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Couleur Lauragais : les journaux

Gens d'ici

"PAUL SIBRA, LE PEINTRE DU LAURAGAIS "

Paul Sibra est sans conteste l'une des grande figures du Lauragais; peintre de la première moitié de ce siècle (1889-1951), il a fortement marqué de son empreinte la vie de notre région. Couleur Lauragais lui rend hommage dans ce numéro.


Paul Sibra est né à Castelnaudary en 1889 dans une famille lauragaise aisée et cultivée qui possédait un important commerce de textiles appelé " les Dames de France ". Un de ses grand-pères était félibre (*). Après des études secondaires à l'école St François de Sales et au collège municipal, il est étudiant en droit et en lettres à Toulouse. Mais, attiré par la peinture, il s'inscrit en 1913 à l'Académie Julian à Paris. C'est là qu'il acquiert sa formation picturale, d'abord dans l'atelier de Jean Paul Laurens puis auprès des deux fils de l'artiste. Dès 1921, il expose aux Artistes Français. De son maître, Paul Sibra retiendra le souci d'un dessin sobre et très soigné et une grande rigueur dans le détail historique. Le tableau " les Bouviers " (1922) traduit cette influence évidente de Jean Paul Laurens sur Paul Sibra. L'ensemble des uvres conçues entre 1922 et 1927 témoignent de sa constance dans l'académisme, la large prépondérance d'une peinture d'histoire et également de nombreux sujets historico-religieux.

Le moulin de Cugarel

En 1920, il effectue son premier voyage en Tunisie dont il rapporte de nombreuses toiles. Puis en 1927, il participe à la création du Collège d'Occitanie où il suit les cours de Prosper Estieu et de l'abbé Salvat. En 1929, il installe définitivement son atelier à Castelnaudary. Il passe l'été à Rhodes, près de Verdun Lauragais, dans la Montagne Noire. Il expose régulièrement à Paris au Salon où il se rend tous les ans. En 1932, il effectue son deuxième voyage en Tunisie, puis part à la découverte de l'Italie et du Nord de la France.

À partir de 1938, il abandonne sa carrière parisienne pour se consacrer à une production plus régionaliste. En 1943, il devient membre de l'Académie des Arts de Toulouse. Entre 1939 et 1946, il produit essentiellement une série inspirée directement de son terroir qu'il nomme " Portraits de villages ". Sa santé précaire ne lui permet plus de se rendre " sur le motif " et il se limite à des paysages autour de Castelnaudary.

Paul Sibra disparaît le 24 mars 1951. Il laisse une oeuvre immense, environ 1500 toiles; des tableaux certes, mais aussi des milliers de dessins traitant de la société paysanne lauragaise de 1920 à 1950. Car Paul Sibra est vraiment " Le peintre du Lauragais " comme en témoigne sa première grande toile : " les Bouviers ". Ce tableau, comme beaucoup d'autres, peut être admiré dans la salle à manger de l'auberge du Bout du Monde, à Verdun Lauragais.

Immergé dans le mouvement félibrige régional, Paul Sibra peint en 1927, " Prosper Estieu à Montségur ", et en 1929, une superbe allégorie synthétique de la région : " le Lauragais ". Ce tableau est l'un des plus célèbres de Paul Sibra. Il décrit une scène de moissons : au premier plan une jeune paysanne
" Le Lauragais "
donne le sein à son enfant ; derrière, des hommes chargent des gerbes de blé. On peut admirer la finesse des têtes des boeufs, de même que la précision dans la représentation : des moissonneurs et leurs grandes faux, des tas de gerbes (gabels), un laboureur avec son araire (ou arnés), la construction du gerbier, des moulins à vent, des bordes, Saint Michel de Castelnaudary et la Montagne Noire. Aucun détail ne lui échappe telle cette couleur bleue qui imprègne le bois de la charrette. Et bien évidemment le Canal du Midi avec une barque en bois au nom évocateur : " Le Lauragais " ! Le tableau est un raccourci symbolique de notre région : un fromental qui vit grâce au Canal, lequel permet un fructueux commerce exportateur de grains.

Parmi les autres oeuvres magistrales de Paul Sibra, nous citerons " Frère François prêchant aux oiseaux " (1926), ainsi que des tableaux de personnalités comme " le cardinal Verdier ", " l'abbé Salvat ", le poète audois " Jean Lebrau ". En 1938, il s'intéresse à un jeune garçon de Montgeard et il peint : " le petit pâtre de Montgeard ", qui met en scène un jeune gardien de cochons. Il représente le paysage autour de Montgeard avec grande précision, et l'on retrouve toujours, aujourd'hui, les bordes du tableau.

Entre 1939 et 1946, il peint de nombreux portraits de villages tels Laurac le Grand, le Mas Saintes Puelles, Lagrasse, Saissac, Montolieu, Saint Amans, Verdun et autour de Castelnaudary le " Grand Bassin ".

Cocottes, pots, poêle et plats à feu

Paul Sibra était aussi écrivain, pianiste, chanteur, poète. Il avait toujours un mot gentil et une conversation adaptée à chacun. Sa simplicité et sa grande culture lui permettaient de passionner ses interlocuteurs.
Paul Sibra est certes un peintre régionaliste mais l'un des plus grands, l'un des plus féconds, l'un des plus attachants. Il est aussi, par ses dessins d'une exceptionnelle précision, une source incontournable pour l'étude de la société paysanne, lauragaise et traditionnelle, de son époque.

Jean ODOL

(*) félibre : membre d'un mouvement culturel et poétique s'appelant le félibrige (2ème moitié du 19ème siècle). Ces écrivains font revivre la langue d'Oc. Le plus célèbre est Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature en 1904.


Couleur Lauragais N°9 - Février 1999