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Couleur Lauragais : les journaux

Reportage

" Après la naissance du pays de lauragais. "

Le village de Laurac a donné son nom au Lauragais dont la définition est, sans équivoque possible, la suivante : "le pays de Laurac". Le toponyme Laurac est le dérivé d'un nom de personne Laurus, propriétaire d'un grand domaine à l'époque gallo-romaine. Laurus a donné son nom à Laurac et Laurac a produit Lauracum, puis Lauraguès (en occitan) enfin Lauragais (en français).


Le castrum de Blanche :

Laurac aujourd'hui est un tout petit village (une centaine d'habitants), qui a conservé fièrement sa vieille appellation : Laurac le Grand. Le village était bien sûr beaucoup plus important aux 11-13ème siècles. On vient de découvrir, autour du site actuel, trois mottes féodales (des buttes artificielles) portant des restes de murailles qui étaient donc habitées. Mais surtout Laurac était le lieu où s'élevait le château de la puissante famille des Laurac, de Sicard et de la célèbre Blanche, mère de Guiraude, seigneuresse de Lavaur et martyrisée en 1211. Ces Laurac dominaient par leur richesse et leurs terres tout le Lauragais oriental et leur influence allait jusqu'aux portes de Toulouse. Ce sont eux, par exemple, qui percevaient des taxes sur le grand marché au sel de Baziège (11-13ème siècles), au bord de la voie romaine d'Aquitaine.

Les limites :

Les limites du Comté, créées en 1477 par Louis XI, sont jalonnées par les bourgades ou villes suivantes : Castanet, Venerque, Auterive, Cintegabelle, Calmont, Belpech, Plavilla, Orsans, Fanjeaux, Bram, la vallée de Lampy (avec Cenne-Monestiès), les Cammazes, Durfort, Saint Amancet, Puylaurens, Cuq Toulza, Verfeil. Le Pays est de dimensions moyennes mais toujours fortement peuplé. Ainsi au 13ème siècle on comptait 273 églises ou chapelles ; vers 1860, Saint Papoul comptait 1 350 habitants, Belpech 2 500, Saint Michel de Lanes 1 008, Salles sur l'Hers 1212.


Un dialecte original :

L'identité du Lauragais éclate d'abord dans sa langue : l'occitan mais ici plus précisément, le languedocien, parlé depuis Agen jusqu'au Rhône, avec un accent caractéristique. Il comporte un certain nombre de traits grammaticaux spécifiques, et dans la toponymie des formes originales, avec la particule « en » (par exemple : 'en Cassan' ou 'en Borrel' qui sont des noms d'écluses sur le Canal). La langue française est introduite tardivement avec la croisade contre les cathares (1209-1229). Ce sont les chefs croisés, puis les officiers du roi (Saint Louis) qui ont introduit le français après 1229 et surtout 1271 (rattachement du comté de Toulouse au domaine royal), la langue du roi.

Champs de blé

Un pays de cocagne :

L'originalité du Lauragais réside dans sa richesse agricole légendaire, un pays de cocagne où toutes les plantes poussent et donnent des rendements records. Trois plantes mythiques résument cette opulence : le froment, le maïs et le pastel.

C'est le pays du blé, du froment, céréale noble parmi les nobles, qui donne le pain blanc prestigieux.
C'est le pays du maïs, venu d'Amérique, qui est coté pour la première fois au marché de Castelnaudary vers 1640. La farine de maïs est une source d'alimentation pour l'homme (pain de maïs et surtout millas) mais c'est aussi la base del'élevage des volailles, des porcs, de l'engraissement des bovins et des moutons. L'énorme coopérative agricole de Castelnaudary continue de nos jours cette très vieille activité lauragaise.

Champ de pastel

C'était, et c'est toujours, le pays du Pastel. Le principe chimique contenu dans les feuilles a teint en bleu tous les draps de laine de l'Europe aux 15ème et 16ème siècles. Des fortunes colossales issues du pastel, les églises du pastel, les hôtels toulousains comme ceux d'Assézat et de Bernuy.
De nos jours, en 1998, c'est surtout le pays des tournesols. L'agriculture demeure en effet la principale activité économique avec deux plantes omniprésentes dans les paysages (le blé et le tournesol), plus quelques plantes à huile (colza, petits pois) ou très spéciales : asperges, melons, artichauts ou portes graines.


Le pays des cathares :

Entre l'an 1000 et 1329, le Lauragais, c'est aussi le pays des cathares. C'est ici que les croyants et les Parfaits furent les plus nombreux et sans doute égaux en nombre aux catholiques. Les évêchés hérétiques sont nés à Saint Félix en 1167. C'est le pays des bûchers durant la croisade (Lavaur, Les Cassès, Labécède), des massacres (Bram, Montgey, Baziège, Labécède), des batailles sanglantes (Castelnaudary, Baziège), des sièges innombrables de châteaux. Enfin, c'est le lieu de massacre des inquisiteurs à Avignonet en 1242.

 

Le pays des bastides aux 13ème et 14ème siècles :

Une bastide est un village neuf créé par le roi de France. C'est grâce à Villefranche, Villenouvelle, Saint Rome, Revel, Saint Félix, Labastide d'Anjou, Nailloux, Calmont que le roi fait une conquête pacifique du Lauragais jusque-là hérétique. Les plus belles de ces constructions nouvelles sont certainement Revel, Saint Félix, Villefranche, Nailloux et Montgeard. Mais qui connaît Ribouisse et Lignairolles ?

 

Une forteresse catholique et royaliste sous la révolution (1799)

En 1799, une violente et massive insurrection royaliste a soulevé le Lauragais contre la République. Des milliers de paysans s'emparent de Lanta et de Caraman, de Nailloux et de Calmont, menacent Toulouse. Ils sont écrasés à Montréjeau mais le bilan est lourd : 4000 victimes !
Pour conclure cette « dérive » historique, ajoutons que le Lauragais possède une riche architecture romane (Baraigne, Saint Christol, Saint Pierre d'Alzonne, Saint Pierre de Venerque). Des sculptures romanes souvent ignorées comme le portail de Belberaud, celui splendide de Belpech, les chapiteaux et les têtes du Maître de Cabestany à Saint Papoul, de très belles églises gothiques : Castelnaudary, Fanjeaux, Avignonet, Villefranche. C'est le pays des moulins fariniers et des pigeonniers (qui connaît le Bouissou à Cintegabelle ?). Nous possédons quelques très beaux châteaux du 16ème siècle comme Marquein, Baraigne, Montmaur, Espanès, Ferrals, Mourvilles Basses ou Bram. Et le donjon mystérieux de Salles sur l'Hers, et celui d'Auriac sur Vendinelle, et Notre Dame Noumérens ?

Ami lecteur, je vous conduirai, une nuit de pleine lune, dans les ruelles de Saint Félix, sur les pas des parfaits qui, en 1167, ont fondé les évêchés cathares d'occitanie. Je vous guiderai dans une abbaye de l'Ordre de Citeaux (Villelongue) ou dans les sombres salles d'un château du Pastel (Baraigne). Peut-être préférez-vous une balade en barque sur le Canal du Midi, ce site unique devenu Patrimoine mondial de l'Humanité, ou une promenade dans les forêts de la prise d'Alzeau ou vers la tranchée du Conquet ?

Le Lauragais inconnu ? quel roman !
Et si je vous conduisais sur les pas d'un troubadour du 13ème siècle à Fanjeaux (Guilhem de Durfort), ou encore à la Commanderie de St Félix pour écouter la musique catalane de Déodat de Séverac. Venez aussi goûter notre gastronomie locale : cassoulets, cèpes de la Montagne Noire, pigeonneaux et gauloises blanches ?

Grâce à Couleur Lauragais, vous en saurez un peu plus sur votre nouveau pays : le Lauragais.

Jean ODOL


Couleur Lauragais N°5 - Septembre 1998