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Couleur Lauragais : les journaux

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Julien Pelissier, tresseur de paillasses

Ancien facteur revélois, Julien Pelissier consacre aujourd’hui une part de son temps libre à confectionner des paillasses, objets réalisés avec des ronces et des pailles tressées entre elles. Il nous explique d’où lui est venu ce passe-temps original.

De l’agriculture aux PTT
Julien Pelissier est né en octobre 1928. Ses parents sont agriculteurs et Julien travaille d’abord sur l’exploitation familiale située près de Couffinal. A l’âge de trente ans, son père tombe malade et Julien ne peut reprendre seul l’exploitation. Il est donc obligé de vendre et de chercher un autre travail. Il passe le concours des PTT en 1958, le réussit et part pour Paris pour une période de deux ans où il est employé dans un centre de tri postal. En 1960, il est muté à Toulouse, puis devient facteur à Revel en 1965. Il restera à ce poste jusqu’à sa retraite en 1989.

Une passion ancienne
En dehors de ses tournées, Julien cultive déjà une passion venue de son enfance. Avant la guerre, son père confectionnait des corbeilles et paniers de tailles diverses, toujours réalisées avec de la paille et des ronces. A l’époque, ces paniers étaient notamment utilisés pour ramasser les œufs ou distribuer le grain aux volailles. Leur fabrication intrigue alors plus Julien qu’elle ne l’intéresse véritablement, mais il observe malgré tout les gestes que lui montre son père.
Ce ne sont que de nombreuses années plus tard, à l’occasion de son retour dans la région revéloise, que lui prend l’envie de renforcer ses liens avec son passé. Il se rappelle alors ces corbeilles et paniers réalisés par son père et décide de s’intéresser plus précisément à leur confection en essayant de retrouver les techniques qu’il avait tant de fois pu observer.


L’alène, outil servant à tresser et lier les pailles

Des premiers essais à l’installation de l’atelier
Les longues heures à observer le travail de son père permettent à Julien de se souvenir de la technique dans ses grandes lignes et il se lance ainsi dans sa première création. Une corbeille à fruits aux formes incertaines constitue son premier chef d’œuvre et surtout un étalon qui permettra de juger de l’évolution de son savoir-faire ; car Julien persévère et, au fur à mesure du temps, améliore son tour de main.
La retraite lui donne également l’occasion de passer plus de temps pour s’adonner à sa passion. Il installe un atelier dans son garage. Il ne prend pas une trop grande place car la réalisation d’une paillasse nécessite en fait bien peu de choses : des ronces, de la paille et un seul outil, une alène, sorte de poinçon qui sert d’ordinaire à percer le cuir mais dont l’utilisation a été détournée pour tresser la paille et les ronces entre elles.

La récolte des pailles et des ronces
Les matières premières, explique Julien, sont la base d’une corbeille réussie : elles doivent donc être choisies avec soin.
La paille est ramassée en plein été au mois de juillet puis mise à sécher durant plusieurs semaines avant de pouvoir être utilisée. Seules les tiges les plus longues et les plus souples doivent être sélectionnées.
La ronce, au contraire, est ramassée durant l’automne et l’hiver, à une époque où la plante n’a pas trop de sève. Elle doit aussi comporter un minimum de nœuds pour pouvoir être utilisée sur toute sa longueur. Les mois de d’octobre à mars sont les plus propices pour récupérer des ronces convenables. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il est de plus en plus difficile de trouver des ronces répondant à ces critères. L’utilisation de désherbants et la destruction des haies durant les vingt dernières années a rendu cette recherche très compliquée. Et la conception d’une simple corbeille à fruits nécessite une matière première abondante : pas moins de 40 à 45 mètres de paille et de ronces !


Ronces au séchage

Un savoir-faire construit avec le temps
De la ronce, Julien ne garde que l’écorce. Il commence donc par la partager en quatre, enlève bien sûr les épines, puis gratte le cœur du bois. Il la met ensuite à tremper une demi heure environ pour lui donner une certaine souplesse qui permettra un travail plus facile.
Julien joint plusieurs morceaux de paille les uns avec les autres et prépare ainsi une sorte de gros boudin de 50 à 60 centimètres de long et de 1 à 2 centimètres de circonférence. Le reste de l’opération nécessite à la fois d’avoir le geste sûr et … énergique : grâce à l’alène, il s’agit en effet de tresser et de lier les pailles tout en les renforçant avec les écorces de ronce. La dernière étape consiste enfin à brûler les morceaux de paille qui sortent de la paillasse pour en faire une corbeille sinon lisse du moins la moins rugueuse possible.Une opération qui permet d’obtenir, avec quelques heures de travail, une corbeille rustique et solide à la fois, qui peut durer des années à la seule condition de ne pas lui faire prendre l’eau au risque de la voir se pourrir.


corbeille en finition

Julien réalise toutes sortes d’objets utilitaires avec cette même technique : de la simple corbeille à fruits à la corbeille à linge en passant par des huches à pain ou des plateaux de formages aux formes variées rondes, ovales ou rectangulaires.

La réalisation de paillasses est un passe-temps que Julien pratique essentiellement l’hiver, le soir dans son atelier. Si vous souhaitez le rencontrer et le voir à l’œuvre, vous pourrez le rencontrer lors de la traditionnelle fête du copeau à Revel.

Interview : Pascal RASSAT
crédit photo: couleur média

Couleur Lauragais N°53 - Juin 2003