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                Eternels chants languedociens  Quand on prononce "chants languedociens", on pense aussitôt "langue d'Oc" et par voie de conséquence "Languedoc". Dans Couleur Lauragais n°87 de novembre 2006, Jean Odol explique de façon très précise et très documentée l'évolution du latin à la langue occitane avec toute sa richesse et toute sa variété ; je renvoie donc le lecteur à ce sujet remarquablement traité que l'auteur a intitulé "la langue occitane et le Lauragais". | 
            
          Les gouvernements successifs de la troisième république et ceux jusqu'en 1960 environ ont livré une guerre sans merci aux "patois" (j'emploie volontairement le pluriel car d'un lieu à un autre le vocabulaire variait) et à la conversation en patois par l'intermédiaire des instituteurs et institutrices. Dans les écoles primaires, ces derniers usaient de moyens tels que punitions, isolements pendant les récréations ou de curieuses pratiques (par exemple un caillou passait d'un élève qui "osait" parler le patois, à un autre qui commettait le même "délit", et, en fin de journée, le dernier possesseur du caillou remportait la plus grosse punition). Pour ma part, en 1944, je fus "doté" de 500 lignes à copier pour avoir dit la phrase suivante en patois à un garçon, pendant la récréation : "ta sor a perdret la groulo" (ta sœur a perdu la sandale).
          Heureusement, les chants languedociens, n'avaient pas subi cette traque car ils étaient chantés à l'occasion de fêtes indépendantes de la scolarité, à des moments de bonheur, en communion avec de nombreuses personnes de tous âges, de tous métiers. Tout individu, homme, femme, enfant avait à cœur de chanter ces mélodies faciles autant dans la musique que dans les paroles.
            Les occasions de chanter ne manquaient pas : les fêtes familiales s'agrémentaient d'un repas recherché arrosé de bons vins et se terminaient par un généreux digestif (eau-de-vie maison) qui poussait un "ancien" né avant 1900 à entonner un chant patois et entraînait toute l'assemblée. Les fins de travaux en groupe, moissons, dépiquages, vendanges, ramassage du maïs dans les champs, dépouillement du maïs dans un hangar, fête du cochon, déclenchaient les mêmes agapes et les mêmes chants que les fêtes familiales.
            Pendant la période 1939-1945, tous les bals publics furent interdits. Seuls, les mariages retentissaient encore de danses et de chants car ils étaient autorisés à condition d'être déclarés au préalable à la mairie. Presque toujours un pépé accompagnait la journée en jouant de mémoire avec son accordéon, instrument très répandu à cette époque.
            Enfin, après l'armistice (8 mai 1945), les fêtes locales avec leurs bals publics furent rétablies après cinq années de privations ;  elles eurent un immense succès. Comme il y avait peu de voitures, la majorité d'entre nous s'y rendait à pied et nous chantions tout le long du chemin ; les "anciens" entonnaient "le temps des cerises", "les blés d'or"… mais aussi des chants languedociens que nous "hurlions" en passant près d'une métairie pour épater les habitants qui se joignaient à l'escouade. Nous arrivions au village où se déroulait la fête dans une ambiance tonitruante.
          Je vous invite maintenant à prendre connaissance de deux de ces chants :
          - "Se Canto" connu dans tout le sud-ouest : la romance d'un berger qui s'ennuie de son amoureuse (ma mie disait-on alors) pendant qu'un oiselet chante près de lui (peut-être un rossignol, connu comme l'oiseau des amoureux ! Rappelons-nous "Rossignol de mes amours…").
            - "Camtem nadal" dont le refrain est très connu ; ce chant, bientôt d'actualité, évoque l'arrivée des bergers à Bethléem, présentant leurs humbles offrandes champêtres (à la différence des trésors des mages). Il est à noter que ces cadeaux sont des produits du terroir du Lauragais et non du terroir de Judée (une façon de s'approprier l'événement !).
          
          
            
              | "Se Canto… ou Lou pastre" Sur le pount de Nanto,Y a un aousélou
 Touto la neyt canto
 sans ferma l'elliou.
 Refrain :Se canto, que canté,
 canto pas per you.
 Canto per ma mio
 Qu'es al prèp de you
 Dejoust ma finestroI a un amelhè
 Que fa de flours blancos
 Coumo de papie.
 (refrain)
 S'aquelos flours blancosFasion d'amelous,
 Remplirio mas pochos
 Per èlo e per bous.
 (refrain)
 Aquelos mountagnosQue tan nautos soun,
 M'empachon de beire
 Mas amours ount soun.
 (refrain)
 Se sabio ount las beire,Ount las rencountra,
 Passario l'aigueto,
 Sens poù de me nega.
 (refrain)
 Nautos, be soun nautos,Mès s'abaissaran.
 E mas amouretos,
 De iou s'aproucharan.
 (refrain)
 | "S'il chante… ou le Pâtre" Sur le pont de Nantes,il y a un oiselet
 Toute la nuit, il chante
 sans fermer l'œillet.
 Refrain :S'il chante, qu'il chante
 Ne chante pas pour moi.
 Chante pour ma mie
 qui est auprès de moi
 Sous ma fenêtre,Il y a un amandier
 qui fait des fleurs blanches
 comme du papier.
 (refrain)
 Si ces fleurs blanchesfaisaient des amandes,
 je remplirais mes poches
 pour elle et pour vous.
 (refrain)
 Ces montagnesqui sont si hautes,
 m'empêchent de voir
 où sont mes amours.
 (refrain)
 Si je savais où les voir,où les rencontrer,
 je passerais l'eau,
 sans peur de me noyer
 (refrain)
 Hautes, elles sont hautes,mais elles s'abaisseront.
 Et mes amourettes,
 de moi s'approcheront.
 (refrain)
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          NB : L'origine de ce chant serait attribuée à Gaston Phébus
          

          
            
              | "Cantem Nadal" Qual dirio que Dius lou mestreDe la luno e del soulel
 Es nascut dins un campestre
 San candelo ni calél.
 Refrain (Chœur) :Canten coumo cal
 Canten toutis en masso
 Canten coumo cal
 Canten Nadal
 Anirem sur la mountanhoAtrapa un auselet
 Lou prendrem per la cambeto
 Per amusa l'Efantet
 (Chœur)
 Bertoumiu porto uno grivoDins un pleg de soun mantèl
 Miquel un niu de cardino
 Dins lou clot de soun capel.
 (Chœur)
 Francès porto uno couquetoGuilhalmes un roussinhol
 Janot porto de castanhos
 E Bernart un parpalhol.
 (Chœur)
 L'Efant drom dins uno granjoEl qu'es lou mestre del cel
 N'a per leit qu'un pau de palho
 Qu'un estable per castel.
 (Chœur)
 | "Chantons Noël" Qui dirait que Dieu le Maîtrede la lune et du soleil
 Est né dans la campagne
 sans chandelle ni calel
 (ancienne lampe à huile)
 Refrain (Chœur) :Chantons comme il faut
 Chantons tous en masse
 Chantons comme il faut,
 Chantons Noël
 Nous irons sur la montagneAttraper un petit oiseau
 Nous le prendrons par la patte
 pour amuser le petit enfant
 (Chœur)
 Barthélemy porte une grivedans un pli de son manteau
 Michel un nid de chardonneret
 dans le fond de son chapeau
 (Chœur)
 François porte un gâteauGuillaume un rossignol
 Janot porte des châtaignes
 Et Bernard un papillon
 (Chœur)
 L'enfant dort dans une grangeLui qui est le maître du ciel
 Il n'a pour lit qu'un peu de paille
 Qu'une étable pour château.
 (Chœur)
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          Enfin, il convient de rendre hommage à Marius Girou qui a réalisé un merveilleux recueil de 110 chants languedociens et pyrénéens en 1942 (ouvrage publié par les éditions Privat, le 30 octobre 1942 - édition épuisée et non rééditée).
            Dès 1922, alors qu'il était jeune instituteur dans le Lauragais, il avait déjà réalisé un recueil intitulé "Chant languedocien et pyrénéen à l'école" qui contenait moins de chants et était destiné aux écoles primaires. En 1942, en collaboration avec Louis Melet, instituteur et sous la direction de René Pradère, inspecteur général de l'Instruction Publique, il a réalisé le second recueil.
            
            Marius Girou a enseigné pendant longtemps comme professeur de musique à Toulouse au collège lycée Berthelot, au collège lycée Raymond Naves, à l'école normale d'instituteurs et à l'école normale d'institutrices. Il était directeur de plusieurs chorales qui se produisaient au théâtre du Capitole. Il a pris sa retraite en juin 1954 et est décédé depuis. Ayant été l'un de ses élèves pendant huit ans, c'est avec émotion et satisfaction que j'ai rédigé ces textes. Merci Monsieur Girou de nous permettre de conserver ainsi notre patrimoine choral !
          François Bacou
          Les chants, textes et traductions sont tirés du recueil de Mr. Marius Girou "Le chant languedocien et pyrénéen"