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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

Balade dans la Piège, Lauragais Sud Est

Dans le cadre géographique du Lauragais historique, la Piège est une petite région comptant une quarantaine de communes, au Sud Est de Castelnaudary, avec trois bourgs relativement importants : Salles sur l’Hers, Belpech et Fanjeaux. La définition fondamentale pour caractériser la Piège : une région agricole pauvre dans un Lauragais riche, avec une population très clairsemée.


Le portail roman de la très riche église de Belpech

Limites et composition
La Piège correspond aux communes formant les cantons de Salles sur l’Hers (mort), Belpech et Fanjeaux ; parmi les vingt communes minuscules autour de Salles retenons : Saint Michel de Lanès, Belflou, Baraigne, Marquein, Fajac la Relenque, Payra, Sainte Camelle ; pour le canton de Belpech, citons : Lafage et les Cazazils, Molandier, Pech Luna, Plaigne, Saint Amans, Saint Sernin. Pour Fanjeaux, retenons : Cazalrenoux, Laurac, Orsans, Plavilla, Ribouisse, Saint Julien de Briola ; Bram est en dehors de la Piège. La majorité de ces communes ont moins de 100 habitants ; le canton de Salles avec 2000 habitants (environ) est un des moins peuplés du département de l’Aude.


La forêt d'Antioche, haut-lieu de l'histoire du catharisme (circuit A et F)


Remarques sur l’économie
La médiocrité agricole de la Piège s’explique par la pauvreté naturelle des sols ; les roches qui affleurent sont des grès, des calcaires, des poudingues (cailloux cimentés), donnant des sols très minces manquant d’éléments fertilisants, craignant fort la sècheresse estivale. Le paysage naturel est composé de collines d’altitude de 300 à 400 mètres couvertes de bois, de vastes forêts vers Saint Amans, Gaja la Selve (la selve = la forêt), d’immenses friches vers la Cassaigne qui signifie bois de chênes (en occitan : un chêne est un casse), Payra forêt d’Antioche ; les hauteurs sont souvent couvertes de landes notamment près de Laurac. Si les forêts subsistent, cela signifie la présence de sols incultivables avec des affleurements rocheux en surface. L’agriculture a toujours été très médiocre, même au Moyen Age ; au 18ème siècle quelques défrichements ont accru les surfaces cultivées avec l’ouverture du canal du Midi et des ports à Castelnaudary et à Bram. A la fin du 19ème siècle la construction d’une ligne de chemin de fer, "le petit train de la Piège" (voir étude dans Couleur lauragais n° 33, juin 2001) permet la spécialisation dans la production d’avoine ; depuis Castelnaudary, ce grain gagnait Narbonne et Béziers et nourrissait les chevaux travaillant le vignoble du Bas Languedoc. Une autre spécialisation : l’élevage des moutons de race lauragaise qui a perduré jusqu’en 1985, date à laquelle j’ai vu le dernier troupeau lauragais, 60 brebis, du côté du village de Lafage, sur la D 325, les Cazazils, Mirepoix ; une race très rustique qui a disparu par fusion avec la race de Lacaune (Roquefort) ; les brebis pâturaient une herbe insipide sur les bas côtés de la route.
La Piège a conservé un caractère naturel très original avec un silence impressionnant, pas de chant de coq ni hurlements d’un chien ; la circulation sur les petites routes est rare, sauf en juillet où l’on croise régulièrement des moissonneuses. C’est une des régions les plus pittoresques du Lauragais, avec la Montagne Noire au Nord de Revel ; le lac de retenue de la Ganguise, près de Belflou est une merveille par sa délicieuse couleur bleu pastel ; des travaux achevés en 2005 ont exhaussé la digue de 6 mètres permettant de doubler le volume de la retenue, de 22 millions de m3, on atteint 40 millions.


Collines de la Piège

L’histoire de la Piège : terre cathare
La Piège est une région mise en valeur très tôt par les hommes avec des sols légers faciles à travailler ; les paroisses chrétiennes apparaissent avec les débuts du christianisme au 3ème siècle après Jésus Christ et au Moyen Age (12 et 13ème après J.C) elles sont imprégnées par le catharisme (1) comme l’ensemble du Lauragais.
Les évêchés cathares sont nés à Saint Félix en 1167 et les derniers hérétiques se cachent vers Verdun-Lauragais, dans les bois du Tenten. La Piège a été un refuge pour l’hérésie ; Baraigne paraît être la première communauté à posséder des adeptes de la nouvelle religion, avant l’arrivée des premiers Croisés en 1209 ; de nombreux cathares y vivent comme Raymond de Baraigne et Guillaume de Baraigne (ces noms sont tirés des registres d’enquêtes de l’Inquisition).
A Saint Michel ils prêchent dans des maisons appartenant à la noblesse mais où assiste le curé du lieu : Arnaud Baron ; à Marquein le seigneur Bernard de Marquein reçoit le consolamentum avant de mourir ; Montauriol abrite une communauté cathare, les Parfaits y vivent sans se cacher ; à Mayreville le Parfait Bernard de Mayreville est bien connu ; par contre la Louvière et Fajac n’apparaissent jamais dans les procès de l’Inquisition.

Remarques sur les bastides, les châteaux et églises de la Piège
Les bastides sont des villages neufs créés au 13ème siècle dans une nature vierge, une forêt généralement ; le plan d’urbanisme, les rues rectilignes, les murailles, les portes (deux le plus souvent, une d’autan, l’autre de cers), la place, les couverts (garlandes à Revel) sont dessinés sur le sol avant de construire les maisons et d’attirer les nouveaux habitants en leur accordant des franchises (avantages financiers) ainsi Villefranche. Fondées par le roi de France ou le comte de Foix (Mazères et Mirepoix), elles sont le symbole de l’implantation du pouvoir royal dans ce Lauragais hérétique et hostile au roi. Nombreuses en Lauragais : Revel, Saint Félix, Labastide d’Anjou, Villenouvelle, Labastide Beauvoir, on en compte quatre dans la Piège : Salles, Molandier, Labastide de Coloumat, Ribouisse ; Mirepoix et Mazères, parmi les plus belles et les mieux conservées, sont hors du Lauragais.


L'église de Ribouisse


Fondée en 1271 par Alphonse de Poitiers, Salles commande deux vallées : c’est un lieu stratégique important ; à côté du château primitif - l’un des plus anciens du Lauragais, 11ème siècle ? - les rues rectilignes ont conservé leur tracé initial. Molandier et son clocher percé de onze baies campanaires est trop proche d’une autre bastide, Mazères pour se développer ; même chose à Labastide Coloumat et Ribouisse.
De nombreux châteaux, la plupart inconnus du grand public, parsèment la Piège ; parmi les châteaux du pastel, retenons comme absolument remarquables : Baraigne, Marquein, Fajac la Relenque (sur la commune de Marquein) ; Belflou a été magnifiquement restauré en 2005.
Eglises et chapelles sont romanes (1000 - 1200) comme Montferrand, Baraigne, Cazalrenoux, gothiques comme Salles, Saint Michel.
Des stèles discoïdales (voir Couleur Lauragais avril 2006) se dressent dans les vieux cimetières. La chapelle du cimetière de Saint Cristol (Fonters) est remarquable par ses arcatures lombardes ; des portails romans : Gaja la Selve et Belpech ; la chapelle des Cazazils est surmontée d’un curieux clocher mur en peigne, identique à celui de Plaigne.

Nous vous présentons quelques circuits de découverte, 4 en partant de Castanet (orientés Est-Ouest), 2 en partant de Revel et orientés Nord Sud.

Circuit A : Castanet - Gardouch Salles - Payra - Laurac le Grand - Bram
Castanet : église du 19ème siècle, clocher octogonal, belles peintures à l’intérieur. Gardouch : racine Gar que l’on retrouve dans Pic du Gar et Garonne ; gar = rocher. Salles : bastide de 1271 ; château forteresse très ancien, 12ème ? avec belle salle sur croisée d’ogives ; beau clocher typique des clochers murs pignons triangulaires du Lauragais ; un détail tragique, sur le monument aux morts de la guerre 1914-18 sont inscrits les noms des survivants de la "boucherie", mais disparus en 1919-20-21 ; ils sont aussi nombreux que durant la période des combats ; c’est le symbole, atroce, de la disparition des jeunes de Salles durant la guerre et l’après guerre. A Saint Michel sont honorés les morts de la guerre franco-prussienne 1870-1871 : 6 disparus, tous des paysans occitanophones. L’église de Payra possède un très beau portail roman, un château du pastel avec de très belles fenêtres à meneaux ; à 5 km au Sud Est, au lieu dit "La Tour" se dresse le château d’Antioche, haut lieu de l’histoire du catharisme ; en 1242, les chevaliers faydits (exilés) descendent de Montségur avec à leur tête Pierre Roger de Mirepoix et se précipitent vers Avignonet pour exécuter les Inquisiteurs ; ils ont passé la nuit ici, à Antioche ; la conséquence principale du massacre sera la chute et la disparition de Montségur. Plus loin, Laurac le Grand a donné son nom au Lauraguès, c’est-à-dire la région autour du castrum et possession de la puissante famille des Laurac ; de cette famille une femme est restée célèbre : Guiraude, jetée vive dans un puits par les Croisés de Simon de Montfort au siège de Lavaur en 1211. Dans le village actuel il faut voir le site depuis le Puy de Faucher, grimper à l’église qui occupe l’emplacement de l’ancien château disparu, écouter battre le coeur du Lauragais médiéval, découvrir" le mur de Blanche", vestige de l’ancienne forteresse. Bram est une circulade, c’est-à-dire un village rond avec des rues concentriques entourant l’église ; la bourgade est célèbre par les atrocités commises par les Croisés qui crèvent les yeux des prisonniers occitans sauf un, celui qui conduira les mutilés au château de Cabaret.


L'église de Payra possède un très beau portail roman (circuits A et D)

Circuit B : Castanet - Gardouch - Saint Michel de Lanès - Belflou et la Barthe - la Ganguise - Marquein - Mazères
A Saint Michel, il faut voir le monument aux morts, l’église et son clocher ; au cimetière, contre le mur, en entrant à gauche, une belle collection de stèles discoïdales. Le lac de la Ganguise sera très bientôt le plus vaste et en volume le plus grand du Lauragais ; sa belle couleur bleue est unique. A Belflou le château du village date de la belle époque du pastel (16ème) et est admirablement restauré ; au château de la Barthe, allez admirer la plus célèbre stèle discoïdale : "l’homme de Belflou". A Mar-quein, une stèle est fichée sur le mur du cimetière ; un énorme château (16ème) a été un centre de l’insurrection royaliste de 1799 ; un autre château, appelé de Fajac La Relenque, et aussi du 16ème (âge d’or du pastel) se situe, non pas sur la commune de Fajac, mais sur celle de Marquein. Mazères est une bastide fondée par le comte de Foix, classique, avec son plan orthogonal ; belle église en briques foraines ; le château a disparu.


Le lac de la Ganguise

Circuit C : Castanet - Salles - Fajac La Relenque - Belpech
Pour Salles, voir le circuit A ; Fajac La Relenque est un village minuscule : 263 habitants en 1831, 52 en 1995 ; sous la Révolution, le seigneur de Fajac, François Joseph de Marquié, président au Parlement de Toulouse est arrêté, jugé à Paris et guillotiné en Prairial an II (1794). Au Sud Est, Labastide Couloumat ne s’est pas développée. Belpech est un gros bourg, très commerçant avec de grosses foires au gras, en décembre, où se vendent d’énormes quantités de chapons, foies gras, ... L’église est très riche avec un portail roman, le plus complet et le plus beau du Lauragais ; à l’intérieur, de nombreuses stèles et le tombeau d’un évêque d’Avignon : Jean de Cojordan ; recteur d’Antioche, il est le chapelain du pape Benoît XII qui le fait évêque d’Avignon puis de Mirepoix. Ce pape était originaire de Canté près de Cinte-gabelle.


Circuit D : Castanet Payra - Antioche - Fonters du Razès - Cazalrenoux - Lafage - Les Cazazils - Mirepoix
S’arrêter à Payra : le portail de l’église, le château ; Antioche est 5 km au Sud Est ; se promener dans ce site historique, dans les bois silencieux et riches de champignons en septembre. Fonters : se décompose en font = source, et ers = Hers (mort) qui prend sa source ici ; au cimetière de Saint Cristol très belle chapelle romane avec des arcatures lombardes. Aller à Cazalrenoux avec une église forteresse, du 12ème (?) sans ouverture. Revenir à Lafage, prendre la route des Cazazils-Mirepoix ; aux Cazazils belle chapelle isolée avec un clocher mur peigne, comparable à celui de Plaigne.


La belle chapelle isolée de Cazazils, avec un clocher mur peigne

Circuit E : Revel - Saint Félix - Montmaur - Avignonet - Saint Michel - La Ganguise - Salles - Belpech - Plaigne - Mirepoix
A Revel, voir la place, la halle centrale, les couverts ; à Montmaur : château forteresse du 16ème. Avignonet : église gothique, clocher tour octogonal (copie de Saint Sernin de Toulouse). Pour les autres villages il faut consulter les circuits précédents. A Plaigne, un clocher peigne, des stèles ; ce village a été le siège d’une commanderie d’Hospitaliers.


Les rues de Belpech

Circuit F : Revel - Montferrand - Baraigne - Payra - Antioche - Laurac - Fanjeaux
A Baraigne, voir l’église et le château ; au Nord du village naissance du Fresquel. A Fanjeaux, l’église est gothique, voir la fameuse poutre rescapée du miracle du feu (13ème), la maison de Saint Domi-nique, le monastère de Prouille ; à l’entrée de l’allée de platanes, une motte a supporté le premier moulin à vent du Lauragais (1206).

Ami lecteur, allez vous balader dans la Piège inconnue.

Jean ODOL

(1) Anne Brenon : "La Piège, terre cathare" 1997 dans Vilatges Al Pais canton de Salles

Bibliographie :
Francis Poudou : "Le canton de Salles sur l’Hers", (à la mairie de Salles)
A. Armengaud : "Le canton de Belpech", MJC Belpech 1991
Crédit photos : Couleur Média

Note :
Pour localiser ces diverses communes, vous pouvez utiliser la carte Michelin, nouvelle présentation, Haute Garonne et Ariège n° 343, échelle 1/150 000.

Couleur Lauragais n°83 - Juin 2006