accueil
Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

Les coiffes de nos régions

Parler des coiffes n'est pas chose aisée car les détracteurs argumentent le manque de précisions historiques. C'est pourquoi nous ne ferons état que de nos propres observations…et de ce que nous ont enseigné toutes ces coiffes, trouvées dans quelque vieux carton, données par des amis ou récupérées au fil des brocantes ou vide-greniers… chacune porte sa propre histoire, et sait bien nous la raconter .
Comment ne pas se demander ce qui a pu interrompre le travail de cette femme qui recousait sa coiffe, au point qu'elle en oublie son aiguille entre les volants (voir photo ci-dessous) et avoir une pensée émue pour celle qui a rangé dans son carton sa belle coiffe de fête en la calant soigneusement avec un morceau de journal daté de mars 1916…Ce journal annonçait la bataille de Verdun, qui ne devait être qu'une formalité…Mais il est certain que cette coiffe n'a plus été portée car ses beaux rubans de soie bleue sont intacts…aurait-elle cédé la place à une coiffe de deuil ?

   Soual (81) : cette élégante coiffe au ruban rayé de gris n’a subi  aucune restauration
Soual (81) : cette élégante coiffe au ruban
rayé de gris n'a subi aucune restauration


aiguille oubliée
La mode des coiffes
La fin de la mode des coiffes est liée à ce vent d'émancipation, venu de Paris avec les catalogues de mode, la vogue des cheveux courts, le port du chapeau et l'abandon de tout ce qui paraissait démodé et paysan. L'interdiction à l'école de la langue occitane est dans cette mouvance. Seul le monde rural a persisté dans ces habitudes qui passaient pour arriérées, puis s'en est totalement éloigné.
Les coiffes qui nous restent ont été en usage dans nos régions entre 1850 et 1940, peu à peu remplacées par la "crabato" foulard souvent noir que les dames âgées ont persisté à porter jusque dans les années 50, comme en témoignent de vieilles photos de mariage. Les femmes y figurent en chapeau ou tête nue : seule assise au premier rang, pose sous sa coiffe blanche, une grand-mère qui ne sourit pas.
Anciennement, au début du XXème siècle, la coiffe pouvait être portée sur un "bendel", bande de toile qui servait de protection posée sur les cheveux, ou même d'un "sarrocap" qui enfermait la chevelure. Cette pratique a peu à peu été abandonnée.

Composition de la coiffe
Même si elles peuvent différer d'un village à l'autre, les coiffes obéissent toujours aux mêmes règles de construction :
- un fond de coiffe, en dentelle ou en mousseline unie. Ce fond blanc est aussi appelé "nebadis". C'est lui que l'on voit de dos. Il pouvait parfois être très décoré, ou brodé à la main. La "passe" est la bande de tissus qui enserre le front. Elle est solide et porte tout le décor de la coiffe. On ne la voit pas sous le décor, mais elle se prolonge parfois par des bandes de tissu blanc appelées "barbes" qui viennent se nouer sous le menton. Ces barbes sont très souvent remplacées par de beaux rubans de soie aux belles couleurs tendres, ou de velours sombre.
- Les rangs dont le nombre varie selon le luxe de la coiffe, donnent son nom à la coiffe, exemple : "la tuyautado". On compte souvent un petit volant de front, posé en visière vers l'avant et qui cache la racine des cheveux. On peut alors compter les volants de tête, hauts et amidonnés, trois en général dans le pays castrais, soutenus par le volant de pied, posé derrière, et qui soutient la construction de la coiffe.
- Enfin, pour la vue de dos, n'oublions pas le nœud de nuque toujours assorti au nœud de menton ; c'est un ruban qui finit le décor mais qui a aussi pour fonction d'enserrer les cheveux sous la coiffe. Il peut s'agir d'un ruban à nouer ou d'un nœud préfabriqué et cousu à la coiffe. Parmi ce décor de volants, s'entrelacent très souvent de petits rubans de couleur, travaillés en coques, ou même des tresses de passementerie en soie naturelle.

   La passe enserre le front, fait le tour du visage et porte le décor de la coiffe, c’est là que sont posés les volants appelés rangs.
La passe enserre le front, fait le tour du visage et porte le décor de
la coiffe, c'est là que sont posés les volants appelés rangs.

Fond de coiffe brodé style toulousain

Fond de coiffe brodé style toulousain

Coiffe blanche castraise où la dentelle mécanique a une grande place
Coiffe blanche castraise où la dentelle mécanique
a une grande place


Coiffe à ruchés du Sidobre, portée sur la photo par sa propriétaire. Le ruché ou ruche est une bande d’étoffe plissée ou froncée servant à décorer une pièce de vêtement ou une coiffe.
Coiffe à ruchés du Sidobre, portée sur la photo par sa propriétaire.

Coiffe du revélois sur sa marotte en bois (XIX° s.)
Coiffe du revélois sur sa marotte en bois (XIX° s.)

Coiffe sorézoise demi deuil, la passe est richement ornée de ruchés de dentelle et d’un ruban moiré
Coiffe sorézoise demi deuil, la passe est richement ornée
de ruchés de dentelle et d'un ruban moiré

Le fer à tuyauter possède deux, voire trois branches semblables et n’a pas de branche en gouttière comme les fers à friser les cheveux. Si parfois le travail demandait plus de finesse, les dentelles étaient travaillées à l’ongle et à la paille de blé, dont la tige, prise sous la feuille, ne porte pas de nœuds.
Le fer à tuyauter possède deux, voire trois branches semblables
et n'a pas de branche en gouttière comme les fers à friser
les cheveux. Si parfois le travail demandait plus de finesse,
les dentelles étaient travaillées à l'ongle et à la paille de blé,
dont la tige, prise sous la feuille, ne porte pas de nœuds.

A chaque région sa coiffe
Plantons à présent ce décor qui a vu vivre nos coiffes. Par coiffes de nos régions il faut entendre un large périmètre englobant au nord les monts de Lacaune et le Sidobre, avec ses hautes coiffes blanches en mousseline unie, mais tuyautée. Si le fond y est peu orné c'est qu'il permet dans ces régions montagneuses le port de la "capeta", capulet de grosse laine qui ne laissait dépasser que les volants sur le front.

Le pays Castrais annonce déjà la ville, avec tuyautages et assemblages "d'entre deux" bandes de dentelle mécanique, cousues verticalement sur le fond. Ce travail, toujours fin et délicat, simule à la perfection une large pièce de dentelle. Ainsi la coiffe peut être entièrement blanche, délicate et citadine, et garder sur le devant ses rangs tuyautés.

Survolons la Montagne Noire où la coiffe s'enrichit vers Mazamet de ruchés savants et de beaux rubans. Elle devient vers Sorèze plus basse mais plus travaillée : l'influence du redoutable vent d'autan se ferait-elle déjà sentir pour les volants empesés ?

On aborde la mode Lauragaise avec la région de Puylaurens, Blan et Revel déjà marquée par l'influence Toulousaine et le fameux fond rond brodé dit "à la Toulousaine" présentant toujours de fines broderies disposées en cercle autour d'un beau motif floral. On trouve là des broderies faites à la main, d'une grande qualité.

Frôlons au passage la région de Castelnaudary avec ses coiffes basses, en dentelle ou en simple mousseline unie, mais bien serrées autour de la tête et souvent parées d'un petit ruban noir servant de décor, posé entre les dentelles du front. Ces coiffes plus simples, restent toujours blanches et fraîches, car plus faciles d'entretien.

Enfin, voici les belles coiffes citadines de Toulouse avec leurs rubans de moire et leurs dentelles de Valencienne "en écaille de poisson" servant de cache chignon. Elles sont bien loin des coiffes de servantes pourtant très coquettes ou celles aux longues barbes portées par les nourrices qui concernaient le personnel d'une maison bourgeoise et aisée.

Cette coiffe lauragaise appartenait à Marie Bonnet (1861-1941), épouse du meunier de Mas Stes Puelles (11)
Cette coiffe lauragaise appartenait à Marie Bonnet (1861-1941), épouse du meunier de Mas Stes Puelles (11)

Coiffe fabriquée à domicile Labruguière (81) avec noeuds de nuque et de menton
Coiffe fabriquée à domicile Labruguière (81)
avec noeuds de nuque et de menton


L'entretien d'une belle coiffe n'était pas chose aisée. Il fallait découdre entièrement les volants pour laver la coiffe, retirer les rubans qui pouvaient déteindre, amidonner et repasser les volants, voire les tuyauter au fer. Pour cela ont utilisait des fers spéciaux à branches pleines, souvent confondus à tort avec les fers à friser les cheveux qui ont une branche en gouttière. Ce travail se faisait souvent à domicile. On retrouve des bâtis hâtifs, construits à grand points car destinés à être enlevés dès la prochaine lessive. L'entretien pouvait être confié à une lingère spécialisée, s'il s'en trouvait une dans le village. Il s'agissait d'un vrai métier puisqu'on recensait à Toulouse en 1900, une centaine d'ateliers de gaufrage et tuyautage. Par contre, on ne parle jamais de "monteuses de coiffes" mais seulement de "modistes" ou "lingères".


La place de la coiffe dans la vie quotidienne
La coiffe a toujours été pour la femme un signe fort d'identité et de rang social. Dans une vie souvent difficile c'était le seul luxe consenti et il n'était pas rare que la femme n'en possède qu'une : une belle coiffe représentait alors environ cinq jours de travail d'un ouvrier. C'est dire le soin qu'elle en prenait.
La coiffe accompagnait sa propriétaire tout au long de sa vie. Elle fleurissait à l'église, les dimanches et jours de fête, mais aussi sur les marchés, où l'on pouvait montrer sa richesse par une riche coiffe. Quand survenait un deuil, on voilait le fond de la coiffe de crêpe noir, que l'on enlevait après le temps de deuil.
Le grand deuil, réservé aux épouses ou aux mères imposait la coiffe noire.

Rendons hommage aux coiffes de travail, en toile ordinaire ou en piqué blanc, souvent confondues avec les bonnets de nuit, mais aussi à nos câlines, en épaisse toile rayée protégeant le visage du vent et du soleil, pour le travail des vignes du Pays Bas, ou du Lauragais, comme l'évoquent les croquis de Paul Sibra, dans la région de Castelnaudary.

N'oublions pas le chapeau de paille, la "Pailhole Toulousaine", serrée autour du visage par son ruban noir, et immortalisée par le folklore.

Simplicité d’une coiffe de nourrice et ses longues barbes qui pouvaient se porter librement sur les épaules

Coiffe de grand deuil, milieu aisé
Coiffe de grand deuil, milieu aisé

“Caline“ de jeune fille portée à Carcassonne.
"Caline" de jeune fille portée à Carcassonne.

 

Simplicité d'une coiffe de nourrice et ses longues barbes qui
pouvaient se porter librement sur les épaules


La Palhola utilisée pour les travaux des champs et des vignes devenue pour le folklore “chapeau toulousain“
La Palhola utilisée pour les travaux des champs et des vignes devenue pour le folklore "chapeau toulousain"
Grands-mères, dessin de Paul Sibra, peintre du Lauragais
Grands-mères, dessin de Paul Sibra, peintre du Lauragais

Aline Alary

Crédit photos : collection Aline et Jean-Paul Alary


Couleur Lauragais n°179 - Février 2016