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Couleur Lauragais : les journaux

Renneville : hier et aujourd'hui

Renneville est un petit village du Lauragais arrosé par l’Hers et le Marès et traversé par le Canal du Midi ; son cœur est situé sur un éperon (altitude moyenne 220m) qui lui permet de dominer les vallées des deux cours d’eau susnommés et lui a donné, dans le passé, une importance stratégique.



Actuellement, il fait bon jouir du charme des berges ombragées du Canal, à pied, à bicyclette (sur la piste cyclable) ou bien depuis une péniche puisqu’on peut s’embarquer près de l’écluse durant les beaux jours.
Cette commune est limitrophe de celle de Villefranche de Lauragais au Nord, d’Avignonet-Lauragais à l’Est, de Montclar-Lauragais au Sud et de Gardouch à l’Ouest.

Une histoire bien particulière 
L’histoire de Renneville est très différente de celle de ses voisines puisqu’elle a eu la particularité d’être le siège d’une commanderie de l’Ordre des Hospitaliers de St Jean de Jérusalem (Ordre de Malte) depuis le XIIIème siècle jusqu’à la Révolution de 1789.
Cela représente l’avantage d’avoir à notre disposition de nombreux documents sur sa gestion, documents tenus d’une façon exemplaire par les Supérieurs de cet Ordre.
Le nom de Renneville (Rana Villa) est un toponyme du Haut Moyen-Age (Vème - IXème siècle), ce qui prouve que, bien avant les Hospitaliers, cet endroit était habité.
La présence Gallo-Romaine est certaine au sud, à Bordenoble (sur la RD 625), où l’on a retrouvé plusieurs fragments de tuiles à rebord et de poteries antiques.
Il y eut ensuite plusieurs familles de seigneurs :
- Avant la croisade contre les Albigeois, les de Lux, originaires de l’actuelle commune de Lux (on en trouve trace dans des actes de Renneville datant de 1119 et 1179).
- Au début de la croisade, les seigneurs de Laurac ; Aymeric de Laurac, croyant cathare, a été dépossédé de ses biens par Simon de Montfort.
Celui-ci, pour récompenser son compagnon d’armes, Hugues de Lasces, lui offrit Renneville en 1209 ; lequel Hugues de Lasces, voulant remercier Dieu de l’avoir gardé sain et sauf au cours des combats, fit don de Renneville à l’Hôpital de Toulouse au lendemain de la bataille de Muret (1213). Le Commandeur des Hospitaliers a donc été le seigneur de ce bien depuis 1270 jusqu’à la Révolution. Il accorde en 1291 une charte de coutumes qui est le reflet des droits anciennement appliqués et où les privilèges accordés aux habitants sont limités. D’ailleurs, les rapports entre ces derniers et le Commandeur n’ont pas toujours été au beau fixe ! Les tensions furent à leur paroxysme le 15 janvier 1568 quand les Rennevillois réussirent à piller le château et à emprisonner ses occupants.


Eglise de Renneville

Après les Hospitaliers 
L’auteur de la monographie décrit la population du XIXème siècle comme évoluée (sous l’influence de Villefranche), respectueuse, soucieuse du bien-être de tous et désireuse de s’instruire.
Renneville a abrité, à cette époque, un personnage célèbre : Godefroy Calès, docteur en médecine, né en 1828 à Villefranche de Lauragais, maire de cette ville en 1875, Conseiller Général en 1880, Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Académie…
Les honneurs lui furent acquis pour avoir organisé, au début de la guerre de 1870, l’administration républicaine dans la contrée.
Malgré cette population méritante, on voit le village se dépeupler régulièrement : de 580 habitants en 1836, il n’en reste plus que 250 en 1901, nombre qui s’est maintenu jusqu’à il y a une quinzaine d’années. Plusieurs périodes de disette ont sévi dans nos campagnes suite à de mauvaises récoltes, ce qui a provoqué une désertification rurale à partir de la deuxième moitié du XIXème siècle.


Le pigeonnier de l'ancienne ferme de Tarabel, témoin de l'âge d'or du pastel

Retour aux sources
Le phénomène inverse se produit de nos jours : beaucoup de citadins recherchent une meilleure qualité de vie en fuyant les villes.
Renneville, petit village calme, situé près d’une sortie de l’Autoroute A 61, non loin de l’ancienne voie romaine d’Aquitaine (itinéraire emprunté depuis des siècles), sans en subir les nuisances, traversé par le canal des Deux Mers, est un lieu de prédilection.
C’est pourquoi depuis quelques années, plusieurs lotissements sont venus grossir l’agglomération et, dans quelques temps, on pourrait atteindre le nombre d’habitants du début du XIXème siècle (plus de 500).
Le nom de ces lotissements veut conserver les traces du passé :
- Le Hameau de la Fontaine (dans la monographie, il est fait allusion aux ménagères qui traversent le village, la cruche sur la tête, pour s’approvisionner en eau et qui vont aussi laver leur linge).
- Le Hameau du Moulin (le dernier moulin à vent construit, à moins qu’il ne s’agisse du moulin à eau, non loin de là sur l’Hers Mort, autrefois propriété des Hospitaliers et disparu depuis longtemps).



Ce moulin à vent a remplacé l'ancien moulin à pastel

Les coins pittoresques de Renneville d’aujourd’hui
Renneville, avec ses 842 ha, nous invite à diverses promenades intéressantes.
A la sortie de Villefranche de Lauragais, côté Avignonet-Lauragais, quittons le RN 113 en prenant, sur la droite la RD 72.
Nous arrivons au bord du Canal après être passé sur le pont du Marès et devant un mur de ferme dans lequel est encastrée une statue provenant peut-être de l’ancienne Eglise St Sernin (à Bordeneuve).
Un aller et retour sur la berge du Canal, à droite, nous mènera à l’aqueduc des Voûtes qui enjambe l’Hers Mort, ouvrage dû à Vauban et inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques par l’arrêté du 24/04/1998.
Rappelons que Renneville est membre de l’Association des Communes du Canal des deux Mers qui déploie ses efforts pour maintenir le chef-d’œuvre de Riquet en bon état, tâche souvent malaisée.
Devant l’Ecluse, on voit la maison de l’éclusier. Tout le long du Canal, on trouve beaucoup de bâtiments de ce style. Riquet s’est comporté en maître de chantier généreux : non seulement ceux qui travaillaient pour lui bénéficiaient d’un salaire enviable mais aussi du logement dans ces habitations.
Prenons maintenant la côte de Renneville. En haut de cette côte, on peut s’avancer, à gauche, sur le Chemin de Lière, nom de l’ancienne ferme, propriété des Hospitaliers.
Au fond, on aperçoit un moulin à vent qui, en 1720, a remplacé un moulin à pastel puisqu’à la fin du XVIIème siècle, notre «or bleu» fut supplanté par l’indigo.
Avant de revenir sur nos pas pour rejoindre l’église, admirons les collines sur lesquelles se déploient les champs de blé, de tournesol, Avignonet et ses éoliennes et, à leur pied, (RN-113 et Autoroute), ferroviaire (voie ferrée Bordeaux-Marseille) et de navigation (Canal du Midi).
Rue de la Commanderie se trouvent le Château et son ancienne chapelle. Celle-ci est devenue église paroissiale à la place de St Sernin au XVIIIème siècle car elle est située plus au cœur du village. L’église St Sernin était sise sur la pittoresque route des Crêtes.
L’église St Jacques, nouvelle église paroissiale (sur un des chemins des pèlerins de Compostelle, entre Avignonet-Lauragais et Montesquieu-Lauragais) a été agrandie avec l’aide des Hospitaliers peu avant la Révolution pour mieux répondre aux besoins des fidèles.
Le Château comporte sur le devant une partie de mur en grosses pierres et faisant saillie. Il est difficile d’y reconnaître une ancienne tour car le bâtiment a été fortement rabaissé au cours des siècles. Cette tour daterait des Romains car on y a retrouvé un casque datant de cette civilisation et des pièces de monnaie représentant une louve allaitant deux petits enfants.
En prenant la dernière rue, en face du Château, nous arrivons à la Place de la Liberté dans un angle de laquelle on peut voir, encastrée dans la façade d’une grange, une clé de voûte. Celle-ci représente un agneau avec, en fond, une rosace. Ce motif rappelle le sceau de l’abbaye St Sernin de Toulouse. Ce vestige semblerait donc provenir de l’ancienne église St Sernin de Renneville.



Vestiges provenant peut-être de l'ancienne église St Sernin


En se dirigeant vers la Mairie, on constate une différence de niveau entre celle-ci et la maison voisine. Le dénivellement est soutenu par un mur qui est adossé aux restes des fortifications.
Devant la Mairie, de chaque côté du Monument aux Morts, érigé en 1920, trônent deux canons allemands. Ces «obusiers» datant de la guerre de 1914, ont été ramenés des différents fronts et restaurés à l’identique selon les données techniques procurées par le Musée de l’Artillerie de Draguignan.
Revenons devant l’église. De ce point culminant du village, par temps clair, on aperçoit toute la chaîne des Pyrénées. En descendant légèrement la rue de la Commanderie, sur la droite, se trouve une fontaine construite en 1884. Un buste de Marianne couronne cet édifice. Cela signifiait que la République prenait soin des administrés en leur procurant l’eau, source de progrès.



Renneville vue côté est


En bas de cette rue, se trouve l’ancienne ferme de Tarabel avec son beau pigeonnier sur piliers, surmonté d’un fronton en forme de chapeau de gendarme.
En continuant la RD 72 jusqu’à la RN 625, on se trouve devant la propriété Bordenoble où était sise l’église St Hilaire dont il reste encore la croix qui marquait son emplacement (croix cathare ?) et qui servait de point de repère puisque les registres de l’Ordre de Malte mentionnent à plusieurs reprises «A la crotz de sant illary».



Croix cathare ?


Cette RN 625 nous amènera à St Michel de Lanès d’où on peut atteindre le barrage de la Ganguise. Cette route nous permet de suivre la vallée de l’Hers jusqu’à Salles sur l’Hers. Si l’on continue, on arrive à la pittoresque ville de Mirepoix.
Si l’on bifurque par RD 15, on rejoint Fonters du Razès, source de l’Hers.

Tout cela nous montre bien que la position du village de Renneville, entre de grands axes de communication et de plus modestes menant vers des sites pleins de charme, est enviable…

Jacqueline
SOULIÉ-DAUNIC

Sources : Mémoire de maîtrise de Laurent Fromenteze (Université de Toulouse Le Mirail, sept. 1999) : «Occupation du sol du territoire du canton de Villefranche de Lauragais au Moyen Age»,
Monographie de Renneville écrite par l’instituteur Savès en 1885,
Inventaire de l’Ordre de Malte (ADHG-2MI 183)

Crédit photos : J. Soulié-Daunic

 

Couleur Lauragais n°85 - Septembre 2006