


Histoire
Baziège, haut lieu du catharisme en Lauragais 13ème siècle
L’article sur Baziège est dédié à deux personnages historiques auxquels je suis passionnément attaché ; d’une part Aliénor, duchesse d’Aquitaine, reine de France puis d’Angleterre, reine des troubadours ; d’autre part, à Raimon de Miraval, "mon" troubadour toulousain, qui a certainement traversé Baziège de nombreuses fois. La poésie des troubadours flottera ainsi sur ces lignes consacrées par ailleurs à de cruelles batailles, à l’Inquisition et à l’acte de décès du comté de Toulouse (1229).

    Eglise du pastel 14 / 15eme siècle
    clocher mur pignon avec 2 tourelles, 5 baies
    campanaires, façade ouest
     
La 
    richesse historique de Baziège
    Le bourg de Baziège (3000 habitants) a une richesse d’évènements 
    historiques sans égal due aux recherches des historiens qui, depuis 
    9 ans, étudient les péripéties des baziégeois 
    à travers les manifestations des Médiévales. Sous le 
    nom de Badera, la cité gallo-romaine apparaît sur une carte (la 
    Table de Peutinger) du 4ème siècle après J.C ; traversée 
    par la prestigieuse voie romaine (via aquitania) construite par les Romains 
    vers 118 avant J.C, les armées qui allaient de Toulouse à Carcassonne 
    ont emprunté la "Grand Rue" ; la liste est interminable depuis 
    les Francs, les Wisigoths, les Arabes (en 720), les cavaliers des comtes de 
    Toulouse Raimon VI et VII, ceux de Pierre II d’Aragon, les Croisés 
    envahisseurs de Simon de Montfort. Nous avons choisi trois épisodes 
    de cette longue et passionnante histoire.

    Borne militaire gallo-romaine venant
    de la voie romaine d'Aquitaine 
La 
    victoire de Baziège - 1219
    Nous insistons lourdement sur le terme "victoire" car c’est 
    un des rares épisodes guerriers où les armées du comte 
    Raimon VII et du comte de Foix sont vainqueurs (1) des Croisés, qui, 
    eux, sont écrasés et massacrés. La Chanson de la Croisade 
    albigeoise lui consacre 243 vers alexandrins. La bataille s’est déroulée 
    sur les bords de l’Hers vieux, sur un espace découvert où 
    s’affronteront des masses de cavaliers, du côté du lieu 
    dit "les boulbènes", au Sud du village. Un très ancien 
    cadastre d’Ayguesvives de 1489 localise des parcelles de terres labourables 
    et des vignes donc un espace découvert. La date : hiver de 1219, c’est 
    à dire après la mort de Simon de Montfort devant Toulouse en 
    juin 1218 ; la période de la Reconquête occitane commence et 
    les Croisés seront progressivement refoulés hors de l’Occitanie 
    ; vaincu, Amaury de Montfort (fils de Simon) quitte Carcassonne et regagne 
    la France en 1224.
    Les historiens discutent sur les causes de la bataille. 3 thèses sont 
    en présence : une razzia par les Croisés venus de Carcassonne 
    et pillant le Lauragais (blé et moutons) ; ou une expédition 
    de pillage par le comte de Foix, en Lauragais ; ou enfin une ouverture planifiée 
    d’un second front par le comte de Foix ; Amaury était occupé 
    par le siège de Marmande.
    
Tableau 
    des forces en présence
    Les occitans : 
    - l’armée du comte jeune
    (Raimon 7) 
    - les chevaliers Unaud de Lanta
    - l’armée du comte de Foix
    (Raimon Roger)
    - l’armée du comte de Comminges
    - les faydits du Carcassès
    - la milice toulousaine
    - les routiers navarrais
    
Les 
    Croisés :
    - chefs Croisés, vétérans de la Croisade : Foucaud de 
    Berzy, bourreau du Lauragais et Alain de Roucy
    - des seigneurs occitans traîtres : Jean de Lomagne, Sicard de Lautrec, 
    Sicard de Montaut.
    
Une 
    bataille originale
    Les Occitans sont très supérieurs en nombre, aussi les Croisés 
    sont dans l’obligation d’adopter une attitude défensive 
    en s’abritant derrière l’Hers, des chariots, des abattis 
    d’arbres. Dans une première phase, l’attaque occitane utilise 
    la cavalerie légère des "percussores" ou frappeurs 
    ; ces cavaliers sont très rapides et armés de javelots, javelines, 
    frondes, arbalètes. Les résultats de cette attaque nous sont 
    donnés par le chroniqueur Guillaume de Puylaurens : "au début 
    de l’engagement, chargés de fer et encerclés par les piqueurs 
    et les arbalétriers montés sur des chevaux légers, les 
    Croisés souffrirent beaucoup de leurs coups". La deuxième 
    phase est l’attaque de la cavalerie lourde occitane conduite par le 
    futur Raimon VII et mêlée générale : les Croisés 
    sont écrasés. Le troisième épidode est l’intervention 
    des piétons, milice toulousaine et routiers (mercenaires) qui pillent 
    et massacrent les prisonniers ; quelques chefs croisés s’enfuient. 
    La victoire de Baziège marque le début de la reconquête 
    par les Occitans des terres prises par les Croisés.

    Voie romaine 
    entre Baziège et Montgiscard
    "les Pountils" au-dessus desquels
    passaient la voie romaine
La 
    population de Baziège devant l’inquisition
    Le catharisme s’est puissamment développé en Lauragais 
    ; dans ce "coeur de l’Occitanie cathare", les évêchés 
    hérétiques sont nés à Saint Félix en 1167. 
    La Croisade s’est abattue sur nos malheureuses collines avec son cortège 
    de massacres, de bûchers (Lavaur, les Cassès, Labécède), 
    de batailles comme celle de Baziège en 1219. En 1233, l’Inquisition 
    est créée pour rechercher et condamner les suspects de catharisme 
    et les chevaliers lauragais devenus faydits (exilés et proscrits) se 
    sont réfugiés à Montségur.
    
L’enquête 
    de 1245
    En mai 1242 les faydits descendent de Montségur et massacrent un tribunal 
    d’Inquisition à Avignonet (28-29 mai 1242) ; après la 
    chute du château, l’Inquisition enquête pour essayer de 
    connaître les coupables qui ont participé au massacre. Les archives 
    ont conservé les procès-verbaux des interrogatoires de toute 
    la population lauragaise soit 5500 déposants ; c’est avec ce 
    célèbre manuscrit 609 que l’on connaît très 
    bien les cathares lauragais et notamment ceux de Baziège. Pour notre 
    village, il y a 138 dépositions, 299 à Montesquieu, 222 à 
    Avignonet, 93 à Montgiscard, 81 à Fourquevaux, 64 à Renneville 
    ; l’enquête la plus fructueuse eut lieu au Mas Saintes Puelles 
    où l’on compte 401 déposants.
    Les habitants de Baziège avaient déjà été 
    invités à déposer devant les Inquisiteurs assassinés, 
    en 1241 ; ensuite en 1242 le dominicain Guilhaume Pélisson, avec un 
    confrère, était venu à Baziège recueillir l’abjuration 
    d’un jeune Parfait converti, de Saint André de Landelle (alors 
    une paroisse proche des Varennes), donc les Inquisiteurs se sont fortement 
    intéressés aux Baziègeois.

    Voie romaine entre Baziège et Montgiscard
    
Les 
    seigneurs de Baziège sont tous cathares, parfaits et croyants
    Il y avait avant la Croisade un Baziège (c’est son nom) de prénom 
    inconnu, marié à une Saura devenue Parfaite chez elle, comme 
    une Ava, autre dame du lieu, veuve d’un Pierre de Baziège. En 
    Baziège et Saura (Parfaite) avaient deux enfants, Pierre de Baziège 
    et Arnaud ; Pierre épouse Ava (Parfaite) ; de ce mariage naît 
    Pierre de Gardouch (Croyant cathare) qui épouse Mateude (Croyante) 
    ; enfin un autre Pierre de Gardouch est "consolé" (il reçoit 
    le baptême cathare ou consolament). Arnaud de Baziège "consolé" 
    épouse Austorgue qui est "emmurée" (emprisonnée) 
    pour un temps indéterminé le 26 mars 1246 ; Arnaud lui même 
    est "consolé" à sa mort par deux diacres cathares 
    à Avignonet en 1238. Bertrand de Baziège est Croyant ; il épouse 
    Condor Maurand, Croyante et issue de la grande famille cathare des Maurand. 
    Cette alliance montre la grande puissance et richesse des seigneurs de Baziège. 
    Il y avait encore un chevalier,Guillaume de Baziège, à Avignonet, 
    tout aussi Croyant que les autres.
    
Un 
    déposant
    La plupart des déposants n’ont rien vu ou fait, ou peu de chose 
    ; cependant Pierre Mir dit qu’il a vu trois Parfaits à Toulouse 
    dans la maison de Baziège, près de la boucherie et vit là 
    avec eux, Baziège (c’est le nom d’un chevalier), seigneur 
    de Baziège, sa femme Austorgue et Faure de Bagan, mais il n’a 
    pas adoré ni vu adorer (salutation rituelle des cathares) ; il dit 
    cependant qu’il a donné à manger une fois à Alleman 
    de Rouaix, condamné. Les autres déposants disent généralement 
    qu’ils "n’ont pas vu de Parfaits".
    
Les 
    noms de famille perdurent jusqu’en 2003
    Une autre remarque intéressante concerne les noms de famille baziégeois 
    des déposants, on relève beaucoup de noms toujours portés 
    en 2003 par des personnes habitants toujours Baziège ou des villages 
    lauragais; nous avons choisi : Estieu, Jourda, Bernard, Mir, Galtier, Bascoul, 
    Garcias, Imbert, Gros, Rouaix, Lamothe, Huc, Amiel, Bonafous, Gélis, 
    Fournier, Marty, Maury, Sans, Espitalier. Tout cela traduit une remarquable 
    stabilité des noms de famille depuis 800 ans.
    
Le 
    traité de Paris (1229) est préparé à Baziège
    C’est à Baziège que sont signés les préliminaires 
    du traité de Paris en 1229. Ce traité est l’acte de décès 
    du comté de Toulouse ; l’immense et puissant comté, d’Agen 
    au Rhône, l’orgueilleuse et brillante dynastie des Raimon (Raimon 
    IV,V,VI VII) disparaît de l’histoire au profit du roi ; c’est 
    à Baziège que ce drame débute.
    Après le départ d’Amaury de Montfort en 1224, le roi de 
    France est l’héritier de tous ses droits sur le comté 
    de Toulouse ; pour le conquérir le roi Louis VIII déclenche 
    la victorieuse Croisade royale en 1226. En 1228 Raimon VII est vaincu et prêt 
    à accepter les conditions imposées par l’Eglise et le 
    roi surtout lorsque Humbert de Beaujeu ravage systématiquement le territoire 
    autour de la ville de Toulouse, arrachant vignes et arbres fruitiers, saccageant 
    moissons et potagers ; une véritable catastrophe s’abattit sur 
    la cité comtale. L’armée du roi fait alors des offres 
    de paix ; en septembre, le légat du pape auprès de la reine 
    Blanche de Castille, le cardinal de Saint Ange, fait des propositions par 
    l’intermédiaire de Garin, abbé de Grand Selve, abbaye 
    puissante de l’Ordre de Citeaux, située sur la commune de Bouillac, 
    près de Verdun sur Garonne, à l’Ouest de Montauban. Roquebert 
    écrit : "une rencontre préliminaire eut lieu près 
    de Baziège ; le comte accepta ce qui lui fut demandé, à 
    titre préliminaire il doit combattre l’hérésie, 
    se reconnaître vassal du roi de France, mais le comté était 
    sauvé". Pour quelques années seulement.

    Baie géminée style roman façade nord 
    du clocher
    
Par 
    le traité de Paris, le comté disparaît
    Après avoir signé l’accord de principe à Baziège, 
    Raimon VII est convoqué à Paris au printemps 1229 et doit accepter 
    les conditions très dures du traité de Paris. Le comte devait 
    payer des dommages de guerre exorbitants, détruire une trentaine de 
    ses forteresses, accepter la création d’une Université 
    à Toulouse ; sa fille unique, Jeanne, doit épouser un frère 
    du roi, Alphonse de Poitiers et, à leur disparition, le comté 
    tombera dans les mains du roi, ce qui arrivera en 1271.
    A Baziège c’est la disparition du comté de Toulouse qui 
    est préparée.
    Couleur Lauragais vous a présenté trois épisodes de la 
    si riche histoire de Baziège ; dans le prochain numéro, nous 
    vous ferons découvrir des villages inconnus, des pigeonniers, des ponts 
    sur le canal du Midi, vers Montgiscard et Pompertuzat, ou le monument aux 
    morts de Pouze.
Jean 
    ODOL
    Bibliographie :
    Michel Roquebert :"Cathares,
    la terre et les hommes" 2002
    Jean Odol : "Catharisme en Lauragais et bataille de
    Baziège 1219"
    Guillaume de Tudèle : "La Chanson de la Croisade albigeoise", 
    3 tomes
    Crédit photos : Jean ODOL. 
    
Couleur Lauragais N°52 - Mai 2003