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Couleur Lauragais : les journaux

Reportage

Les techniques traditionnelles de décoration du bâtiment

De nos jours, on constate un attrait de plus en plus important pour la qualité de vie dans nos campagnes lauragaises : vieilles bâtisses à restaurer, fermes traditionnelles, ou habitations plus récentes, et beaucoup d’entre nous rêvent aujourd’hui de rénover à leur goût leur lieu de vie. Une bonne raison d’évoquer dans ce numéro Spécial Immobilier - Habitat différentes techniques traditionnelles de décoration dans le bâtiment. Nous avons rencontré Violette Guiot que cette question passionne depuis plusieurs années. Elle a réalisé, à titre personnel dans sa propre habitation, de nombreuses restaurations et décorations. Elle a également participé, dans le cadre de chantiers école qu’elle a coordonnés, à la restauration de l’église de Beauville et de la salle des fêtes de Montbrun Lauragais.

Architecture du Lauragais
Crédit photo : Couleur Média

L’architecture lauragaise
L’architecture est l’expression d’une culture. En pays Lauragais le bâti ancien témoigne à la fois de l’intégration de l’homme dans son environnement et de l’utilisation de cet environnement par l’homme. C’est ainsi que les bâtiments anciens ont été conçus en fonction de leur utilité (ferme, pigeonnier, moulin, maison d’habitation), leur lieu d’implantation rigoureusement choisis en fonction du terrain et des vents, leur architecture liée au climat et les matériaux tirés de cette même nature. En Lauragais toulousain : briques foraines, cuites ou crues, galets sont à la base des constructions ; en Lauragais audois : la pierre remplace les briques. Enfin un peu partout le torchis, la terre crue, est utilisé lorsque les autres matériaux s’avèrent trop onéreux.
Restaurer un bâti ancien, c’est d’abord conserver ce qui en fait son charme et ses liens avec l’environnement (ouverture, matériaux utilisés, coloris) c’est aussi lui apporter un nouvel élan de vie en créant des aménagements et décorations reflet de ses nouveaux propriétaires. Mais il serait dommage de le dénaturer quant l’utilisation de produits et matériaux traditionnels s’avère plus beau, fonctionnel et moins cher que le béton et le faux rustique.

Staff, stuc et autres fresques murales
Certaines techniques anciennes du bâtiment avaient été largement oubliées mais sont aujourd’hui revenues au goût du jour. C’est notamment le cas de décorations comme le stuc, le staff, l’imitation de marbres ou de bois, les dorures, peintures et fresques murales, les mosaïques...


Staff
Crédit photo : Violette Guiot

Des techniques écologiques et souples d’utilisation
Ces techniques combinent en fait plusieurs avantages. Elles sont d’abord écologiques : grâce aux matières utilisées, le mur respire, il évacue plus facilement l’humidité et évite ainsi la formation de moisissures. Elles sont ensuite très souples et s’adaptent à tout type d’utilisation : plâtre, brique, béton, ciment, tous les matériaux, anciens ou plus modernes, peuvent être travaillés. Elles sont enfin et surtout moins toxiques que des peintures classiques, ce qui leur donne un atout majeur pour une utilisation sur des murs intérieurs.

La chaux, base de toute préparation
A la base de plusieurs de ces décorations, il y a la chaux (*). C’est un matériau utilisé depuis des millénaires pour protéger les murs des atteintes extérieures. C’est d’abord un très bon isolant à la fois phonique et thermique. La plus utilisée est la chaux aérienne ; très pure, elle est constituée en grande majorité de carbonate de calcium et de très peu d’argile et dont la propriété principale est de sécher et durcir au contact de l’air.

Les badigeons
On réalise avec cette chaux, des peintures aux propriétés désinfectantes et bactéricides, très utilisées en milieux chauds et humides. On y rajoute, des pigments, colorants d’origine minérale. Ces pigments se présentent sous forme de poudre qu’il faut mélanger à la chaux pour constituer l’enduit coloré. On obtient au final un badigeon, une peinture de base à la chaux, dont on se sert pour réaliser les décorations.


Peinture murale (peinture à la chaux)
Crédit photo : Violette Guiot

La mise œuvre d’une décoration
La mise en œuvre de ces matériaux est relativement simple. Les murs en brique crue ou en terre, traditionnels dans nos régions, ne nécessitent ni double cloison, ni grillage. Il convient donc de les préparer avant d’apposer les peintures en appliquant directement sur le mur très humidifié un gobetis qui bouche les trous et fissures, redresse le mur, égalise la surface tout en lui conservant un aspect rugueux indispensable à l’accroche des couches suivantes. Sur ce gobetis, se passent ensuite le corps d’enduit puis l’enduit de finition. Seuls les dosages de chaux et la granulométrie de sable varient.
Le mur préparé, il reste à choisir la technique de peinture.

Les techniques de décoration
La plus belle des finitions en stuc est certainement le "stuc marmorino" dont l’aspect final poli est inimitable. C’est une peinture ton sur ton qui permet de voir les sous-couches par transparence. D’origine italienne, elle permet de simuler la pierre, le marbre ou le bois sur n’importe quelle surface. C’est un mélange de poudre de calcaire (craie, marbre), de chaux éteinte (*) et de pigments colorants qui permet d’enduire des surfaces pour imiter ces différents matériaux.
Le stuc marmorino est bien sûr moins cher que ces différentes matières premières et permet donc d’obtenir, à moindre coût et sans quasiment aucune contrainte, une décoration originale.
De nombreuses techniques de peinture permettent toutes les folies, du stuc ton sur ton donnant une couleur unie et profonde, semblable à du velours, de balai, de l’impression jusqu’au marbre et à la fresque.
On peut y ajouter des décorations en staff, compositions de plâtre à mouler et de fibres de verre qui permet d’obtenir des formes variées. La technique de la mosaïque permet également de réaliser de belles décorations d’intérieur. On dessine d’abord un motif sur une feuille. Puis on colle des petits carreaux de smalte de Venise, un verre non lissé, sur une moustiquaire transparente. Il faut enfin placer cette décoration en la cimentant sur le mur.


Faux marbre (peinture à la chaux, Marmorino)
Crédit photo : Violette Guiot

Les restaurations locales
Ces techniques sont complémentaires et permettent la restauration de nombreux bâtiments avec un style qui peut être, suivant les cas, moderne ou plus traditionnel. Violette s’est engagée dans la formation de jeunes à ces techniques dans le cadre de chantiers écoles qu’elle coordonne. L’un de ces chantiers est actuellement en cours sur l’église de Beauville avec pour objectif de lui redonner un visage plus accueillant. Une couche de ciment avait été enduite sur une bande d’un mètre cinquante en bas des murs de l’église. Les murs ont donc été grattés, repris et rénovés pour faire place à de nouvelles décorations, capables de tenir plusieurs dizaines d’années.
A Montbrun Lauragais, c’est la salle des fêtes qui a servi de cadre pour ces jeunes en formation et qui a ainsi bénéficié d’une restauration avec rénovation des encadrements de fenêtres, utilisation de nouveaux carrelages …
La décoration permet de jouer avec la lumière, les couleurs, les formes et les volumes. Cela demande un peu d’apprentissage mais une personne ayant une certaine fibre artistique peut, avec un peu de patience, réaliser de très belles décorations. Violette n’en a jamais fait une activité commerciale. Par intérêt et par passion, elle s’est formée auprès de compagnons mais aussi et surtout en faisant preuve de curiosité : visites de musées, observation de bâtiments anciens, lectures d’ouvrages et consultation de sites internet spécialisés.

Mosaïques au sol en smaltes de Venise et marbre
Crédit photo : Violette Guiot
Mosaïque murale (Smaltes de Venise)
Crédit photo : Violette Guiot

Si vous êtes intéressés pour en savoir plus, vous pouvez rechercher sur Internet des informations sur ces différentes techniques qui y sont largement développées et expliquées.

Interview :
Pascal RASSAT

(*) la chaux est obtenue à partir d’un calcaire très pur porté à une température de plus de 1000 degrés. Par réaction chimique, le calcaire se décompose en chaux vive et en gaz carbonique. La chaux vive réagit au contact de l’eau par un fort dégagement de chaleur et se transforme en une poudre blanche appelée chaux éteinte. C’est ce type de chaux qui est utilisé pour les décorations du bâtiment.

 

Couleur Lauragais N°62 - Mai 2004