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Couleur Lauragais : les journaux
Histoire

Petite Histoire des Chemins de Fer Revélois


Nous sommes à la fin du XIXème siècle, les moyens de transport routiers sont encore très précaires ou inexistants. Mais les chemins de fer se développent depuis quelques décennies assez rapidement, reliant les grandes villes de notre territoire. Dans le précédent numéro, nous avons vu que notre petite cité était desservie avec les gares de Castelnaudary et Castres par un chemin de fer déjà important (la Compagnie des Chemin de Fer du Midi). Mais beaucoup restaient à l’écart, les petites villes et villages, les zones rurales et les campagnes. C’est en 1879 que le ministre des travaux publics Freycinet décide de doubler le réseau de lignes de chemins de fer français.



Revel : la gare du Sud-Ouest
Crédit photo : Collection Jacques Batigne

Il inscrit trois milliards (de l’époque) à son budget national. Le département de la Haute-Garonne paraissant desservi en grandes lignes, ne réclama rien ?
Ce n’est qu’à partir des années 1880, que les habitants de divers cantons de notre département exercèrent d’énergiques pressions sur leurs élus, afin d’obtenir rapidement des voies ferrées qui faciliteraient leurs déplacements et l’écoulement de leurs produits.

La compagnie des chemins de fer du Sud-Ouest

Des projets à la réalité de la ligne Toulouse-Revel
En 1894, un premier projet voit le jour et trois ans plus tard, le 1er avril 1897, fut constituée la "Compagnie du Chemin de fer d’Intérêt Local de Toulouse à Boulogne-sur-Gesse". Puis toute la Haute-Garonne et les départements voisins seront sillonnés par ces voies ferrées départementales. L’idée de la création d’une ligne de chemin de Fer de Toulouse à Revel par Caraman remonterait au 10 février 1883, date d’un mémoire de nos archives communales. Celui-ci verra le jour une vingtaine d’années après en 1906.
Comme pour les autres projets et leurs réalisations, ces lignes furent créées et gérées par des sociétés privées, constituées avec des capitaux locaux et le soutien de subventions des communes et des départements. L’ensemble deviendra la "Compagnie des Chemins de Fer du Sud-Ouest".
Ces petits trains circuleront sur des voies étroites ou voies métriques, soit un mètre entre les rails (sur les voies du Midi et de nos jours encore cet écartement est de 1,436 m), en général sur des bords de routes, "en banquette" et ils suivaient, bien entendu leurs sinuosités, d’où leurs noms de "tortillards".
Les lignes de Toulouse à Castres et celle de Revel, par Lanta et Caraman, avec un embranchement vers Loubens, seront concédées à la Compagnie du Sud-Ouest et déclarées d’utilité publique au mois d’avril 1903, année du début de la construction.

La réalisation de notre ligne…
La longueur de cette ligne est de 52,673 km de la gare de Toulouse Saint Sauveur (sur les bords du Canal du Midi, au port du même nom) et l’embranchement de Caraman à Loubens de 9,786 km. Les différentes haltes, stations et gares seront : Station du Pont des Demoiselles, A.F (arrêt facultatif) de l’Ormeau, station de Montaudran, station de Fonsegrives, AF de Cizerolles, station de Montauriol, halte de Drémil Lafage, station de Caraman (qui était la gare de bifurcation la plus importante du réseau du Sud-Ouest avec ses quatre voies), arrêt de Villarel-la Salvetat, station d’Auriac sur Vendinelle, station du Cabanial, station de Saint Julia, station de Montégut, arrêt des Terrisses et le terminus la gare Sud-Ouest de Revel.



Cette ligne avait un profil particulièrement difficile avec des pentes et rampes de plus de 20 %, elle ne comportait qu’un ouvrage d’art notable. Celui-ci se trouvait à l’arrivée à Revel (ou au départ), la voie empruntait une rampe en courbe, enjambait les voies de la gare du Midi et deux chemins vicinaux, au même endroit, par un pont à tablier métallique de 18,50 mètres de long, le légendaire Viaduc de la "Vacherie". Ensuite elle descendait vers la gare du Sud-Ouest, installée et construite en face de la gare du Midi (de la ligne Castelnaudary-Castres), chacune étant de part et d’autre de l’avenue des "Deux Gares" (aujourd’hui avenue des Frères Arnaud). De Caraman se détachait un court embranchement en direction de Loubens qui desservait les stations de Mascarville et Vendine.

L’exploitation de notre ligne …
Ce fut une bonne ligne d’intérêt local, et en 1908, elle prit la seconde place du réseau départemental. Au trafic des voyageurs et marchandises (céréales, engrais, bétails, matériaux …) se greffait à certaines époques de l’année un trafic touristique important pour le lac de Saint-Ferréol et la Montagne Noire, mais aussi pour les foires et marchés. Notre "petit train noir" qui devait son nom à l’épaisse fumée qu’il dégageait, utilisait des locomotives à vapeur modèles : Corpet-Louvet type 030. Il roulait à une vitesse de 25 km/h, si bien que dans les montées l’on pouvait, paraît-il, descendre et remonter dans le train en marche… Les années passant, la concurrence se faisait sentir avec l’arrivée de l’automobile et des transports routiers, le trafic ferroviaire accusa une nette régression à partir de 1930.

Et ce n’est que grâce à une modernisation, par la mise en service d’autorails, modèles De-Dion-Bouton, que le trafic des voyageurs connut un regain d’activités, la vitesse étant passée à 53,50 km/heure, nous appelions ces nouveaux trains autorails des "Michelines". C’est en 1947 qu’ils s’arrêteront à jamais de musarder à travers collines et coteaux de notre Lauragais. Ce moyen de locomotion s’intégra et joua un grand rôle dans la vie de tous les jours, non seulement économique, mais aussi touristique et même folklorique, de nos aînés. Ceux-ci ont vécu de croustillantes anecdotes avec ce "petit train noir" ; comme par exemple ce jour du 15 avril 19… ?, le vol de la locomotive à vapeur dans son dépôt de Revel. Il fallait le faire...! Ou encore ce jour du 5 mai 1916 ; même si celui-ci tout aussi peu banal est amusant en soi, il eut malheureusement une fin tragique puisqu’il a fait une victime. La presse locale titrait le lendemain : "un train de voyageurs enlevé par le vent". C’était à Revel, par un très fort vent d’Autan !

"Train enlevé par le vent" : petit train du sud-ouest
Accident causé par le vent d’autan, le 5 mai 1916
Crédit photo : J. Rouanet
Article paru sur La Dépêche du 6 mai 1916

La Compagnie des Voies Ferrées du Midi

La création du réseau des Voies Ferrées Départementales du Midi
"…Arrivé trop tard et parti trop tôt. De Toulouse à Castres et à Revel, deux voies ferrées secondaires à voie métrique électrique ont fonctionné durant moins de dix ans ! Deux lignes ayant vu le jour trop tard et qui n’ont pas bénéficié du soutien local nécessaire à leur survie. Elles furent pourtant un modèle du genre en matière de chemin de fer secondaire". Ainsi titrait son récit Henri Domengie dans la vie du Rail (n°1897 du 09-06-1983) concernant la trop courte histoire de nos petits trains électriques, circulant en pays Revélois. Ces trois phrases résument à elles seules l’histoire de ce réseau de voies ferrées.
L’idée de la création d’un chemin de fer d’intérêt local desservant les communes situées entre Revel et Castres en longeant la Montagne Noire, remonte à plus d’une centaine d’années. Nous retrouvons dans les archives communales des correspondances échangées avec la préfecture du Tarn, comme celle datée du 11 mars 1898 : adressée au maire de Revel, par le préfet, elle engageait la commune par décision du Conseil Général du Tarn, du 5 janvier 1898, à participer financièrement à des études de création de lignes nouvelles de chemin de fer à voies étroites. Donc très vieille idée qui ne se concrétisera que trente années plus tard. Passons sur cette longue et difficile période de gestation, partant de la fin du siècle dernier, jusqu’en 1930, année de l’ouverture de la ligne. Période qui a connu sur ce sujet de très nombreuses rivalités entre ville et villages, administrations, assemblées locales et personnes, et enfin la guerre 14-18, qui viennent s’opposer à la réalisation de ce projet. C’est en 1924, que commencèrent les travaux de pose de rails, des deux lignes de chemin de fer, de Toulouse à Castres et de Castres à Revel.

Descriptif de la ligne
Longue de 33,821 km, cette ligne suivait les ondulations du terrain, en bordure des routes et chemins. Le point de départ à Castres était devant la gare du Midi. Elle quittait en voie commune, la sous-préfecture tarnaise par le boulevard de l’Arsenal, franchissait la ligne du Midi de Mazamet, en passage inférieur, traversant la route N 622 qu’elle longeait ensuite jusqu'à Saix, après avoir traversé l’Agoût sur le pont routier. Venait ensuite la halte de Longuegineste et la station de Beaupré, lieu de la bifurcation avec la voie de Toulouse. Après avoir franchi un pont de 12 m sur la rivière Le Bernazobre, elle se dirigeait vers Viviers les Montagnes au km 11,337. Puis après la halte de la Goutarié, arrivait à Verdalle au km 15,836. De là, elle rejoignait Massaguel au km 17,920, puis le hameau de la Rivière et la station de Dourgne au km 20,46. Après la halte de la Magdeleine, elle desservait la station de Saint Amancet au km 24,351, la halte de Cahuzac, venait ensuite l’arrêt facultatif (comme à toutes les haltes) de la Durétie, avant d’atteindre l’importante station de Sorèze au km 27,415. Un peu plus loin celle de Durfort au km 28,357, la halte du Pont Crouzet, puis enjambant le Sor, tout près de ce hameau, sur un pont métallique de 8 m, elle arrivait à Revel par le chemin de Carpinel, trouvait une dernière halte, route de Castres, avant d’entrer en gare au km 33,821. La gare était commune avec celle du Sud-Ouest, elle comportait trois voies V.F.D.M. parallèles aux trois voies du réseau Sud-Ouest, en relation également avec celle du réseau Midi. Un seul bâtiment spécifique au V.F.D.M, le dépôt de la machine de traction, qui existe encore de nos jours, à côté de celui de la locomotive à vapeur du Sud-Ouest. Les autres bâtiments, voyageurs et halles de marchandises étaient communs.

L’exploitation de "l’électrique

Ces lignes étaient électrifiées, nous les appelions "l’électrique" en désignant les trains qui circulaient sur ces voies. Les câbles d’alimentation ou caténaires étaient supportés par des pylônes en béton pour l’ensemble, mais aussi des pylônes en treillis métalliques étaient utilisés pour les ancrages. Ces câbles étaient alimentés par un poste principal à Beaupuy, qui recevait du courant triphasé de 60 000 volts. De là, le courant sortait en 30 000 volts et était dirigé sur deux postes secondaires de transformation à Soual, et Bourg Saint Bernard, qui fournissait du courant continu de 1575 volt. Le matériel de traction était composé pour l’ensemble de 7 automotrices à boggies, d’un poids de 32 tonnes, équipées par Alstom et construites dans les usines Horme-Buire à Lyon.


Motrice VFDM
Crédit photo : Collection Jacques batigne
Leur puissance maximale permettait d’atteindre la vitesse de 65 km/heure. Ces automotrices comportaient 33 places assises, dont 7 en 1ère classe et 26 en 2ème classe, avec fourgon et cabinet de toilettes. Avec un système électrique de chauffage, elles offraient donc un maximum de confort à cette époque-là. Ces lignes Castres-Toulouse et Castres-Revel donnaient entière satisfaction à tous les gens de notre petit pays.

Mais cela ne sera que de courte durée, le malheur fut que le réseau de voies ferrées arriva bien trop tard, il naquit au moment où la "route attaquait le rail...". Les derniers trains s’arrêteront de circuler sur ces lignes le 31 mars 1939.

Jacques BATIGNE

Une exposition de photos, cartes postales et plans sur l’histoire des chemins de fer revélois sera présentée par l’auteur, les samedi 30 avril et dimanche 1er mai, à la salle polyvalente de Revel, dans le cadre d’un grand Salon du modélisme, de la maquette et des modèles réduits : aérien, ferroviaire, nautique et patrimoine historique.

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