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Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

Le Lauragais aux époques wisigothique et mérovingienne,
données archéologiques récentes.

A l'invitation de Michel Dauzat, président du CLES (Centre lauragais d'études scientifiques), Jean-Paul Cazes, archéologue et historien médiéviste, spécialiste du Lauragais, a donné une conférence lors de l'AG de l'association le 25/04/2015. Une très belle exposition permanente sur cette période, réalisée à partir de la fouille d'une nécropole, est présentée au Musée du vieux Mazères (09).

Trois éléments de parures funéraires caractéristiques trouvés en Lauragais : plaque boucle wisigothique du Ve s., fermoir d'aumônière franc du VIe siècle, plaque boucle de style  aquitain du VIIe siècle (trouvée à Saint Martin Lalande, Aude).
Trois éléments de parures funéraires caractéristiques trouvés en Lauragais : plaque boucle wisigothique du Ve s.,
fermoir d'aumônière franc du VIe siècle, plaque boucle de style aquitain du VIIe siècle (trouvée à Saint Martin Lalande, Aude).

La place du Lauragais
Situé en Gaule narbonnaise à l'époque gallo-romaine, le Lauragais occupe une place originale durant l'époque des royaumes germaniques, dont la formation est consécutive aux grandes invasions ou migrations du Vème siècle.
Intégré au royaume wisigothique de Toulouse à partir de 418, le Lauragais devient une zone frontière à partir de la conquête du sud-ouest de la Gaule par les Francs de Clovis en 508. Il se retrouve dès lors en bordure de l'Aquitaine mérovingienne et au contact de la Septimanie wisigothique.

Les recherches ont été menées ces dernières années sur diverses nécropoles, gisements les plus caractéristiques de ces périodes (on connaît mal les vestiges d'habitats) : inventaire des découvertes anciennes, prospections et sondages, fouilles programmées ou préventives.

plaque boucle de style aquitain du VIIe siècle)
Plaque boucle de style aquitain du VIIe siècle

Us et coutumes
Les nécropoles permettent de mesurer l'évolution des rites funéraires gallo-romains vers des pratiques initiées par les diverses populations germaniques qui se succèdent dans la région. Alors que les gallo-romains pratiquaient l'inhumation en sarcophages ou en cercueil de bois avec offrandes alimentaires et dépôts de céramiques, on voit apparaître au Vème siècle des cercueils en tronc d'arbre dont les occupants présentent des caractères culturels attribuables aux germains orientaux (déformation intentionnelle du crâne, port de boucle d'oreille par les hommes selon la mode danubienne).
La mode de l'inhumation habillée qui se généralise à la fin du Vème siècle permet d'identifier clairement sur plusieurs sites régionaux des parures et un costume féminin typique des Wisigoths et commun depuis la Mer Noire et les régions danubiennes jusqu'en Espagne.
À partir du VIème siècle ce sont des objets originaires du nord de la Gaule et de la culture franque qui font leur apparition, tel ce fermoir d'aumônière à décor de grenats cloisonnés, qui trouve des parallèles dans des tombes septentrionales de chefs francs. Ces derniers s'y font inhumer avec leurs armes, pratique qui n'est pas adoptée dans le Midi, peut-être sous l'influence du christianisme. À la fin du VIème et au VIIème siècle, ces parures, essentiellement des garnitures de ceinture, relèvent majoritairement de productions propres à l'Aquitaine qui acquiert à cette époque une quasi indépendance. L'identité politique aquitaine se traduit donc par une spécificité de la culture matérielle, tangible du point de vue archéologique à travers le mobilier funéraire. On rencontre aussi des objets d'influence burgonde, qui illustrent les liens de cette région avec l'Aquitaine.

Plaque de boucle à décor chrétien (adoration des mages) de style burgonde, début du VIIe siècle, trouvée sur la commune de Mas-Saintes-Puelles (Musée Eburomagus, Bram).
Plaque de boucle à décor chrétien (adoration des mages) de style burgonde, début du VIIe siècle,
trouvée sur la commune de Mas-Saintes-Puelles (Musée Eburomagus, Bram).

Influences culturelles
Néanmoins, tout comme une série de noms de lieux d'origine franque, la répartition des objets mérovingiens et aquitains s'interrompt dans la région de Bram. Vers l'Est et la région du Razès ou du Carcassès les objets wisigothiques apparaissent quasiment exclusifs dans les nécropoles. Ainsi la frontière politique se traduit aussi par la spécificité des costumes ethniques des populations locales. Ces marqueurs culturels, au-delà d'un simple effet de mode, témoignent de l'appartenance des populations à deux ensembles politiques et culturels bien distincts. La distinction entre Romains, Goths et Francs se maintiendra, sur le plan juridique en particulier, jusqu'au Xème siècle. Le couloir du Lauragais apparaît néanmoins comme une zone de carrefour où se mêlent ces différentes influences culturelles, plusieurs sites autour de Castelnaudary ayant livré, dans des ensembles où dominent les productions aquitaines, des boucles de ceintures wisigothiques similaires à celles que l'on rencontre en zone méditerranéenne et en Espagne.

Jean-Paul Cazes

Une étude reprenant ce sujet a été publiée dans le dernier numéro (n°5) de la revue éditée par le CLES, Pages lauragaises (disponible auprès de l'association : clescastel@gmail.com)

Crédits photos : Collection Jean-Paul Cazes


Couleur Lauragais n°176 - Octobre 2015