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Couleur Lauragais : les journaux

" Balade en Lantarès "

Le Lantarès s'étend autour de Lanta, ce sont neuf communes autour du chef lieu de canton (*).

Les paysages naturels sont des collines qui s'étirent en longues lanières orientées comme les principales rivières (la Marcaissonne, la Saune, la Seillonne, le Girou).
Lanta, Place des Quinquiris
Ces collines molassiques donnent partout des sols exceptionnellement fertiles, les boulbènes et surtout les terreforts. C'est une des régions les plus fertiles du Lauragais sur la terre de laquelle a été cultivé le pastel aux 15ème et 16ème siècles. Si le pastel a disparu, les conséquences de l'accumulation des fortunes pastelières sont toujours bien visibles dans le paysage avec la multiplication des châteaux et des églises élevés à cette époque bénie (exactement entre 1460 et 1562). Ainsi, lorsqu'on aperçoit sur une église des cloches du 15ème-16ème, on peut être sûr d'être en présence de documents traduisant la culture du pastel (comme par exemple à St Pierre de Lages où l'église possède trois cloches des 15-16ème ou encore comme à Tarabel où l'une des cloches est datée de 1559). Autre activité aujourd'hui disparue, la production de la soie avec la culture de très nombreux mûriers : des allées complètes de ces arbres sont encore visibles dans beaucoup de communes du Lauragais.

Ce Lantarès est le pays cathare par excellence avec une imprégnation hérétique précoce comme en témoigne la venue de St Bernard à Verfeil en 1147. Le grand St Bernard qui a créé l'Ordre de Citeaux et prêché la seconde croisade, est alors incapable de se faire entendre dans l'église de ce castrum, tellement le vacarme est grand. Le Saint se retire en maudissant Verfeil et gagne un autre Bourg où au contraire l'accueil est enthousiaste et qui prendra le nom de St Bernard. Toute la noblesse était en effet cathare et notamment la puissante famille des seigneurs du Lantarès : les Hunaud de Lanta. Les femmes de cette famille sont demeurées célèbres : Marquésia (née à Fourquevaux) avait épousé un Hunaud. Sa fille Corba s'unit avec Raimon de Pereille (seigneur de Montségur, capitale spirituelle du catharisme) et sa petite fille est la bien-connue Esclarmonde. Ces trois femmes, trois générations au destin tragique, monteront ensemble sur le bûcher du 16 mars 1244 à Montségur.

Autre trait historique intéressant pour cette région : la bataille du Pujol en 1213 sur la commune de Sainte Foy d'Aigrefeuille. Durant la Croisade contre les cathares, Simon de Montfort s'attaque directement aux places fortes du Comte de Toulouse Raimon VI. Il s'empare du Pujol (à 15 km de Toulouse) et y laisse une garnison. Raimon VI réagit rapidement, reprend le château et fait prisonniers les trois chevaliers normands que Montfort y avait installé (ces trois hommes seront exécutés à Toulouse).

Eglise de St Anatoly
Le Lantarès apparaît dans la grande histoire politique de la région de Toulouse en 1799. Avec Caraman, Lanta est un des principaux foyers d'une insurrection royaliste antirépublicaine (août / septembre 1799). Une insurrection massive, violente, qui a failli prendre Toulouse et dont le succès aurait pu avoir des conséquences pour toute la France. Les insurgés royalistes étaient très nombreux, peut être quarante mille, mais très mal armés, avec un seul canon, pris d'ailleurs aux républicains vers Lanta. Après des succès initiaux comme les prises de Lanta et de Caraman, Nailloux, Calmont, Montesquieu et Montgiscard tombent à leur tour. Les royalistes doivent finalement battre en retraite devant les troupes républicaines venant d'Albi, de Lavaur, de Castelnaudary et de l'Ariège et leur armée improvisée est contrainte de se replier en direction de l'Espagne par le Val d'Aran. Elle est écrasée dans le sang à Montréjeau (on estime le nombre de morts à 2000 et certains historiens avancent même le chiffre de 4 000 victimes).

Outre ce riche passé, les monuments dignes d'intérêt sont également très nombreux mais discrets. Comme par exemple ces châteaux qui se cachent derrière des parcs plantés de chênes verts. Il existe en fait deux grandes familles de châteaux : ceux du pastel et ceux du froment (18-19ème siècles). La période du froment, comme celle du pastel, a permis au pays de s'enrichir, richesse qui reposait sur la vente du blé transporté grâce au Canal du Midi. Le blé de Lanta était embarqué à Toulouse mais passait aussi par Caraman et Villefranche jusqu'au port de Gardouch. Les églises du Lantarès sont toutes en briques et de style gothique (à voir surtout l'église énorme du Bourg St Bernard, le clocher si original de Lanta et la très belle chapelle restaurée de St-Sernin de Sanissac, commune de Lanta).

Village de Lanta
(crédit photo : Mairie de Lanta)

Façade de l'église de Lanta
(crédit photo : Mairie de Lanta)

 

Le Lantarès est une micro région charmante, faite de douceur dans les paysages, de discrétion dans la richesse de son passé, mais aussi dans cette époque contemporaine. Une solide architecture religieuse impose une visite de toutes les églises et chapelles, témoignages d'une foi profonde se concrétisant par des monuments particulièrement nombreux même si plusieurs chapelles ont disparu (voir la carte de Cassini). Les églises actuelles tirent un charme incomparable de la couleur et de la douceur de la brique. Les villages, quant à eux, rappellent souvent le charme incomparable des rues du vieux Toulouse.

(*) Au Sud, Tarabel (qui a fusionné en 1847 avec Bugnac), Préserville, Sainte Foy d'Aigrefeuille (résultat de la fusion en 1832 de Sainte Foy, St Martin de Ronsac et le Pujol), Lauzerville, Aurin, Aigrefeuille, St Pierre de Lages, Vallesvilles (fusion avec le Pujolet en 1847) et Bourg St Bernard à proximité de la vallée du Girou.

Jean ODOL

Couleur Lauragais N°6 - Octobre 1998