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Couleur Lauragais : les journaux
Histoire

L'église de Belberaud et les fresques du Pastel de 1505

Belberaud est un petit village de 1200 habitants environ en pleine expansion démographique ; partout surgissent des maisons isolées et des lotissements ; situé à quelques 10 kilomètres de Labège Innopole, Belberaud vit dans l’orbite dynamique du Sicoval et de l’agglomération toulousaine. Son église si complexe est particulièrement intéressante à étudier par les différentes phases de sa construction, depuis une partie romane pour terminer au 19ème siècle ; l’essentiel réside en de splendides fresques de 1505. L’église est dédiée à St Jean Baptiste.


Le portail roman de l'église
de Belberaud (1120)


L’art roman en Lauragais

D’une première église il demeure un portail roman de 1120, avec 4 chapiteaux intéressants.
L’art roman est peu représenté en Lauragais avec cependant quelques belles églises comme celles de Baraigne (la plus complète), Cazalrenoux (fortifiée), Notre Dame de Noumérens (commune d’Auriac avec un beau chrisme), la chapelle du cimetière de Saint Christol (commune de Fonters du Razès), la chapelle des Cazazils (commune de Lafage), l’église de Saint Pierre d’Alzonne (commune de Montferrand), la chapelle de Cadenac (commune de St Félix), une partie de Saint Pierre de Venerque, une partie de la cathédrale de Saint Papoul (chapiteaux et modillons du Maître de Cabestany).

Le portail roman

Les portails romans sont ceux de Payra sur l’Hers, surtout Belpech et Belberaud. Ici l’auteur des chapiteaux s’est inspiré de la porte des Comtes de la basilique Saint Sernin de Toulouse ; ils sont en pierre et fortement érodés ; face à l’entrée, à gauche une représentation de "l’homme à la bourse" (un avare ou un usurier) en proie aux attaques de 2 dragons qui lui dévorent la tête puis un chapiteau non historié, avec des feuilles d’acanthe ; à droite on observe le châtiment de l’homme luxurieux torturé par des fourches crochues qui lui déchirent le sexe, et qui ont presque disparu ; vient ensuite la tentation d’Eve par laquelle le Mal s’est introduit dans le monde "ce péché du monde qu’illustrent la luxure et l’avarice" (Marcel Durliat) ; Adam est séparé d’Eve par le Serpent assez bien conservé. Le portail de Belberaud est assez loin de présenter la qualité de ceux de Payra et de Belpech ; il reste cependant une très belle pièce du Lauragais roman.


Saint Jean Baptiste

Le pastel, support financier des fresques de l’église

Quelques remarques sur le pastel en Lauragais et à Belberaud pour comprendre la date des fresques : 1505. Le pastel est une plante dont les feuilles contiennent un élément chimique qui permet de teindre en bleu les tissus de laine ; le pastel du Lauragais est le meilleur par ses qualités, ce qui explique qu’il est utilisé dans toute l’Europe ; les grands propriétaires producteurs accumulent d’énormes fortunes et construisent les admirables "châteaux du pastel" (une soixantaine en Lauragais), les hôtels de Toulouse (Bernuy, Assézat) et les fresques de Belberaud. 1505 correspond "à l’âge d’or du pastel" (1450-1562).

Quelques remarques sur l’église

L’église Saint Jean Baptiste semble présenter deux grandes phases de construction ; d’abord un bâtiment roman (période de 1000 à 1150) dont nous avons conservé seulement le portail, puis une deuxième église dont l’essentiel est du 16ème siècle ; le clocher est récent car octogonal, il correspond à un projet de 1875, par l’architecte toulousain Auguste Delort, qui a construit Saint Aubin de Toulouse, dessiné les clochers de Montbrun, Corronsac, Escalquens. La nef est de plan basilical à 3 travées dont la dernière, près du choeur est plus étroite que les deux premières ; la voûte repose sur des croisées d’ogives classiques, à nervures chanfreinées ; l’ensemble est du 16ème siècle. Le choeur est également voûté sous croisée d’ogives. "Une somptueuse table de communion en fer battu des 17ème ou 18ème siècle" sépare le choeur de la nef ; elle est classée Monument Historique.

Des fresques très belles et inconnues


Découvertes en 1970, elles ont été restaurées et sont classées, comme l’ensemble de l’église, Monument Historique ; connues seulement par quelques spécialistes, nous présentons quelques illustrations de ces chefs d’oeuvre, de la chapelle de la Vierge et de la partie supérieure du mur qui sépare la chapelle de la nef.
De plan pentagonal la chapelle est entièrement couverte de fresques ; elles sont datées dans une bande sous la scène du panneau axial : "A (n M) V C et V foc feyta la... ", ce qui signifie "An Mille Cinq Cent et Cinq fut faite la" ... 1505.
Sur le panneau de gauche "une crucifixion sur un fond de ciel tourmenté, le soleil et la lune".
Le second panneau est le plus intéressant : on l’appelle "la pécheresse chez Simon le Pharisien" ou encore "le repas chez Simon", c’est à dire l’épisode du chapitre 7 de l’Evangile de Luc ; la table mise, Jésus se tient au centre entre Simon et une femme à droite ; "sous la table la pécheresse oint les pieds de Jésus, les mouille de ses larmes, selon le seul texte de Luc et l’écriteau en occitan, puis les essuie de ses cheveux".
Au quatrième panneau, il s’agit de la cérémonie du couronnement de Marie Madeleine ; de part et d’autre deux curieux masques.

Au dessus de l’autel, une Assomption ; au revers de l’arc d’entrée, un saint Jean Baptiste ; sur l’intrados plusieurs médaillons, des portraits. Enfin, sur le mur de la nef une illustration de la Résurrection, avec des textes en occitan, d’autres en latin.


La crucifixion


Têtes peintes sur le mur entre la
chapelle de la vierge et la nef


Pieta et fresques murales


Repas chez Simon autour de Jésus


Marie Madeleine

Ami lecteur, si vous êtes intéressé par le patrimoine inconnu du Lauragais, ne manquez pas de vous rendre à Belberaud pour y admirer ses fresques de 1505.

Jean ODOL

Pour en savoir plus :
M. Gironce : "Les églises du canton de Montgiscard" 2005
M. Durliat : notes sur le portail de Belberaud dans "Languedoc roman"

Crédit photos : Jean ODOL.

Couleur Lauragais n°78 - Décembre 2005/Janvier 2006