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Couleur Lauragais : les journaux
" Balade du côté de Belpech "

Couleur Lauragais conduit aujourd'hui vos pas vers la région de Belpech et vous donne, comme dans chaque numéro, quelques points de repère historiques qui sont autant d'éléments touristiques à découvrir. Suivez le guide !


Le canton de Belpech compte 12 communes (*). Situé au confluent de la Vixiège et de l'Hers vif, Belpech est le petit centre d'une région historique, l'Agarnaguès. Mais en géographie, le canton fait partie de la Piège, une zone très boisée avec de vastes surfaces en friche, des bois et une grande forêt, celle de Gaja la Selve. La Piège correspond à l'affleurement de couches molassiques renfermant des lentilles de grès, des bancs de calcaire, des lits de poudingues (cailloutis cimentés) donnant des sols très médiocres, secs et pauvres en minéraux. L'utilisation moderne d'engrais artificiels n'arrive ici que très difficilement à surmonter ces handicaps naturels.

Château de Belpech
L'agriculture de la Piège est ainsi demeurée médiocre. Les quelques fonds de vallées fertiles sont cultivés en céréales (essentiellement du blé dur) et tournesol, commercialisés par l'importante coopérative de Belpech. Entre les vallées, les collines sont couvertes de bois et de friches. La Vixiège vient de Fanjeaux-Hounoux et coule au milieu d'une vallée riche, opérant un contraste violent avec des collines désertiques. Et cependant, dans le passé, la Piège a été relativement meilleure qu'aujourd'hui, avec un très important élevage de moutons. C'était le pays de la laine, avec une race spécifique : la lauragaise. Cette qualité économique explique l'implantation, au Moyen-Age, de grandes commanderies de l'Ordre de l'Hôpital Saint Jean de Jérusalem (à Plaigne, au Pécharic et au Py).

Au XIXème siècle, les sols légers portent de belles récoltes d'avoine qui trouvent un débouché commercial vers le vignoble du Narbonnais et du Biterrois, où tous les travaux s'effectuaient avec des chevaux. C'est pour transporter l'avoine que l'on construisit le "petit chemin de fer de la Piège", de Castelnaudary à Belpech. La voie ferrée a disparu durant les années 1930 mais les gares sont toujours là, à Peyrefitte ou à Salles sur l'Hers. La région s'est vidée de ses habitants à partir de 1860 avec un exode massif vers le Bas Languedoc, Toulouse ou Pamiers. La capitale Belpech compte aujourd'hui 1400 habitants.

Le portail roman de Belpech

Belpech possède de nombreux vestiges archéologiques très intéressants : un ancien village fortifié, des maisons à colombage, la maison du cardinal de Curtis, . L'église Saint Saturnin actuelle, qui date du début du XIVème siècle, a remplacé un édifice roman plus ancien. On trouve, à l'intérieur, une belle série de stèles discoïdales. Le joyau est le célèbre portail roman, le plus complet et le plus beau du Lauragais. C'est un "portail toulousain" sans tympan mais avec des voussures multiples, des ressauts correspondant aux ébrasements et des colonnes logées dans les ressauts. Des évocations du Nouveau Testament y sont sculptées : l'Annonciation, des Actes des Apôtres, des vies de saints, comme Saint Pierre, le martyre de Saint Saturnin. Les chapiteaux participent de la même symbolique avec des sirènes-poissons, ou encore deux oiseaux buvant au même vase. Proches également de l'art de Toulouse, des dragons apparaissent sur la dernière archivolte de la baie.

Ceux de Gaja

Gaja est célèbre en histoire médiévale, connue notamment par l'assassinat des inquisiteurs à Avignonet en mai 1242. Venus de Montségur, les chevaliers faydits, dépossédés et exilés, sous la conduite de Pierre Roger de Mirepoix, ont couché dans une force (maison fortifiée) de la forêt de Gaja. Des habitants du castrum (village) renforcent la troupe et participent au massacre. Après cette tragédie, l'église et le Roi s'emparent de Montségur en 1244.

Le clocher de Plaigne

Vue aérienne de Belpech
Au Sud-Est de Belpech, Plaigne, une petite commune, vaut le détour notamment pour découvrir le clocher mur peigne de son église fortifiée. À l'intérieur, un très beau bas-relief gallo-romain en marbre et trois cloches du XVIème siècle. Dans la plaine, une ancienne commanderie d'Hospitaliers. Si l'on continue vers l'est, sur la commune de Lafage, il faut voir la très belle chapelle des Cazazils dans son cadre de verdure, avec un autre clocher peigne. Une autre commanderie d'Hospitaliers se dresse au Py avec des bâtiments imposants et un chrisme sur un linteau.

Le clocher de Molandier

À l'ouest de Belpech, nous découvrons Molandier, modeste village avec une belle église, un clocher pignon triangulaire et ses onze baies campanaires. Molandier est une bastide, c'est-à-dire un village créé de toutes pièces dans une nature vierge, selon un plan d'urbanisme préalable, avec des rues biens droites, une place (importante à Molandier, pour le marché aux moutons) et des murailles. Ces bastides sont nombreuses en Lauragais, une douzaine. Elles permettent au Roi, après annexion du comte de Toulouse, de mieux contrôler les populations de ce Lauragais cathare.

Des moutons de race lauragaise

C'est à Lafage, en 1992, que j'ai rencontré, au beau milieu de la route, un troupeau de moutons de race lauragaise, avec un berger très sympathique qui m'a décrit très longuement cette race spécifique du Lauragais. Aujourd'hui disparue, elle a fusionné avec la race de Lacaune. Il s'agit de moutons sans corne, de grande taille, au fort squelette. Ceux-ci ont peu de viande, peu de lait, et sont très rustiques, à l'instar des chèvres. Ils se nourrissent de ronces et de mauvaises herbes.

La Piège est demeurée une micro région très belle, sauvage, un peu insolite dans ce Lauragais couvert de blé et de tournesol. Que de belles balades à faire du côté de Gaja et, en glissant légèrement vers l'est, allons découvrir la mystérieuse église romane de Cazalrenoux.


Jean ODOL

 

(*) Belpech, Cahuzac, Lafage, Mayreville, Molandier, Pech Luna, Pécharic et le Py, Peyrefitte sur l'Hers, Plaigne, Saint Amans, Saint Sernin et enfin Villautou.

Voussures : arcs élementaires, au-dessus de la porte du portail roman.

Ressaut : partie d'un mur qui fait saillie sur la ligne générale de la maçonnerie.

Ebrasement : dans une fenêtre romane, depuis la nef, l'ouverture vers l'extérieur est plus petite que vers l'intérieur.

Faydits : épithète, signifie dépossédés de leurs biens et exilés ; les seigneurs possédant la terre en Lauragais sont chassés par les Croisés et quittent leurs châteaux : ils sont faydits.


Couleur Lauragais N°12 - Mai 1999