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Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

" Les Cathares en Lauragais "

Couleur Lauragais aborde aujourd'hui la première partie d'un sujet bien mystérieux et qui a profondément marqué l'histoire lauragaise : le catharisme.

Le catharisme, ce sont des hommes et des femmes qui suivent une religion originale et différente de la religion catholique, qui s'appellent Croyants, Parfaits et Parfaites, Bons Hommes et Bonnes Femmes. Une nouvelle religion qui a conduit l'Église romaine et la papauté, à déclencher une Croisade contre d'autres chrétiens (1209 - 1229). Le Lauragais est ravagé par cette guerre interminable et impitoyable. La plupart des Parfaits disparaissent dans les flammes des bûchers collectifs comme ceux de Labécède, des Cassés ou de Lavaur. Le puissant comté de Toulouse disparaît également dans la tourmente et la prestigieuse lignée des Raimon de Toulouse s'éteint en 1271. Le chant des troubadours ne s'élève plus au dessus des tours du château de Raimon de Miraval. La belle Loba de Pennautier n'apparaît plus en haut des remparts de Cabaret ; la chape de plomb de l'Inquisition écrase le Pays des Mille collines.

Mais l'aventure cathare avait duré quatre siècles : elle mérite d'être contée, car les Cathares sont toujours parmi nous ou plutôt leurs descendants. L'imprégnation cathare du Lauragais a été tellement profonde que tous les bourgs et villages qui existaient en 1209 ont un passé cathare, partout des Croyants ont caché des Parfaits recherchés par l'Inquisition. Dans les villages, des diacres nombreux ont administré les adeptes de la religion persécutée, les châteaux ont servi de refuge aux fugitifs, des dizaines de maisons communautaires s'élevaient dans les castra, enfin sur les 5 cimetières cathares attestés par des documents, quatre sont en Lauragais.

UNE SOURCE DOCUMENTAIRE EXCEPTIONNELLE

Stèle discoïdale (certains historiens la disent cathare)

Les documents matériels sont d'une extrême pauvreté ; une stèle dressée à Montgey - Auvezines témoigne, seule, de la Croisade. Il reste cependant un document écrit exceptionnel : le « Manuscrit 609 » déposé aux Archives Municipales de Toulouse. Après le massacre des Inquisiteurs à Avignonet en 1242, une enquête est lancée pour connaître et démasquer les auteurs de la tragédie. Toute la population du Lauragais est interrogée ; et les procès verbaux des interrogatoires (plus de 5500) sont conservés et permettent, aujourd'hui encore, une étude très fine du catharisme.

UNE RELIGION EUROPEENNE

Le catharisme apparaît en Bulgarie vers 950 après J.C. avec un ouvrage anti-cathare de Cosmas le prêtre. Il gagne tous les Balkans et notamment la Dalmatie. En Bosnie (autour de Sarajevo) il est religion d'État, unique et officielle pendant deux siècles, et ne disparaît que vers 1460 lors de la conquête par les Turcs musulmans qui imposent l'Islam.

L'Italie est l'autre grand foyer du catharisme, avec six évêchés cathares la plupart au Nord dans la plaine du Pô vers Bergame, Vicence, Trevise et Sirmione. La religion a perduré ici plus longtemps qu'en France et beaucoup de Cathares du Lauragais se sont réfugiés en Lombardie et en Catalogne. Les pays rhénans, la Flandre, la Picardie surtout la Champagne et la Bourgogne (Mont Aimé) sont également atteints par l'hérésie - le premier bûcher est à Orléans en 1022 - et parmi les chanoines brûlés figurait le propre confesseur de la reine de France, Constance, épouse de Robert le Pieux.

Mais le pays cathare, par excellence, c'est la France du midi. Un pays qui peut être grossièrement délimité par plusieurs points : Agen, Cahors, Montpellier, Les Corbières, Foix, Toulouse (pas de cathares, par contre, sur la rive gauche de la Garonne). C'est cependant le quadrilatère « Toulouse , Albi, Carcassonne, Foix » qui est le plus pénétré avec un coeur qui bat dans le Lauragais où environ 50% de la population est hérétique (sources de Michel Roquebert). Dans chaque localité de la région de Lanta (Caraman, Auriac, Vauré, Les Cassés, Montmaur, Saint Félix, Avignonet) régnait un diacre, dignitaire collaborateur direct de l'évêque cathare.

UNE RELIGION CHRÉTIENNE

Le catharisme est une religion fondamentalement hostile au catholicisme, à l'Église romaine, aux évêques et au Pape. Ils l'accusent d'avoir trahi l'idéal
de Jésus fait de pauvreté, d'humilité et d'amour de son prochain. Ils dénoncent le luxe dans lequel vivent la plupart des évêques sans vocation, les richesses immenses des évêchés et des monastères (l'abbaye de Fontfroide, possédait 20 000 hectares de terres et 20 000 moutons, Boulbonne disposait de 10 000 hectares), la vie indigne de certains prêtres. Il est certain que l'Église catholique traverse une crise morale qui dure depuis plusieurs siècles et cela malgré les tentatives de réformes (par exemple comme la réforme Grégorienne dans la deuxième moitié du XIème siècle).

Château du 13° siècle - Saint Félix Lauragais
(crédit photo : office du tourisme St Félix)

Le catharisme est un christianisme primitif, un essai de retour à la pureté de l'Évangile qui rejette tout ce qu'apporte le Concile de Nice (325) et les Pères de l'Église (3/5ème siècles) .
Un seul livre est sacré : l'Évangile selon St Jean et les Cathares croient en deux principes créateurs : un Dieu Bon / un Dieu Mauvais, la lumière et les ténèbres, avec une égale puissance créatrice.

Le Dieu Mauvais (le diable chez les catholiques) est créateur de tout ce qui est matériel, surtout le monde dans lequel nous vivons : l'Enfer est sur la terre et non dans l'au-delà. Le Dieu infiniment bon est créateur de tout ce qui est spirituel : l'esprit, le monde de l'au-delà après la mort, croyance qui explique le nombre de Cathares volontaires pour le bûcher. C'est une religion d'une très haute spiritualité, comparable aux autres religions universelles comme l'Islam ou l'Hindouisme.

Les rites y sont très simples :

- un seul baptême : le « consolament »,
- l'« aparalhament » , sorte de confession publique qui se déroulait tous les mois,
- le « melhorer », sorte de salutation, génuflexion que le croyant Cathare fait devant un Parfait.

Les Cathares se divisaient en deux parties, les Parfaits (ceux qui ont reçu le Consolament) et les Croyants qui mènent une vie comme le commun peuple. Les Parfaits avaient une vie très austère qui ressemble d'ailleurs beaucoup à celle des moines (ordre des Cisterciens ou des Dominicains). Ils ne jurent pas, ne mentent pas, refusent le serment et la justice des seigneurs et du Roi ; ils vivent dans une rigoureuse continence et sont végétariens.

Cette religion très austère s'est puissamment installée dans le Lauragais. Nous vous présenterons, dans les prochains numéros de Couleur Lauragais, quelques faits importants relatifs à la Croisade, au bûcher des Cassés, aux batailles de Castelnaudary et de Baziège et nous vous ferons également visiter Montségur.


Jean ODOL

Couleur Lauragais N°6 - Octobre 1998