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Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

La Croisade contre les Cathares en Lauragais de l’Aude

La Croisade 1209-1229 est destinée à lutter contre l’hérésie cathare. Couleur Lauragais présente dans ce numéro quelques faits intéressants sur tout le Lauragais audois.

Le bûcher des Cassès
Lavaur est prise par Simon de Montfort le 3 mai 1211 ; les chevaliers occitans sont pendus, la seigneuresse, dame Guiraude, jetée dans un puits ; un bûcher collectif brûle 400 Parfaits. Simon de Montfort s’empare ensuite du castrum des Cassès, près de Saint Félix dans lequel s’étaient réfugiés de nombreux cathares, entre 60 et 80. Le château est pris et les Parfaits brûlés. La brutalité de Simon frappe de terreur les populations.

 
 
 
Castelnaudary/Présidial : ancien château à l’origine de la ville, il fut construit pour Catherine de Médicis, Comtesse du Lauragais (1553) (Crédit photo : Mairie de Castelnaudary)
 

A Bram : un oeil pour cabaret 1210
Les atrocités de Bram, au printemps 1210, sont bien connues ; conduits par la comtesse Alix de Montfort, des renforts importants sont parvenus aux Croisés qui occupent à nouveau Alzonne qui s’était soulevé, puis se présentent devant Bram. Situé en plaine, le castrum circulaire ne bénéficie d’aucune protection naturelle, d’où sa faiblesse et la brièveté des combats ; le premier assaut Croisé emporte la place. Parmi les prisonniers il y avait un clerc français qui, à Montréal, avait trahi la cause des Croisés en livrant la ville au seigneur occitan légitime, mais dépossédé (faidit), Aimery. Simon lui fit payer cher sa trahison en le trainant dans la ville attaché à la queue d’un cheval, puis on le pendit.
Simon voulut encore venger la mort atroce de deux chevaliers français qui avaient été faits prisonniers à Puisserguier par Guiraud de Pépieux ; les deux hommes avaient été atrocement torturés à Minerve en leur crevant les yeux, coupé les oreilles, le nez, la lèvre supérieure et en les renvoyant nus à Carcassonne ; Guiraud sera pendu par les soldats du roi en 1240, à Buc. Simon n’a pas oublié cet acte horrible et il prend une centaine de prisonniers occitans de Bram auxquels on creva les yeux et coupa le nez ; l’un d’entre eux conserve un oeil pour guider ses malheureux compagnons mutilés jusqu’à Cabaret, vers les trois châteaux de Lastours qui refusaient toujours de se rendre à la Croisade. Bram est donné en fief à un compagnon de Simon de Montfort, Alain de Roncy ; par ses méthodes brutales, Simon développe une stratégie de la terreur vis à vis de la population du Lauragais.


Stèle discoïdale à Labécède Lauragais (Crédit photo : Jean Odol)

A Castelnaudary, pour des jambons, le comte de Foix perd la bataille
L’année 1211 est une période terrible pour les Occitans ; après le siège et la prise de Lavaur (en mai), le bûcher des Cassès, le premier siège de Toulouse en juin, beaucoup de Croisés ayant terminé leur quarantaine quittent l’armée du Christ et rentrent chez eux. A l’automne, Simon de Montfort connaît une grave crise d’effectifs avec de petites garnisons dispersées à Lavaur, Montferrand, Puylaurens ; le gros des forces est à Carcassonne ; il conserve une faible troupe (une soixantaine de chevaliers) à Castelnaudary. Le Lauragais se soulève en automne 1211 avec Avignonet, les Cassès, Cuq Toulza et même Saverdun. Raimon VI prépare une contre offensive toulousaine pour tenter de rejeter la Croisade hors de semble toutes les forces qu’il peut réunir avec le comte de Comminges, le comte de Foix, l’Agenais tout entier, les Gascons de Gascogne, le vicomte de Béarn, des routiers nombreux (mercenaires). La coalition "couvrait le sol comme des sauterelles" et dans la Chanson de la Croisade Guillaume de Tudèle consacre plus de 300 vers à cet immense rassemblement en marche vers Castelnaudary :
"Là bas, dans Carcassonne, ils iront l’assiéger, par force
Et s’ils peuvent le prendre, l’écorcheront tout vif" (Simon de Montfort).
"Ils disent qu’ils prendront Montréal et Fanjeaux,
Et jusqu’à Montpellier iront en chevauchant" (Guillaume de Tudèle).
Simon de Montfort s’enferme dans le château de Castelnaudary, situé au sommet de la colline du Présidial ; il compte sur l’arrivée de renforts croisés avec lesquels il affrontera les Occitans en rase campagne ; il les écrasera en utilisant la force redoutable et invincible des Croisés : la cavalerie lourde.
Les armées occitanes n’entourèrent pas la forteresse de Castelnaudary par un cordon de troupes continu, car les Croisés conduisaient leurs chevaux boire au Fresquel et cueillaient du raisin dans les vignes voisines. Raimon VI installe son artillerie sur la colline du Pech et un gigantesque trébuchet lançant d’énormes blocs réussit à démolir une tour et à éventrer une salle voûtée. Les renforts croisés arrivent sous la direction de Bouchard de Marly et Alix, épouse de Simon.


Laurac sur sa butte (Crédit photo : Jean Odol)

La défaite des occitans
Deux convois se rejoignent dans la région de Saint Martin Lalande avec du ravitaillement composé "de vin, de froment, de pain cuit et d’avoine, mais aussi des jambons" ; ils se dirigent vers Castelnaudary.
Le comte de Foix et ses cavaliers, depuis le Pech, passent alors à l’attaque en divisant leurs troupes en trois corps avec la cavalerie lourde au centre, la cavalerie légère sur une aile ; sur l’autre, l’infanterie légère composée d’arbalètriers et la totalité des routiers espagnols ; en face la chevalerie de Bouchard de Marly et le convoi. On ne sait pas exactement où le choc eut lieu, sans doute sur les pentes douces qui descendent vers le Fresquel, entre Castelnaudary et St Martin Lalande, pas très loin de Castelnaudary, puisque Simon de Montfort suit, depuis le château, toutes les péripéties de la bataille.
Avec leur grande supériorité numérique, les hommes du comte de Foix Raimon Roger remportent une victoire éphémère sur Bouchard qui recule ; le convoi est pris par les Occitans ; c’est alors le pillage du ravitaillement Croisé, l’infanterie ariégeoise se disperse, les cavaliers mettent pied à terre pour se partager le butin.
C’est ainsi, que pour des jambons, les Occitans perdirent la bataille ; Simon sort du château et prend les Ariégois à revers, Bouchard contre attaque ; pris entre deux cavaleries ennemies, les chevaliers occitans luttent avec apreté et finalement abandonnent le terrain ; les Croisés sont finalement vainqueurs, la contre attaque de Simon est un succès spectaculaire.
Une force aurait pu renverser la situation : l’armée immobile de Raimon VI, demeurée immobile sur le Pech et qui ne participera pas au combat ; retranchés derrière leurs palissades, les Toulousains attendent le résultat de la lutte entre Simon et Raimon Roger ; les autres occitans ne prirent aucune initiative. Castelnaudary préfigure Muret ; les Occitans sont victimes de leurs divisions en armées autonomes commandées par six capitaines différents et sans aucun plan de bataille. Le lendemain Simon quitte le château pour aller à Narbonne lever de nouveaux renforts ; ce départ de Simon fut présenté comme une fuite ; les Toulousains firent courir le bruit de leur victoire et ne quittèrent pas le Pech avant d’avoir la certitude que les Croisés étaient bien à Narbonne...
Les Occitans remporteront une victoire unique, à Baziège en 1219.


Eglise de Fanjeaux (Crédit photo : Mairie de Fanjeaux)

A Labécède, c’est l’armée du roi qui massacre et brûle - 1227
A Labécède, l’armée royale s’empare de la ville fortifiée, massacre toute la population et brûle quelques Parfaits.


Fanjeaux : Maison Saint Dominique (Crédit photo : Mairie de Fanjeaux)

Destruction des forteresses lauragaises - 1229
Le traité de Paris conclut la victoire royale sur le comte de Toulouse Raimon VII ; le comte doit raser ses forteresses ; "seront rasés les murs et comblés les fossés des châteaux et villes suivants", avec 25 noms, dont en Lauragais : Fanjeaux, Laurac, Castelnaudary, Labécède, Avignonet, Puylaurens, Auterive, Saverdun soit 30% ; ce chiffre spectaculaire traduit bien la place éminente du Lauragais dans l’épopée cathare.

De nouvelles forteresses royales : les bastides
C’est surtout par la création des bastides que le pouvoir royal s’implante avec un objectif clairement exprimé : "pour l’exaltation de la Sainte Foy catholique et l’extirpation de l’hérésie" (charte de Roquefixade). Les bastides du Lauragais sont nombreuses ; Labastide Beauvoir, Nailloux, Montgeard, Salles sur l’Hers, Saint Félix, Mazères, Calmont, Mirepoix, Revel, Villefranche, Villenouvelle, Saint Rome, Labastide d’Anjou (1376). Le choix de leur emplacement est révélateur pour le contrôle des axes de circulation ou la domination de zones parfois isolées, comme Nailloux et Salles. Le Lauragais est soigneusement quadrillé.
La Croisade en Lauragais audois est très riche en évènements militaires ; nous avons privilégié la curieuse bataille de Castelnaudary de septembre 1211.


Jean ODOL

Couleur Lauragais N°50 - Mars 2003