accueil
Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'eau

" Nostre RIQUET "

C'est un 29 juin, jour de fête de la Saint-Pierre et Saint-Paul, que Riquet naît à Béziers en 1609. Cette date est attestée par son acte de décès retrouvé à Toulouse (sur les registres de la paroisse Saint-Étienne), où il est écrit qu'il mourut le 1er octobre 1680, à l'âge de 71 ans, et fut enterré dans la nef de la cathédrale Saint-Étienne. Certains historiens avancent l'année 1604 mais rien ne peut confirmer cela, son acte de naissance étant resté introuvable à ce jour.


Pierre-Paul est le fils de Guillaume, notaire à Béziers, personnage important, habile financier et brasseur d'affaires Ce dernier a profité de son rang de notable dans la société biterroise pour « trafiquer » dans les finances, ce qui l'amènera à une condamnation de trois ans de prison pour faux et détournements en 1622. Sa fortune devait néanmoins être considérable au moment de sa mort en 1626.

Son fils, notre Pierre-Paul, a été à bonne école pour l'esprit d'entreprise et pour l'audace, car il avait de qui tenir ! Il fait d'abord ses études au collège des Jésuites où il montra surtout une grande application pour les sciences. Son père, en sa qualité de conseiller à la Cour Royale du Sénéchal, aurait voulu en faire un homme de robe. Pierre-Paul avouera qu'il n'était pas attiré par le grec ou le latin, mais plutôt par les mathématiques et les sciences. Ses études terminées, il entre dans l'administration des « gabelles » (impôt royal sur le sel). Sous-fermier en 1651, fermier général en 1660 pour la province du Languedoc-Roussillon et de la Cerdagne, il est également le fournisseur de l'intendance des armées du Roi, qui font la guerre en Roussillon contre l'Espagne. Il gagne beaucoup d'argent, qui vient s'ajouter à sa fortune personnelle, issue de l'héritage de son père et de la dot de sa femme Catherine de Milhau.

De par sa charge, il est amené à se déplacer constamment à travers cette grande province pour procéder au recouvrement de la gabelle et contrôler les opérations de ses commis. Il connaît donc bien toute la région. À cette époque (XVIIème siècle), les routes et les ponts sont dans un état lamentable et, tout le temps sur les chemins, il peut constater les difficultés des transports.

C'est alors que naît en lui l'idée de réaliser la construction d'une voie d'eau, reliant le bas et le haut Languedoc. Celle-ci permettait de transporter toutes les denrées agricoles, le sel et autres produits par bateau contenant chacun plus de cent fois le chargement d'une charrette.

Riquet, nous le savons n'est ni ingénieur, ni architecte et pas même entrepreneur. Il va utiliser des projets existants et surtout s'assurer du concours et de la participation de personnalités très compétentes dans les milieux civils et religieux.

Tous les projets antérieurs voulant relier la Garonne à l'Aude par le couloir naturel du Seuil de Naurouze, entre Toulouse et Carcassonne, n'avaient pu aboutir par la seule mais impérieuse difficulté d'amener de l'eau en grande quantité dans un canal, et ce durant toute l'année.

C'est Riquet, devenu homme du pays en s'installant sur Revel (*), qui va trouver la solution. S'il choisit cette ville comme lieu de résidence, c'est qu'il avait des raisons bien particulières. Celle-ci, située au pied de la Montagne Noire, allait dans son projet de canal résoudre tous
les problèmes de l'alimentation en eau. Avec l'aide efficace et précieuse du fontainier de la ville, Pierre Campmas, il va parcourir ce massif montagneux et boisé, « château d'eau » naturel tout indiqué. Rivières et ruisseaux n'auront plus de secrets pour lui. Il pense et le prouvera quelques années plus tard, que la solution consiste à capter leurs eaux et à les amener gravitairement, par un système de rigoles, sur le sommet du col de Naurouze, point de partage des eaux. La pierre d'achoppement de tous les projets est enfin levée et la construction du canal du Midi peut démarrer.

Jacques BATIGNE.

(*) Riquet s'installe à Revel en 1648. Là, il loue une maison à la « Garlande » du côté du Cers (galerie du couchant côté vent d'ouest). Cette maison où il va loger sa famille, quatre de ses six enfants vont y naître, avait été retenue au mois de mai 1647. Elle sera remise en état pour 160 livres par un artisan revelois. Il en fait sa résidence principale jusqu'en 1660. À partir de cette année là, on le voit loger à l'Auberge des Trois Anges à Toulouse et au château de Bonrepos (près de Verfeil), lieu où il avait acquis un important domaine en 1651. Cet ancien château fort, en très mauvais état, sera restauré par un maître maçon de Revel, Issac Roux, à partir de 1655.

Couleur Lauragais N°3 - Juin 1998