ; un plan d’urbanisme est dessiné sur le sol avec des rues rectilignes dessinant un damier, une place avec une halle, des couverts (les garlandes de Revel) ; un lot est réservé à l’église ; un beffroi où siègent les consuls, des fossés, des murailles, des portes ; un four banal, des moulins (les moulins du Roy à Revel). L’emplacement des bastides n’est pas dû au hasard mais Villenouvelle, Villefranche, Labastide d’Anjou, Castelnaudary dominent le seuil de Naurouze et la grande route de la Méditerranée. Les bastides du Lauragais, une quinzaine, dessinent un réseau anormalement dense, une multiplication nulle part comparable ; le roi de France a placé sous haute surveillance le coeur du Midi hérétique.
Revel est la plus typique, la mieux conservée ; fondée en 1342, la ville a su préserver les très beaux bâtiments du centre, la place entourée de garlandes, la halle et le beffroi ; les Moulins du Roy étaient alimentés par les eaux d’une rigole venant de Pont Crouzet où elles étaient prises au Sor ; les eaux de cette même rigole remplissaient les fossés entourant la ville. Le rôle statégique de Revel est évident : contrôler la route Nord-Sud qui, de Castres, atteint Castelnaudary et la grande voie romaine ; mais encore asseoir le pouvoir royal sur une région qui possède un brillant passé cathare avec la puissante famille des Roquefort (voir les ruines de leur château entre les Cammazes et Durfort) ; Revel contrôle ainsi une partie de la Montagne Noire et une zone de collines jusqu’à Puylaurens, Saint Félix et Caraman ; cette situation privilégié explique son essor ultérieur.


Le Beffroi de Revel
Crédit photo : Collection Communauté de Communes Lauragais, Revel et Sorézois

Un symbole puissant : l’Obélisque de Riquet à Naurouze
Naurouse est certainement le lieu historique le plus connu du Lauragais et même de France ; l’obélisque, sur les fameuses "Pierres de Naurouze" est devenu le symbole visuel du Canal de Riquet mais aussi de tout ce qui gravite autour c’est à dire la Rigole, le bief de partage, les richesses archéologiques de Montferrand. Le seuil porte plusieurs appellations, le col, la Porte d’Aquitaine, la Porte de la Méditerranée ; c’est la route obligatoire de Narbonne à Toulouse, utilisée par une multitude d’armées d’invasions ou de pillards ; c’est encore une des routes des pélerins de Saint Jacques et encore : c’est par Naurouze que venant de Narbonne nous est parvenu le christianisme dont témoigne l’église paléochrétienne du 4ème siècle, à Montferrand. Tous ces évènements historiques convergent vers l’Obélisque.
La Rigole, depuis la prise d’Alzeau, après un parcours long de 60 km atteint Naurouze, près de l’ancienne minoterie ; c’est le plus bel exemple du génie de Riquet qui assure ainsi l’alimentation en eau du Canal, car cette Rigole c’est à lui seul qu’on la doit ; de même dans la Montagne Noire la tranchée du Conquet est son oeuvre personnelle. Le canalet débouche ensuite dans le bief de partage alimentant les deux premières écluses aux noms évocateurs, celle de l’Océan et l’écluse de la Méditerranée. Entre Revel et Naurouze, la Rigole a été navigable, au 18ème siècle avec de petits bateaux à fond plat transportant du blé ; pour l’alimentation, ses eaux, abondantes cependant seront insuffisantes pour l’ensemble des besoins du canal car les besoins sont énormes avec l’évaporation, les infiltrations : sur 4 m3 d’eau injectés à Naurouze, 1 seul parvient à Toulouse ! D’autres prises d’eau sont nécessaires sur le Fresquel, l’Orbiel, la Cesse.
A Naurouze il faut découvrir Montferrand, la forteresse qui commande "le pas" vers l’Ouest ; une ville gallo-romaine dort sous les parcelles de tournesol entre le cimetière et la RN 113, une nécropole wisigothique, une église paléochrétienne, des thermes gallo-romains ; au dessus du village, le fort et les restes du château qui fut pris par Simon de Montfort et la trahison de Beaudoin qui trahit son frère ; voir encore le phare de l’Aéropostale de Mermoz et Saint Exupéry ; à Montferrand-Naurouze on revit 2000 ans d’histoire.


L’Obélisque de Naurouze
Crédit photo : Collection Mairie de Montferrand


Voici 5 circuits de balades

Circuit 1 : de Toulouse à Revel par le Nord Lauragais ; de St Orens aller à Lavaur avec de multiples monuments : l’église romane et gothique Saint Alain, la place du Plô avec le bûcher atroce de 1211 et "dame Guiraude", les remparts ; il faut une demi journée pour visiter Lavaur ; puis descendre vers Magrin où l’on admire le musée du pastel ; Puylaurens : très ancienne cité huguenote ; Office du tourisme ; magnifique belvédère sur la Montagne Noire, les Pyrénées, les collines du Lauragais ; terminer à Revel : une bastide, la place et les garlandes.

Circuit 2 :
de Toulouse à Fanjeaux; départ Castanet, Pompertuzat : une église du pastel ; Montgiscard : vue extérieure sur le clocher (16ème) ; Montgeard : église gothique ; Marquein : énorme château du 16ème ; Fajac la Relenque : un château du pastel ; la Piège : région sauvage, ses forêts, "désert" humain ; Payra sur l’Hers : portail roman, château 16ème ; Belflou : château 16ème ; Gaja la Selve : portail roman; Cazalrenoux : célèbre église romane forteresse ; Fanjeaux : vieille cité médiévale : maison de Saint Dominique, monastère des Dominicaines près de la halle (14ème) ; Prouille : monastère fondé par Saint Dominique.

Circuit 3 :
de Revel à Belpech - Mirepoix - Mazères : balade réservée à l’étude des bastides ; à Revel : aller à l’office du Tourisme, sous la halle, la place centrale, la Montagne Noire ; Castelnaudary : la place de Verdun. Descendre vers le Sud : Mirepoix : Office du Tourisme ; une des plus belles bastides du Midi ; Mazères : bastide fondée par le comte de Foix en paréage avec l’abbaye cistercienne de Boulbonne.

Circuit 4 :
De Naurouze à Alzau ; en voiture, à pied ou en VTT. Suivre les bords de la Rigole ; balades splendides jusqu’à Alzeau, 60 km depuis Naurouze ; la Montagne Noire : ses forêts, Ramondens appartenait aux Dominicaines de Prouille ; la tranchée du Conquet près des Cammazes ; la voûte de Vauban.

Circuit 5
: La piste cyclable du Canal, de Ramonville à Port Lauragais. Une nouveauté pour les balades lauragaises, à faire à pied ou en VTT ; commencer à Port Sud (Ramonville) ; voir à Montgiscard : le clocher, le lavoir ancien près de l’écluse ; à Ayguesvives : une borne, près de l’écluse où s’est amarré la barque d’un président des USA en 1787, l’aqueduc de l’Amadou ; à Baziège : le château de Lastours (16ème), la borne milliaire gallo-romaine (dans l’église), la voie romaine (route D 22), le phare de l’Aéropostale, "le cimetière des Anglais" (1814) ; Montesquieu : au Rouquet, un cimetière cathare ; Villefranche : une bastide de 1250 ; Avignonet : église gothique, le clocher, la base du château ; Montferrand : l’église paléochrétienne et son environnement archéologique.

Jean ODOL

Couleur Lauragais n°63 - Juin 2004