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Couleur Lauragais : les journaux

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" Ginette Sibra, gaveuse de canards à Villautou "

Ce mois-ci, Couleur Lauragais s'est rendu chez Ginette Sibra, gaveuse de canards dans le village de Villautou dans l'Aude. A quelques semaines des fêtes de fin d'année, voici un avant-goût de la préparation des produits qui seront largement consommés pendant cette période et qui contribuent à perpétuer une bien agréable tradition.


Ginette Sibra a commencé à gaver à l'âge de 12 ans, après la seconde guerre mondiale. Les foies gras et les confits étaient essentiellement consommés par la famille et les surplus vendus sur les nombreux marchés au gras de la région. A cette époque, ces manifestations étaient en effet bien plus nombreuses qu'aujourd'hui : on comptait au moins un marché par semaine pendant toute la saison.

Foies gras et confits demeuraient cependant des mets d'exception qui ne se consommaient que lors de grandes occasions, pour les fêtes ou pour les grands travaux annuels (les moissons par exemple). « Nous partions tôt le matin pour travailler aux champs, explique Honoré, le mari de Ginette, et nous revenions sur le coup de sept heures pour déjeuner. Le foie gras et les grands pots en grès qui servaient à conserver les morceaux de confits dans la graisse étaient alors mis sur la table et les agapes pouvaient commencer : un déjeuner royal ! ».

En ce temps-là, on gavait avec du maïs sec, que l'on introduisait dans un entonnoir et que l'on poussait ensuite avec un bâton. C'était une méthode assez éprouvante pour le palmipède et il y avait toujours un risque de le blesser.

De nos jours, les techniques de gavage se sont modernisées. On utilise un entonnoir muni d'une moulinette (appelé « rêve », un nom évocateur...) pour faire passer plus facilement le maïs qui a lui-même été préalablement ébouillanté. Le matériel utilisé pour gaver est d'ailleurs l'une des principales différences entre production artisanale et production industrielle. Pour cette dernière, on utilise un appareil à air comprimé qui provoque un gavage intensif en 10 à 12 jours.

Chez Ginette Sibra, l'opération de gavage dure de 15 à 18 jours sur des canards qui ont 13 à 14 semaines. On remplit le jabot de 500 à 800 grammes de maïs deux fois par jour (matin et soir).
« La période de gavage, explique Ginette Sibra, dure chez nous d'octobre à décembre mais pourrait s'étaler, un peu plus tard dans la saison. Par contre, il n'est pas possible de gaver en été car les bêtes supportent mal les grosses chaleurs ».

D'autre part, les oies ont progressivement été écartées au profit des canards, moins fragiles, et qui donnent un produit plus moelleux et plus goûteux.

Aujourd'hui, Betty et Yves, les enfants de Ginette, ont repris la suite et la production s'est modernisée tout en demeurant artisanale. L'exploitation s'équipe actuellement de locaux d'abattage et de mise à niveau aux dernières normes européennes qui garantissent ainsi une hygiène parfaite durant toute la période de préparation des produits. Chaque saison, ce sont près de 600 canards qui sont gavés. L'exploitation s'est spécialisée dans le gavage. Elle confie l'élevage à une entreprise capable de proposer des canards de belle qualité, vaccinés et livrés dès le démarrage de la saison. En fin de chaîne, les produits sont stérilisés, emballés par une conserverie et fournis prêts à la commercialisation.

Les marchés au gras sont désormais moins nombreux : une dizaine seulement sur la région avec un calendrier qui rythme la production. Mais le bouche-à-oreille fait le reste et les exploitations artisanales comme celle de la famille Sibra ont encore de beaux jours devant elles.


Jean-Marc FAGET
Pascal RASSAT

 

Couleur Lauragais N°7 - Novembre 1998