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Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'eau

Evolution ou révolution dans le transport sur le Canal du Midi...?

Comme dans beaucoup d'autres domaines, ce XXème siècle écoulé a vu des changements très importants dans les modes de transport. La mécanisation s'est faite jour aussi bien sur terre, dans les airs, que sur mer et sur l'eau dans les voies navigables. Notre Canal du Midi a bien évidemment suivi cette évolution technologique.


Inauguré en 1681, le Canal de Riquet a vu dès lors, sur ses eaux calmes, naviguer des bateaux de différents modèles. Un bref rappel de ces moyens de transports fluviaux de la fin du XVIIème au XXème siècles.
Rappelons au passage la prouesse technique et la considérable utilité de cette voie d'eau entre Atlantique et Méditerranée. Les quelques routes existantes étaient en mauvais état, le transport par charrette était très limité et lent.

La navigation par halage
Deux types principaux de bateaux en bois, à fond plat d'une trentaine de mètres de long et de 4 à 5 m de large, l'un dérivé de la barque sétoise, sans équipement de mât et voilure. C'est la barque de Canal pour le transport des marchandises ; l'autre la barque de poste équipée d'un carénage supérieur pour abriter les passagers, puisque prévue à cet effet.
Les bateaux naviguaient tirés par des chevaux, le système de halage, 2, 3, 4 animaux étaient nécessaires, en fonction de la charge et du service demandé : lent, rapide, accéléré. Toute une infrastructure vit le jour le long des 240 kms du Canal : relais, écuries, entrepôts, auberges "dînée" et "couchée", et même les chapelles pour les offices religieux.
Les barques transportant les marchandises (120 tonnes environ) : céréales, vins, bois, sel, charbon mettaient 7 à 8 jours pour effectuer le trajet de Toulouse à Cette. Les barques de poste ou " coche d'eau " le faisaient en 4 jours ; les chevaux étaient remplacés tous les dix kilomètres environ.
Ce fonctionnement du transport sur le canal fut concurrencé à l'arrivée du Chemin de Fer et l'établissement de la ligne Bordeaux ­ Marseille en 1858. Et à cette même époque, le coche d'eau arrivait à faire le trajet Toulouse ­ Agde en 32 heures (à la vitesse de 17 km/h), jour et nuit sans arrêts, les passagers étant transbordés au passage des écluses. Mais à l'apogée de la barque de poste en 1860, qui pendant plus de 150 ans avait transporté annuellement plus de 30 000 passagers, le chemin de fer lui ravit tout le trafic de voyageurs. Par contre, le trafic commercial se poursuivit sans discontinuer. Pendant tout le XIXème et la première moitié du XXème siècle, il est assuré au moyen de trois types d'embarcations en bois à fond plat : la barque, la sapine, le coutrillon de 25 à 30 m de long et de 4,30 m à 5,20 m de large. Elles sont entièrement pontées pour la première et les deux autres le sont à la proue et à la poupe, toujours halées par des chevaux ou des mulets. La dernière ayant navigué par ce mode s'appelait "l'Indépendant".
Prélude à la suite ? N'en parlons plus Tournons les pages du passé !

La navigation motorisée
Le premier tiers de notre siècle, vers 1930, a vu progressivement la motorisation de la flotte batelière et le remplacement des coques en bois de bateaux par des coques en acier, ce sont des "automoteurs". On les appelle à présent des péniches, équipées de moteur diesel, de dimensions pratiquement identiques : longues de 30 m, larges de 5,50 m, avec un tirant d'eau à 1,60 m (enfoncement) ; elles peuvent porter jusqu'à 160 tonnes. Ayant conservé ce petit gabarit, en raison de la dimension des écluses spécifiques du Canal du Midi.
Quel changement considérable pour les bateliers ou mariniers ! Ils acquièrent une autonomie qui va transformer, faciliter totalement leur façon de travailler et de vivre.
La modestie de leurs dimensions vaut aux péniches des canaux du Midi un avantage d'ordre humain. A l'opposé de la batellerie industrielle de la navigation fluviale des pays du nord et de l'est, notre batellerie méridionale reste artisanale et familiale. Ces artisans sont en général propriétaires de leur bateau ; exception faite de la "Compagnie Fluviale du Midi" et la "Compagnie Citerna", celle-ci spécialisée dans le transport des hydrocarbures, qui disposaient d'une petite centaine de salariés.
Si cet artisanat constitue une caractéristique essentielle de la batellerie méridionale, l'autre caractéristique, toute aussi importante, paraît être la permanence de la tradition batelière. Sur notre canal, ce métier se transmettait comme un héritage. Un grand nombre de familles de mariniers se sont succédées dans cette profession, pratiquement depuis l'époque de Pierre-Paul Riquet.
C'est une des raisons, ajoutée à la non possibilité d'augmenter le tonnage des marchandises transportées dans ce canal historique, qui explique que la concurrence s'est faite jour avec le transport par le train et par la route, plus rapides et plus souples.
Et cela jusqu'aux années 1960-70 ; vint ensuite un déclin rapide du traffic et du transport fluvial des marchandises pour laisser la place à partir des années 1980 aux bâteaux de tourisme et de plaisance (locations ou privés) navigant sur notre Canal du Midi.
Tout ceci en accord avec les paysages variés et accueillants sous le soleil et la verdure, la traversée de villes prestigieuses et la cordialité des habitants et en y ajoutant l'uvre d'art que représente le travail considérable de Pierre-Paul Riquet.

Jacques Batigne

 

Couleur Lauragais N°29 - février 2001