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Couleur Lauragais : les journaux

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Georges Fauré, dernier maraîcher à Revel...

Né en 1930, Georges Fauré a commencé à travailler à l’âge de 14 ans sur l’exploitation de son père, un maraîcher revélois. Son exploitation se situait alors à la limite de la ville, entourée par les champs. Ses serres sont aujourd’hui à deux pas du centre, en face de la Poste et de la Caisse d’Epargne. Maraîcher pendant plus de 60 ans, il nous raconte les évolutions progressives de son ancien métier.


Mr et Mme Faure

Maraîcher, un travail au rythme des saisons
Au début du vingtième siècle, notre journée, explique Georges, était organisée en fonction des saisons. L’hiver, l’essentiel du travail consistait à bêcher à la main un hectare de terrain. Au printemps, on repassait pour l’affinage avec le croc, sorte de fourche qui permettait de briser les derniers blocs de terre. On enrichissait alors la terre avec du fumier de cheval que l’on allait chercher chez le marchand de chevaux local, la maison Béteille. Mais, les engrais sont très vite arrivés. Mon père, Germain, en mettait déjà sur les terres et sans doute, comme tous les producteurs à cette époque, plus que de raison. Puis on commençait à semer, planter et arroser pour récolter et vendre au rythme des productions saisonnières.

Des exploitations nombreuses
L’exploitation produisait toute la variété des légumes : salades, oignons, radis, poireaux, … Avant la première guerre mondiale, Revel comptait 27 maraîchers. Germain, le père de Georges, avait commencé à travailler sur l’exploitation familiale en 1900. A l’issue de la seconde guerre mondiale, il n’y avait déjà plus qu’une dizaine de maraîchers et à peine 4 ou 5 dans les années 70. Georges fût le dernier maraîcher en activité de la ville de Revel.

Un métier exigeant
Il faut dire que le métier n’est pas facile. Georges travaille alors 7 jours sur 7 y compris les jours fériés. Les plants nécessitent en effet un soin constant. De plus, les clients n’hésitent pas à venir sonner au portail dès qu’ils ont besoin d’une salade ou d’une botte de radis. On allait avec eux choisir et arracher le produit directement dans la terre garantissant une fraîcheur optimale. Georges et sa femme se souviennent de l’événement que constituait alors l’arrivée des premiers légumes. Les gens faisaient la queue pour obtenir les pommes de terre nouvelles, les premiers radis ou les tomates de la saison.


Georges Faure

Une clientèle locale
95% des ventes étaient ainsi réalisées sur place, directement sur l’exploitation. Les clients venaient parfois depuis Castres ou Toulouse pour trouver les plants ou s’approvisionner en légumes. Le reste des ventes était réalisé le samedi sur le marché de Revel.
Les marchés de maintenant sont folkloriques, note Georges. A l’époque, les clients pouvaient venir chercher la marchandise en voiture : ils repartaient ainsi avec des plateaux entiers de fruits et légumes. Les transactions étaient au final bien plus importantes qu’aujourd’hui : des millions de paquets de radis ont sans doute dû transiter sur les marchés tout au long du XXème siècle à Revel.

L’évolution du métier
Les techniques du travail de maraîcher ont beaucoup évolué. Georges explique, amusé, la technique d’arrosage qu’il utilisait encore au début du siècle : l’arrosage à la pelle. On creusait de grands fossés de 30 centimètres de profondeur qui parcouraient l’exploitation. On y faisait passer l’eau puis on utilisait une pelle pour lancer cette eau sur les plantes. La technique s’est améliorée au fil du temps avec la mise en place de la Noria : un cheval actionne une pompe pour puiser l’eau et lancer l’arrosage. L’animal a ensuite été remplacé par des motopompes à essence avant d’arriver dans les années 50 à l’arrosage intégral avec rampes et, aujourd’hui, aux techniques de goutte à goutte qui permettent tout à la fois des économies d’eau tout en délivrant exactement la quantité dont chaque plante a besoin.
La bêche aurait aussi pu être remplacée. Vers la fin des années 40, note Georges, les motoculteurs existaient mais ne marchaient pas encore très bien et nous préférions continuer à utiliser les bêches à main.
Evolution majeure, le type de graine utilisé. Auparavant, on n’était pas sûr de réussir à prévoir le niveau de sa récolte en fonction de ce que l’on avait semé. Mais, dans les années 70, on a vu appraître les premières graines " calibrées, ébarbées et graduées ". Des graines qui permettent, pour chacune, d’obtenir des légumes à la taille homogène et plus esthétiques. Les radis sont ainsi réguliers en longueur et plus doux au toucher : des détails qui semblent prendre, au fil du temps, une importance de plus en plus grande pour le consommateur. Ces graines, on les plante non plus "à la volée" suivant le geste auguste du semeur mais, progrès oblige, au semoir à rouleau qui permet de paramétrer précisément le nombre de graines semées au mètre.
Les serres répondaient quant à elle à la fois aux envies des clients de manger toute l’année de tout fruits et légumes, et sans doute aussi à un besoin plus mercantile pour les supermarchés de vendre de tout, tout au long de l’année. Elles représentaient également une nécessité pour le maraîcher qui devenait ainsi moins dépendant du caprice des saisons.
Pour finir, les méthodes de culture ont aussi beaucoup progressé : les repiquages se faisaient d’abord par arrachage. On les a ensuite progressivement remplacés, dans les années 75, par plantations en mottes puis en godets dans les années 80. Ces évolutions ont permis de proposer au consommateur un produit de meilleure tenue et de faciliter une meilleure reprise.
Cette évolution a grandement facilité et accéléré le travail du maraîcher. Elle semble aussi s’accompagner, avec le temps, d’un traitement plus réduit des cultures par les engrais et autres pesticides. Ce n’est pas de l’agriculture biologique, mais plutôt une agriculture raisonnée qui tend à trouver un juste milieu entre la santé de la plante et le respect du sol en employant uniquement les doses nécessaires.
Georges regrette surtout le manque de saveur des produits vendus dans les supermarchés. Les plantes sont certes beaucoup plus belles qu’elles ne l’étaient à l’époque mais elle ont un goût bien moins affirmé. La rançon du progrès en quelque sorte …
Le métier de maraîcher ayant presque disparu, le fils de Georges, Jean-Pierre, a pris la suite de son père mais en en convertissant l’activité de l’entreprise dans l’horticulture, beaucoup plus porteuse à l’époque.

Interview : Pascal RASSAT

Crédit photos : Collection Georges Fauré

Couleur Lauragais N°40 - mars 2002