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Couleur Lauragais : les journaux

Reportage

" Petite Histoire du Pastel "

Par définition, le Lauragais est le pays de Cocagne. C'est ici, en effet, dans cette terre aux collines exceptionnellement fertiles, que naît cette célèbre expression. Couleur Lauragais vous présente cette plante mythique, le Pastel, qui est très fortement associée à l'histoire du Lauragais.


Le pastel a donné au Lauragais du 15ème au 16ème siècle une richesse jamais retrouvée, un siècle d'or (de 1462 à 1562) qui a vu le pays se couvrir de châteaux, d'églises et de pigeonniers. Les coques également appelées cocaignes ou cocagnes, sont des boules séchées et dures de feuilles de pastel écrasées. C'est la plante mythique du pays de Laurac, on l'appelle " l'herbe du Lauragais", c'est dire combien la région et la plante sont étroitement liées. Plusieurs pays cultivaient pourtant le pastel mais comme le disait Olivier de Serres : « le pastel ne vient bien qu'en Lauragais ».

Le pastel contient dans ses feuilles un produit chimique qui permet de teindre en bleu les tissus de laine : c'est une plante, de la famille des crucifères, d'une hauteur d'un mètre environ lorsqu'elle fleurit et aux feuilles lisses, assez larges. Le pastel est très exigeant quant à la richesse du sol qu'il épuise rapidement. Semé en février-mars, sur de petites parcelles, la plante fleurit en avril-mai et les graines sont récoltées en juin, le cycle est de 15 mois environ. Sa culture est un véritable jardinage avec de multiples sarclages qui réclament une main d'oeuvre importante.

Un champ de pastel dans le Lauragais

Les feuilles sont cueillies à la main de la St Jean à la Toussaint. Soigneusement lavées, elles sont écrasées au moulin pastelier.

Des centaines de moulins ont parsemé le Lauragais, il en reste d'ailleurs un, intact, au musée du pastel de Magrin (au sud de Lavaur dans le Tarn).
Le moulin est une simple meule de pierre qui tourne dans une auge et qui transforme les feuilles en une bouillie que l'on prépare en boules. Ces dernières sont ensuite placées dans une sorte de séchoir (voir par exemple celui de Magrin). Durcies, elles sont commercialisées surtout vers Toulouse, où se fait la préparation de l'agranat, c'est à dire la matière qui servira dans les cuves des teinturiers. L'agranat est formé de granulats noirâtres, résultat d'une longue préparation et de la fermentation des coques.

Le pastel en fleur

A cette époque, le commerce du pastel est international : depuis Albi et surtout Toulouse, des marchands pasteliers envoient les balles de pastel vers Bayonne, et de là vers l'Angleterre, les Flandres, les Pays-Bas, l'Allemagne rhénane; même circuit par Bordeaux, le Col du Somport vers l'Espagne, Burgos et la Castille.
Vers l'Est, depuis Toulouse, une autre voie commerciale dirige l'agranat vers Narbonne, Barcelone, Marseille et l'Italie.

Au 16ème siècle, Toulouse est la plaque tournante de ce type de commerce avec des princes du pastel aux noms célèbres pour les toulousains : d'Assézat, Bernuy, Cheverry, ou Lancefoc. Cette richesse a d'ailleurs laissé de nombreuses traces dans l'architecture civile et religieuse du Lauragais et de Toulouse. La plupart des hôtels Renaissance de Toulouse reposent sur des fortunes pastelières. Les capitaux tirés de la production et surtout du commerce du pastel sont investis dans les nombreux châteaux du pastel des 15ème et 16ème siècles (Marquein, Belflou, Espanès, Montmaur, Fajac la Relenque, Ferrals ).

La dîme était perçue sur le pastel, d'où la floraison "d'églises du pastel " (Donneville, Montgiscard, Montesquieu, Montgeard, Nailloux, Villefranche, Baziège, ...).

La boule de cocagne

Enfin les grands propriétaires ont construit, à cette époque, les plus beaux pigeonniers (de Bouyssou à Cintegabelle ou du Fort à Monestrol).

En 1562, les guerres de religion entre catholiques et protestants qui vont ravager le Lauragais et surtout l'apparition d'un produit tinctorial, l'indigo, vont signer l'arrêt de mort de la culture pastelière. L'indigo est tiré d'un arbuste tropical très bon marché, venant d'Amérique et des Antilles avec un pouvoir colorant supérieur à celui du pastel. Malgré les mesures prises par Henri IV qui alla jusqu'à prévoir la peine de mort contre quiconque emploierait l'indigo, le pastel disparaît.

Jean ODOL

Depuis quelques années, le pastel a été réintroduit en Lauragais.
En effet, le G.C.O. ( Groupement Coopératif Occitan ) à Castelnaudary, met en place des cultures chez une dizaine d'agriculteurs , dont le but est de récolter la graine.
Cette dernière est riche en huile, d'une qualité très prisée par les cosméticiens.
Le pastel est donc cultivé en Lauragais, avec un cycle de culture différent de celui pratiqué autrefois.
A l'heure actuelle, il est semé au mois d'Août, fleurit en Avril pour être récolté en Juin.
Le pastel refleurit donc en Lauragais : sa terre de prédilection.

G.C.O. A.VENE

Couleur Lauragais N°2 - Mai 1998