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Loulou Castells, plombier-zingueur-ferblantier à Villefranche de Lauragais

Comme souvent dans cette rubrique, nous racontons aujourd’hui une histoire de famille : celle de Louis Castells, sa passion pour son métier de plombier-zingueur-ferblantier, qu’il a exercée pendant de nombreuses années à Villefranche de Lauragais.


Loulou Castells avec ses grands-parents
son grand-père Louis, devant la porte, fondateur de l’entreprise familiale
Crédit photo : Collection Louis Castells

Louis Castells, dit Loulou, est né en 1925 à Villefranche de Lauragais. L’histoire de sa famille couvre trois générations. Son grand-père d’abord avait appris le métier auprès d’un plombier de Castelnaudary avant de venir s’installer à Villefranche de Lauragais pour y créer l’entreprise familiale en 1890. A son retour de la guerre de 1914-1918, le père de Loulou entreprend un tour de France des Compagnons pour pouvoir pren-dre le relais. Il revient s’installer dans l’atelier familial au bout de quelques années.

L’apprentissage pendant la guerre
Au moment de la seconde guerre mondiale, Loulou est encore à l’école. Il a passé son certificat d’étude deux ans plus tôt. Mais la guerre bouleverse tous ses projets. Son père est mobilisé et Loulou et son frère aîné doivent arrêter l’école pour travailler dans l’entreprise familiale. C’est le grand-père qui assure son apprentissage. Loulou se souvient encore du cadeau que lui fait son grand-père au moment de son entrée dans l’entreprise. Il reçoit ce jour là un bleu de travail avec cette entrée en matière : "Ton second bleu sera payé par ta 1ère semaine de travail".
L’arrivée des premiers allemands dans notre région lui a laissé un souvenir particulièrement vif. "Je réparais une pompe dans un puits de huit mètres de fond", se souvient-il, "quand le premier avion allemand vu dans la région est passé à basse altitude". L’ouvrier qui travaillait avec lui, pris de peur, lâcha la corde qui maintenait la pompe. Celle-ci s’est écrasée quelques mètres plus bas en lui cassant le pied.
Les travaux pendant la guerre étaient en fait constitués plus de bricolages et de réparations que de véritables travaux d’installation. L’époque était aux restrictions : le gouvernement avait alors institué un impôt sur les métaux non ferreux destiné à soutenir l’effort de guerre. Un percepteur passait dans chaque foyer pour récupérer ces matières premières et ceux qui ne pouvaient en fournir encouraient une amende. Les professionnels eux-mêmes percevaient un bon délivré par la Préfecture leur permettant de recevoir, en petites quantités, le zinc, le cuivre, le plomb et l’étain nécessaires à leur activité.

L’installation à son compte
En 1950, Loulou reprend l’atelier avec son frère. En 1956, il se marie et se met à son compte avec sa femme en 1962. C’est elle qui s’occupera de l’administratif et du commercial. Son cœur d’activité reste toujours centré sur les trois activités déjà exercées dans l’entreprise familiale. Etre artisan demande, à cette époque, une très grande polyvalence. Loulou assume en effet quatre casquettes : ferblantier, plombier, zingueur et chauffagiste. Toutes ces activités étant saisonnières, elles permettaient de travailler tout au long de l’année : les travaux de ferblanterie en atelier l’hiver, les chantiers de zinguerie chez les clients à partir du printemps. Et impossible de s’ennuyer : Loulou travaillait aussi bien sur le toit des maisons que dans les caves. Il réalisait aussi toutes sortes d’objets en fer blanc : de l’ustensile de cuisine au cercueil en plomb ou en zinc qu’il fallait faire sur mesure.

Ferblantier…
Le ferblantier, explique Loulou, travaille en atelier le métal blanc, c'est-à-dire une feuille de métal qui est plaquée afin d'être protégée de la rouille. La ferblanterie implique de savoir tracer, découper, mettre en forme, riveter et souder le fer-blanc pour concevoir les formes les plus diverses. En fonction de l'usage auquel la feuille de métal sera destinée, elle recevra un placage d'étain, de zinc, ou un alliage de plomb et d'étain. A l’atelier des Castells, ce n’est pas un mais plusieurs usages auxquels on destine le fer-blanc. Il permet d’abord de préparer le matériel utilisé pour l’activité de plomberie et de zinguerie (installations de chauffage, matériaux de recouvrement de toits …). Il sert également de base pour la préparation d’objets les plus variés : seaux, arrosoirs, lessiveuses, girouettes, poëles à sciure, …
Loulou réalise aussi des entonnoirs destinés aux volaillers pour le gavage des canards, des oies ou encore des pigeons. En plongeant des vieux couverts usagés (fourchettes, cuillères, plats en fer …) dans un mélange de plomb et de zinc en fusion, il les remettait à neuf pour une clientèle choisie d’hôtels installés sur toute la région.


Les outils de Loulou Castells
Crédit photo : Collection Louis Castells

Mais une activité, plus que toutes les autres, occupait l’atelier : la fabrication de boîtes de conserve. Loulou se souvient que les jours de marché à Villefranche, on venait dans l’atelier de toute la région et même, pendant la guerre, de plus loin. Les gens arrivaient de bonne heure pour faire leur marché. Ils y achetaient viandes, fruits et légumes qu’ils amenaient à l’atelier. Ils étaient mis en boîte sous leurs yeux, le couvercle soudé sur la conserve en fer blanc. Ils repartaient avec leurs boîtes qu’ils stérilisaient à leur retour chez eux.
Les familles plus proches venaient acheter des boîtes vides. Et lorsqu’elles tuaient le cochon ou les canards gras, elles les remplissaient à la maison puis les ramenaient à l’atelier pour y être soudées. C’était à cette époque, le seul moyen de conserver des aliments et cela suffisait à occuper de longues journées de travail.
Pendant la guerre, ces conserves étaient également envoyées aux prisonniers par leur famille. Loulou se souvient avoir réalisé des boîtes avec des doubles fonds permettant d’y cacher une boussole et une carte, et avoir permis ainsi l’évasion de deux prisonniers.

… Plombier …
L’activité de plomberie a d’abord consisté à installer et réparer les pompes qui servaient à puiser l’eau des puits. Et des pompes, il en existait de toutes sortes : à pistons, à godets, semi-rotatives, centrifuges ou encore à chapelets. L’arrivée de l’eau courante a constitué un gros apport de travail pour les plombiers locaux. Il fallait en effet raccorder tous les foyers aux canalisations générales et installer les compteurs d’eau. Il fallait aussi échanger les installations en cuivre par des tuyaux plus modernes en plomb.


Crédit photo : Couleur Média

Mais, c’est le retour des pieds noirs d’Algérie en 1962, qui a véritablement constitué un tournant dans l’activité de plomberie. Ceux-ci ramenaient en effet avec eux des idées et se donnaient les moyens de les mettre en oeuvre. C’est eux qui ont notamment incité les exploitations agricoles à se doter d’abreuvoirs automatiques ou encore qui ont poussé à la modernisation des installations sanitaires.

… Zingueur
Cette dernière activité s’exerçait directement sur chantier chez le client. Loulou et ses ouvriers participait à la pose de couvertures de tuiles, d’ardoises et effectuait les raccordements en toiture pour l’écoulement des eaux de pluie. Les ardoises étaient en effet nombreuses sur les châteaux de la région ou encore sur les abris des gares (préférées à d’au-tres matériaux car attachées par des crochets et résistant ainsi plus facilement aux trépidations causées par les trains).
Le travail a bien sûr beaucoup évolué au fil des années. La plomberie autrefois, explique Loulou, nécessitait de savoir souder le plomb. Aujourd’hui, tous les raccords sont en plastique collé et un bon bricoleur peut s’improviser plombier, au moins pour les petits travaux généraux.
Loulou et sa femme ont pris leur retraite en 1985 et vivent toujours aujourd’hui dans le village de Villefranche de Lauragais qu’ils n’ont jamais quitté.

 


Crédit photo : Couleur Média

Crédit photo : Couleur Média

Interview :
Pascal RASSAT

 

Couleur Lauragais N°59 - Février 2004