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Pierre Jousseaume ou l'histoire de la Maison de la Nature

Pierre Jousseaume a créé et gère un formidable outil pédagogique de connaissance de la nature, la Maison de la Nature, installée au rez-de-chaussée de sa maison à Odars. Il a ouvert ses portes à Couleur Lauragais et nous raconte 50 ans de passion bénévole.


Les débuts de la naturalisation

Pierre Jousseaume a travaillé pendant plus de quarante ans comme garde chasse aux Eaux et Forêts. Mais sa grande passion a toujours consisté à récupérer des animaux pour les naturaliser et construire petit à petit une collection de renommée nationale (la Maison de la Nature est d'ailleurs reconnue par l'association des musées de France). Une collection qui s'est construite au fil des ans mais qu'il a commencée très jeune. En effet, vers l'âge de sept ans un de ses professeurs l'initie à la collecte d'insectes et à leur connaissance. A dix ans, sa collection comporte déjà une multitude de petits insectes épinglés dans des boîtes avec une boule de naphtaline pour assurer leur bonne conservation. Il se prend très vite au jeu et élargit sa collection aux oiseaux et autres petits animaux de nos campagnes. Le conservateur du Muséum de Toulouse de l'époque qui est un ami de sa famille accepte de l'accueillir régulièrement pour lui enseigner les secrets des différentes espèces. C'est aussi à cet âge qu'il apprend à naturaliser les animaux, simplement en regardant opérer les professionnels du Muséum. Il naturalise son premier oiseau le 3 septembre 1939 à 17 heures, le jour même de la déclaration de la seconde guerre mondiale ; un souvenir qui reste bien sûr fortement gravé dans sa mémoire.

La collection s'agrandit

Sa collection s'enrichit au fil des ans, toujours avec la collecte d'animaux déjà morts, souhaite-t-il préciser. Les spécimens lui ont été apportés lors de différentes occasions. Ainsi, après le naufrage du pétrolier Amocco Cadiz en Bretagne, on lui amène des oiseaux morts dont les plumes sont maculées de mazout. Il s'occupe de les nettoyer et leur donne une seconde vie en les exposant dans sa collection. Ses autres fournisseurs sont multiples : des oiselleries, des zoos (son seul spécimen d'alligator a été acheté au parc animalier de Sigean), l'élevage de rapaces de Rocamadour, diverses stations ornithologiques des cirques aussi. Pierre Jousseaume a parcouru des dizaines de kilomètres, sur toute la France, pour aller récupérer un spécimen.

Aujourd'hui, sa collection compte plusieurs milliers de spécimens d'espèces différentes : insectes, papillons, essentiellement des animaux de notre région mais aussi certains plus exotiques (alligator, araignées, scorpions, petits singes ). Il a aménagé le rez-de-chaussée de sa maison au seul effet d'accueillir gratuitement toute personne intéressée par sa collection. Les portes sont toujours ouvertes aux amis de la nature, se plaît-il à souligner.
Une collection qu'il a montée sans aucune subventions, en utilisant ses propres deniers, non seulement pour acheter certains animaux morts mais aussi pour payer le matériel d'exposition et faire installer les multiples vitrines qui couvrent les murs de ce lieu unique.

Plus qu'un musée, Pierre a surtout su créer un lieu de vie centré sur la nature ; un outil pédagogique aussi pour faire connaître, aimer et respecter les merveilles de notre environnement. Les visiteurs peuvent observer les collections mais, à la différence d'un musée, ils peuvent aussi ouvrir les vitrines pour caresser un pelage ou vérifier la terrible dentition d'un ours des Pyrénées. Sa collection est depuis plusieurs année agréée par la Direction de la Protection de la Nature, ce qui permet à Pierre de récupérer et de détenir des espèces protégées.

Mais que serait une Maison de la Nature sans un guide disponible et passionné ?

Encore aujourd'hui, Pïerre rencontre beaucoup de plaisir à faire découvrir sa collection aux enfants qui viennent régulièrement chez lui. Il a construit pour cela des scénettes, formidablement écrites, jamais donneuses de leçons, qui permettent de mettre en valeur ses spécimens auprès des plus petits. Son grand plaisir est d'accueillir une classe chahuteuse et indisciplinée et de la tenir en haleine avec ses histoire pendant toute une après-midi. Il faut l'entendre lire ses histoires, en véritable conteur, sachant parfaitement jouer tout à la fois de poésie et de pédagogie, pour faire passer un message toujours entièrement tourné vers la connaissance et le respect du milieu naturel. Preuve de l'affection que lui portent les enfants, il reçoit ensuite de nombreux dessins qui illustrent les histoires qu'il leur a raconté.

De nombreuses anecdotes

Et des histoires, Pierre peut vous en raconter des dizaines.
Car chaque spécimen (oiseau, papillon, izard ou sanglier) a la sienne.
Comme par exemple cet oiseau, un gypaette barbu, qui avait été naturalisé en 1886 spécialement pour l'inauguration de la Tour Eiffel à Paris où se tenait une exposition sur la faune pyrénéenne.
Pour un autre oiseau, Pierre raconte comment il s'était attaqué à une carpe trop grosse pour lui. Le rapace n'avait pu libérer ses serres et avait été entraîné au fond de l'eau. Pierre l'avait récupéré plusieurs heures plus tard et l'oiseau avait ainsi rejoint sa collection.
Pour l'un des ours de sa collection, Pierre raconte qu'il avait été attrapé au dessus de Luchon au début des années 50 alors qu'il n'était qu'un ourson. Le doyen des guides l'avait élevé mais l'animal était mort quelques années plus tard, victime d'une obscure querelle entre humains. Il avait été empoisonné par des habitants jaloux du succès de l'animal.
Mais sa plus émouvante histoire est sans aucun doute celle de ce rapace imposant (près de 80 cm de haut), un Circaete Jean Le Blanc, recueilli quand Pierre avait neuf ans. L'oiseau est blessé, il a une patte cassée. Pierre lui pose une attelle et le soigne. L'oiseau devient alors un véritable animal familier, accompagnant Pierre à l'école et venant s'endormir sur ses genoux quand il fait ses devoirs. Une dizaine d'année plus tard, l'oiseau meurt de sa belle mort. Il a aujourd'hui une place privilégiée dans la collection comme dans le souvenir de Pierre.

Cette passion, il sait d'ailleurs parfaitement la communiquer, même aux publics les plus exigeants. Il y a quelques années, Pierre se souvient ainsi avec émotion de son intervention à un congrés scientifique sur les animaux qui se tenait à la Villette à Paris. Son temps de parole devait initialement se limiter à une heure. Pourtant, à l'issue de son intervention, un vétérinaire qui devait parler à sa suite, s'était levé pour demander qu'on lui laisse son temps de parole.

La Maison de la Nature représente plusieurs milliers d'entrées par an, toutes gratuites, pour le seul plaisir de montrer au public la diversité de la nature. Si vous souhaitez, vous aussi la visiter, Pierre Jousseaume sera ravi de vous accueillir et de vous faire partager la passion de toute sa vie.

Maison de la Nature - ODARS
Tél. : 05 61 81 03 79


(Merci de bien vouloir téléphoner et de prendre rendez-vous avec M. Jousseaume.)

Crédit photos : Jean-Marc Faget

 

Couleur Lauragais N°21 - Avril 2000