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Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

Le Lauragais de nos aïeux : Esquilles, village disparu

Avant la révolution de 1789, non loin de Trébons et dans la baronnie de Beauville, près du sanctuaire marial de Clary, il existait un village fortifié de quelques feux(1) (foyers) dénommé Esquilles, nom laissé par Jean Durand d'Esquilles, seigneur de Montlaur. Village fortifié de la rive droite de la Grasse (ou Rémijol), Esquilles était aussi appelé Al fort d'Esquilles ou le Barri (faubourg).

Quelques-uns des soldats de Labécède Lauragais victimes de la guerre 14-18

Un peu d'histoire
Quelques années après l'acquisition de ce lieu champêtre par les Durand, vers 1670, Esquilles est gouverné par ses consuls locaux (1690 règne de Louis XIV).
Le village, dont les habitants vivaient en autarcie, avait gardé ses us et coutumes ancestraux : son église au clocher trinitaire(2) et dédié à Saint Julien l'Hospitalier, son cimetière et ses services utiles (ses moulins, son four à pain, sa forge et sa tuilerie).
Il y avait deux sortes de moulins : le moulin perché et le moulin bas (de 1750 à 1830). Le moulin haut ou à vent (moli del bént) avait pour meunier Amans Pagès (avant 1789). Il était situé à mi côteau, au Tuquail (mot venant de l'occitan tuquel, tertre ou petite butte orientée Sud Est - Nord Ouest comme les métairies du Lauragais).
Le moulin bas ou hydraulique, sur la rive gauche de la Grasse ou Rémijol était géré par les Laval, meuniers de père en fils qui venaient de Montferrand, près d'Avignonet.
Les habitants d'Esquilles étaient agriculteurs ou artisans. Vers 1675, les marchandises qui pénétraient dans le village transportées par des marchands ambulants, à pied ou à cheval, étaient soumises au péage, un droit d'entrée ou taxe au profit de la gestion consulaire peu fortunée. Ce privilège fut supprimé en 1740.

Croquis moulin Odette Bedos
Les eaux de la fontaine de Clary : Ce santuaire marial près de Cessales, faisait parfois des merveilles pour ceux qui souffraient des affections provoquées par le manque d’eau, d’hygiène et de vitamines.
Les eaux de la fontaine de Clary : Ce santuaire marial près de Cessales, faisait parfois des merveilles
pour ceux qui souffraient des affections provoquées par le manque d'eau, d'hygiène et de vitamines.
crédit photo : Couleur Média

Quelques habitants d'Esquilles
Ont résidé à Esquilles les Toulsa, brassiers ou ouvriers agricoles, les Audouy, les Rouzaud, les Petit et les Cruzel (maréchaux à forge), les Philip (cordonnier et tailleur d'habits), les Hucs, les Pradelles (cultivateurs), les Pagès et les Laval (meuniers) et Germain Brandouy, un homme haut placé, procureur au Parlement de Toulouse dont l'un des frères était praticien (docteur) à Esquilles.

Une paroisse de l'église diocésaine
Le clocher mur à 3 cloches d'Esquilles, bâti en briques de four rosées (le chafrénad), était très modeste. L'église n'avait que deux vitraux et pas de sacristie pour ranger les objets sacrés. Elle fut découverte, (son toit fut démoli) par les Protestants en 1570 lors des guerres civiles de Religion (1562-1598) et donc rendue inutilisable au culte.
Une visite pastorale de 1777 par un envoyé de l'Archevêque de Toulouse pour établir un Etat des lieux des églises évaluait les réparations à 683 livres. Le montant du bail à besogne(3) était partagé entre l'Archevêché et les consuls locaux. Cette somme équivalant à l'achat de 10 maisons de village était trop élevée pour ces responsables communautaires.
Faute de fonds, l'église Saint Julien resta dans son état de délabrement. Elle s'effondra avant 1789. Elle fut reconstruite en 1932.

Pour preuve de l'existence du cimetière d'Esquilles, il est noté dans les Registres Paroissiaux de Trébons que le 29 octobre 1746, Benoîte Philip, 45 ans, y fut ensevelie par le curé G. Foyssac (règne de Louis XV). Paule Laval, veuve de Pierre Delmas décédée à la métairie d'En Rigaud, le 30 septembre 1775, âgée de cent ans, fut également enterrée à Esquilles par le curé Courés - Témoin : Joseph Philip. (Extrait des Registres Paroissiaux de la Mairie de Trébons - 1986).

Quelques prêtres d'Esquilles : Mignac (1707), Trinchant (1750), Jean Jérôme Lamalatie (1770), Antoine Castillon (1778), Talon (1784). A cette époque, il y avait environ 150 fidèles avec les écarts(4). Située à 5 lieux de Toulouse, le village mesurait 1/2 lieue de large sur 1/2 lieue de long (estimation du curé Talon - IG.938.A.D.H.G.)

Le 6 février 1847, Esquilles devenu hameau, fut rattaché à Trébons.

illustrations Odette Bedos

Recherches et croquis : Odette Bedos

NB. Valségure près de Villefranche est aussi un village disparu. Cette salvetat fondée par Prouille après 1242 (massacre des inquisiteurs dans Avignonet) avait encore son église en 1613.

1. Les feux ou foyers regroupaient les familles de terriens (métayers, paysans), vivant en autarcie. La population des villages était évaluée par feux.
2. En Lauragais, il y avait deux sortes de clochers dans les villages : le clocher-mur tertiaire percé de 3 baies campanaires rappelant la Sainte Trinité et le clocher-flèche dressé vers le ciel.
3. Bail à Besogne : contrat de fermage, bail à métayage ou bail à ferme entre le propriétaire terrien et le métayer (fermier). Au sujet des conditions de fermage, selon la superficie de la métairie (en Lauragais de 10 à 20 ha) le fermier disposait d'une paire de Labour. L'arceau du hangar de la borde équivalait à une superficie de 10 ha et à une paire de boeufs de labour. On pouvait parfois en compter 2.
4. Les écarts : plutôt les hameaux en Lauragais ou lieu-dit ou quelques feux (La Roque, Coulassou, voir la carte).

Aujourd’hui, le nom “L’Esquille” est visible sur un panneau de position destiné à signaler le lieu-dit ou la ferme
Aujourd'hui, le nom "L'Esquille" est visible sur un panneau de position destiné à signaler le lieu-dit ou la ferme
crédit photo : Couleur Média

Couleur Lauragais n°140 - Mars 2012