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Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'eau

Sur les pas de Riquet
En parcourant le Lauragais

Cette année 2004 marque le 400ème anniversaire de la naissance de Pierre-Paul Riquet à Béziers.
A cette occasion, Couleur Lauragais vous a invité dans son précédent numéro (n°64, juillet/ août 2004) à parcourir et visiter un circuit touristique en Montagne Noire, autour de la Rigole de la Montagne.
Toujours sur le thème "des pas ou traces" de Riquet, nous vous proposons aujourd’hui de suivre comme axe de référence "le fil de l’eau" de la Rigole de la Plaine, afin de découvrir et visiter de part et d’autre de celle-ci, les villes et villages, les sites monuments et curiosités.
En partant de Revel, où Riquet vécut un douzaine d’années, suivons notre "moïse du Languedoc", jusqu’au Seuil de Naurouze, où sur ce lieu mythique des pierres légendaires, un solennel hommage lui est et lui sera toujours rendu !....


Sur la vallée de la rivière le Laudot
En aval du barrage-réservoir de Saint-Ferréol (où nous avions arrêté notre balade dans le précédent parcours touristique), suivre par la route D79 le lit de la rivière le Laudot. Ceci vous amène à quelques kilomètres, au charmant village de Vaudreuille au célèbre passé historique. Cette histoire où sont associés deux noms de familles, non moins célèbres, celle de Riquet et celle de la province du Québec au Canada, où se trouve une petite ville du même nom de Vaudreuille.


Le Château de Vaudreuille
Crédit photo : Denis Esteve

Le château et la chapelle Saint-Martin du XVèmesiècle en sont les témoignages bâtis. Les seigneurs du lieu, comtes et marquis, les Rigaud de Vaudreuil, furent une grande et vieille famille féodale du Lauragais. L’un d’eux, Jean-Louis vicomte de Vaudreuil (né le 14 février 1763) épousa Pauline-Victoire de Riquet Caraman (née le 7 mai 1764). Ce mariage qui unissait les deux grandes familles eut lieu le 1er mai 1781. Les Rigaud de Vaudreuil étaient de grands officiers et navigateurs de la marine royale ; ils se sont illustrés dans les Antilles et au Canada. L’aïeul de Jean-Louis, Philippe, mort au Québec le 10 septembre 1725, fut pendant 22 ans, gouverneur du Canada. Appelé "le Grand Marquis", il a voulu que son coeur repose dans la chapelle familiale, dans son village d’origine le Vaudreuille de chez nous. Celle-ci dédiée à Saint-Martin est aujourd’hui ruinée, mais porte encore d’anciennes fresques du XVème siècle. L’une d’elles représente un détail du festin d’Hérode 1er le Grand, le roi des juifs de -37 à -4 ans avant J.C., qui régna en s’appuyant sur les romains (classée monument historique).
Le château partiellement incendié il y a quelques années ne se visite pas.
En suivant la rivière, après les moulins, ancien et moderne, vous arrivez à un carrefour hydraulique important de l’alimentation du Canal du Midi, l’ancienne écluse des Thomasses. C’est là que ce fait la jonction de la rivière le Laudot avec la Rigole venant de Revel et où sont régulées et quantifiées les eaux en direction de Naurouze. Nous sommes au déversoir du Laudot, très bel ouvrage, à l’altitude de 218 m.

Sur la vallée de la rivière le Sor
Ce qui vous ramène par la route D85 au départ de cette Rigole de la Plaine. A la sortie du village de Durfort, cette rivière affluent de l’Agout et du Tarn ensuite, à fort débit d’eau débouche sur la plaine revéloise à l’altitude de 260 m. Après avoir fait tourner d’anciens moulins-forges en amont du village, en aval ce sont des moulins à grains que nous trouvons, dont certains sont encore en activité. Toujours sur le Sor au hameau et lieu dit le Pont-Crouzet, une dérivation sur cette rivière, composée d’une chaussée bâtie et de vannes, dirige l’eau vers le ville de Revel, distante de 3 km. C’était son ancienne et unique alimentation jusqu’à une période relativement récente de nouvelle adduction d’eau dans les années 1940. Cette vieille "rigole des moulins" arrive et débouche au sud-est de la ville, à l’altitude de 225 m au lieu-dit "le moulin du Roy". Un ancien moulin s’y trouve et aurait été construit par Riquet. Nous trouvons ensuite un grand bassin rectangulaire nommé "Port Louis", car il fut un ancien port du temps de la navigation, au départ de cette rigole de la Plaine, en direction du Canal à Naurouze, aux XVIIème et XVIIIème siècles (CL n° 19).
Vous entrez à présent dans la ville de Revel par la route D85 et D1 en suivant. C’est une ancienne bastide fondée en 1342 par Philippe VI de Valois. Cette cité médiévale a su garder le caractère original de sa construction, elle a été conçue symétriquement autour d’une place centrale. Toutes les rues se coupent en angle droit aboutissant en son centre, où l’on découvre une vaste halle du XIVème siècle, couverte de milliers de tuiles roses (classée monument historique). La charpente aux poutres séculaires supportée par une "forêt" de piliers en bois est un véritable "chef d’oeuvre de l’art populaire". Elle est surmontée d’un beffroi (reconstruit en 1830) qui fut pendant des siècles la maison commune avec sa tour de guêt, sa salle des consuls et sa prison. Cette place, bâptisée du nom du fondateur de la bastide, Philippe VI de Valois est entourée de galeries à arcades, lieux prévilégiés des commerces.


Les Halles de Revel
Crédit photo : Collection Jacques Batigne

De belles demeures des XVIIème et XVIIIème siècles la bordent. Comme dans les rues adjacentes, de vieilles maisons à encorbellements et colombages dévoilent le mariage réussi du bois et de la brique. Là, comme il y a plus de six siècles et demi, se tient (le samedi) le marché, classé aujourd’hui parmi les cents plus beaux de France. A voir l’église du XIXème siècle plusieurs fois détruite et reconstruite. A proximité l’hôpital-hospice, Jean-Joseph Roquefort, bienfaiteur de la ville au XIXème siècle.Tout comme l’hôtel de ville, ancien collège où Vincent Auriol (1884-1966) fils de boulanger fut élève ; devenu en 1947 le premier Président de la IVème République Française. Dans quelques rues sont à découvrir d’anciennes fontaines (non alimentées) de 1823, dont une porte l’inscription : "Fne de l’Ile d’Elbe 1833" ; à l’entrée des allées, une belle fontaine en bronze celle des "Trois grâces" d’où jaillit de l’eau. De nos jours, cette cité de 8 000 habitants, tous en conservant jalousement et en protégeant efficacement la vieille ville, a suivi l’évolution nécessaire et indispensable à la vie d’aujourd’hui. Elle s’est équipée de bâtiments publics modernes, de nouveaux lotissements, de quartiers d’habitations avec des espaces verts qui la rendent agréable à vivre.
L’artisanat tient une très grande place dans l’activité économique locale avec outre le meuble d’art et la marqueterie de réputation internationale, les laques et dorures sur bois, les tapisseries, les ateliers de restauration de meubles anciens et d’antiquités, les ferronneries d’art, le travail du bronze, les artistes artisans de la céramique et de la corne...
Les industries locales, sont connues du monde entier : agro-alimentaires et diététiques, conserveries, tuileries et briques réfractaires, céramiques et carrelages...
Ces nombreux artistes créateurs joignent leurs efforts à nos agriculteurs pour présenter des fabrications de hauts niveaux aux produits du terroir de grandes qualités.
Avec le site de Saint-Ferréol, station balnéaire en moyenne montagne vous y trouverez une restauration et un hébergement de choix, centres d’accueil et campings...
Laissez le cours d’eau de la Rigole de la Plaine qui serpente à présent dans le plaine lauragaise, le "pays de Cocagne", et par la route N 622, rejoignons le village de Saint-Félix Lauragais. Gros bourg perché à 336 mètres dont l’histoire se perd dans la nuit des temps. L’ancienne cité, héritage d’un camp romain, était située sur la "butte des trois Moulins" au nord de l’actuelle petite ville.
Possession des seigneurs des Trencavel, Vicomtes d’Albi, Béziers et Carcassonne aux XIIème et XIIIème siècles, elle aurait été le siège du Concile Cathare, en 1167, pendant la Croisade contre les Albigeois et fut prise par Simon de Montfort en 1211.


La Halle de Saint Félix Lauragais
Crédit photo : Lycée agricole Auzeville

L’actuel village est une ancienne bastide avec sa place centrale où s’élève la halle et son beffroi (fin du XIIIème et début du XIVème siècles). La cité s’ouvrait sur trois portes (dont l’une subsiste encore) et s’appuyait sur son imposant château du XIVème et sur la belle église collégiale du XIVème siècle également. Celle-ci possède des orgues de Rabiny (XVIIIème s.), dont la nef au plafond de bois peint, donne une accoustique incomparable. Ville natale du célèbre musicien et compositeur Déodat de Séverac (1873-1921). Sur place l’on peut visiter sa maison natale. A voir sur cette place de vieilles maisons à colombages ; dans la rue principale la "Commanderie", vieille et belle demeure (XIIIème s.) qui abritait le Chapitre collégial composé de 12 chanoines et d’un doyen, créé par le pape Jean XXII. A voir à la sortie jouxtant le cimetière la chapelle St Roch, avec des modillons incrustés dans les murs et de nombreuses traces de moulins à vent.
Nous considérons que les fêtes historiques de la "Cocagne" qui s’y déroulent tous les ans et sa gastronomie font partie du patrimoine.

Sur la vallée de la rivière le Fresquel
Retrouvez le cours d’eau artificiel de la Rigole au lieu-dit "Lac de l’Enclas", par la route D 43, en traversant le hameau de Cadenac et sa chapelle ancienne. Ici, aux environs du pont Canal du chemin de fer, construit en briques rouges vers 1860, se trouve le "Seuil de Graissens", où par une tranchée creusée sur la rigole l’eau qui coulait jusque là sur le bassin versant atlantique, passe sur le bassin versant méditerranéen, dans la vallée du Fresquel, affluent de l’Aude.

Par les routes D 43 pour la Haute-Garonne et D 117 pour l’Aude, vous traversez le joli village de Les Cassès. A l’entrée les ruines d’un couvent de clarisses avec la chapelle de Notre Dame des Anges (XIVème siècle). Devant l’église actuelle sont exposées une série de stèles discoïdales, avec un christ de type bogomille. Près du village, au sud-est, par un sentier l’on accède à l’emplacement de l’ancien château, construit sur un éperon rocheux dominant toute la plaine. Lieu où Simon de Montfort fit brûler 80 "parfaits", le célèbre "bûcher des Cassès", durant la croisade contre les Albigeois (XIIIème siècle). A voir, un moulin à vent en cours de restauration.


Les Cassès : Le Christ de type bogomille
Crédit photo : Jean-Luc Sarda

Par la route D 113, descendez jusqu’au village de Saint-Paulet. Son château dont les origines remontent au XIIIème siècle, fut une demeure où vécurent une grande et noble famille française, les de la Tour d’Auvergne. Pendant plusieurs siècles, il eut le privilège d’abriter et de conserver une relique célèbre, celle du "Coeur de Turenne". Voyons ce que dit la note accompagnant ce reliquaire composé d’un coffret de plomb revêtu d’un sac de velour vermeil en forme de coeur : "Ici est enfermé le coeur du très haut et très puissant Prince Henri de la Tour d’Auvergne, Vicomte de Turenne, Colonel Général de la cavalerie légère de France, Gouverneur de Haut et Bas Limousin et Maréchal Général du Camp et armées de Roi". A voir à l’intérieur du cimetière, des stèles discoïdales. Traversez le Rigole qui coule au pied du village et par les routes D113 et D58, remontez jusqu’au village du Montmaur. Nous découvrons son imposant château (comme les précédents il ne se visite pas) dans le style d’une forteresse du XVème siècle. L’église du XVIème siècle possède à l’extérieur du chevet quelques belles stèles discoïdales et la base d’un autel paléo-chrétien. (La stèle discoïdale est un monument monolithe taillé dans le grès ou le calcaire destiné aux champs funéraires ou cimetières datée dans le Lauragais du XIème au XIVème siècle - Lire l’ouvrage de Jean-Claude Huygue).
Rejoignez par la route D 1 le village perché de Mont-ferrand à l’altitude de 294 m (voir textes, photos et plan dans Couleur Lauragais n°64).
Tout en bas de ce village, traversez la route N 113 et vous arrivez sur le site mythique et historique de Naurouze dominé par l’obélisque érigée à la gloire de Pierre-Paul Riquet, au terme de notre promenade (voir textes, photos et plan dans Couleur Lauragais n°64)..

Jacques BATIGNE

Couleur Lauragais n°65 - Septembre 2004