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Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'eau

" Les poissons des berges du Canal "

Qu'il fait bon flâner le long des berges du Canal du Midi. Le week-end, de très nombreux amoureux de la promenade, de la randonnée, passionnés de jogging, de vélo, de VTT, empruntent sa piste cyclable, de Toulouse à Port Lauragais.

Concours de pêche

Ce sont cinquante kilomètres de dépaysement, de charme, de plaisir, de bon air. On y découvre des berges sinueuses, des endroits frais et ombragés, des platanes centenaires, des écluses et des lieux qui gardent jalousement leur secret, comme l'écluse du Sanglier d'Ayguevives ou l' écluse de Négra qui regroupait jadis autour d'elle un véritable petit hameau. Celui-ci se composait d'une chapelle, d'une hostellerie et d'écuries, première halte après Toulouse lors de la descente vers la mer.

Parfois, à un détour, on peut apercevoir une nichée de colverts en bordure d'ajonc, ou entendre le cri de la poule d'eau appelant ses petits. Plus loin, un héron cendré s'envole majestueusement au dessus d'énormes ragondins prenant le soleil. Si l'on cherche bien, on trouve parfois au pied de peupliers morts, quelques "piboulades" qui agrémenteront une bonne omelette.

Le canal, c'est aussi le paradis des poissons et des pêcheurs. Depuis fort longtemps le Canal a attiré les amateurs de la pêche à la ligne, appelés "Les Pescofis". D'une part, parce qu'il était accessible à tous et que les ombrages revêtaient une importance capitale en plein été ; d'autre part, parce que la pêche y était variée et très souvent fructueuse.

Dès les premiers rayons de soleil du mois de février, les amateurs de la pêche à l'ablette se pressent le long des berges. Auparavant, elles se pêchaient au sang ou au carré de lard provenant du cochon qu'ils avaient tué en début d'année. De nos jours, nous utilisons le pain chaillou, le vers de vase ou la pâte de farine de blé.

Brochet

En avril, la chenille verte des feuilles de chêne est un appât très prisé des poissons. Les pêcheurs font alors provision de "vifs", l'ouverture du carnassier n'étant pas loin. Le jour J, le canal se transforme en un véritable concours de pêche, certains avec une canne au vif, au poisson mort, d'autres plus sportifs arpentent le canal entre deux écluses et utilisent le lancer : cuillère rapala, poisson mort manié et même aujourd'hui le twist, sorte de leurre en plastique souple de couleur.

C'est à celui qui attrape le plus beau sandre, le plus long brochet, la plus grosses perche. Vers 9 heures, le casse croûte est de rigueur. Les pêcheurs se réunissent assis sur les berges pour commenter le début de matinée. On sort des sacs, « le cambajou » et la « salcisse » du début d'année, arrosés bien sûr d'un « raspet » de derrière les fagots...L'appétit aidant et le reste aussi, ils se racontent des histoires de pêche, des histoires de monstres plus gros les uns que les autres.

"J'ai été cassé la semaine de Pâques, l'année dernière à Port Lauragais, par un brochet, il faisait plus de 10 kg", dit l'un deux. L'autre de surenchérir : "celui-là pour la fête d'Avignonet, je l'ai tenu plus d'une heure quand un plus gros me l'a attaqué et je les ai décrochés tous les deux". Ah! quelle ouverture...!

Le mois de juin arrive, les anguilles prennent le relais, se munir d'une grosse canne et d'un crin de fort diamètre. L'anguille quand elle se sent prise, s'enroule autour des racines de platanes, très nombreuses dans le canal. Les chaleurs de l'été se font sentir, alors les carpes cuirs, les carpes miroirs, les brèmes bordelières, les gardons et rotengles sortent.

Sandre

Les pêcheurs après avoir amorcé leur coup (tenu secret !) au blé, au maïs de lait, au chénevis, à la fève, à la patate et même au petit pois prennent position, leurs cannes délicatement posées sur des "fourcadelles" (fourches découpées dans les branches d'arbre). Ils attendent impatiemment la première touche. Le bouchon toulousain est sur le pied de guerre. A la fin de la journée, heureux de leur partie de pêche, ils contemplent avec fierté leur bourriche pleine de poissons et comme pour leur donner rendez-vous au lendemain, ils les rejettent délicatement dans les eaux sombres du canal.

Il y a une trentaine d'années, les écrevisses américaines avaient colonisé les eaux et faisaient la joie des enfants et des plus grands. Aujourd'hui, elles ont quasiment disparu et le sandre en est en grande partie responsable ; c'est tant mieux car ces écrevisses avaient rompu la chaine de reproduction de certaines espèces.

Malheureusement pour nous, un autre prédateur a pris leur place et il sera très difficile d'enrayer sa multiplication. Bien que sa chair soit délicate, le poisson chat est l'ennemi des pêcheurs et des poissons, car c'est un carnassier. Attention à ne pas se faire piquer, cela peut provoquer des allergies.

Actuellement, les fédérations de pêche et les sociétés riveraines font de gros efforts pour sauvegarder ce patrimoine piscicole en l'état. Nous pouvons dire que le Canal du Midi est très poissonneux, mais les poissons ont évolué et les techniques de pêche aussi.

Le bonheur restera toujours le même et l'histoire ne changera jamais.

« L'autre jour, à Port Lauragais, j'ai eu un départ, j'ai tenu un monstre........ »

 

Un amoureux du Canal et Passionné de pêche
Avignonet Lauragais


Couleur Lauragais N°10 - mars
1999