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Robert Linarès, artiste forgeron

Enfant, Robert Linarès s’intéressait déjà au travail du fer. Ce qui n’était au départ qu’une curiosité s’est transformé, au fil des ans, en véritable passion. Le talent aidant, Robert est devenu un sculpteur renommé capable de réaliser des sculptures en fer forgé aussi impressionnantes que surprenantes. Il habite aujourd’hui Montgiscard et Couleur Lauragais vous le présente.


Robert Linarès et son oeuvre : Le "Mécanisme du temps"
installé à la Cité de l'Espace - Toulouse

Une enfance audoise près de la forge
Robert Linarès est né en 1944 près de Marseillette, petit village de l’Aude. Ses parents sont agriculteurs mais ce n’est pourtant pas dans les vignes que Robert passe la plus grande partie de son temps. La maison familiale est en effet à proximité immédiate d’une forge et le travail du fer et du feu est suffisament impressionnant pour fasciner Robert et lui faire passer des heures entières à regarder travailler le forgeron.
Au bout de quelques années, la famille déménage dans le quartier toulousain de Croix-Daurade pour permettre aux enfants de poursuivre leurs études. Robert entame alors une formation d’électromécanicien puis, quelques années plus tard, intègre la marine nationale comme spécialiste radars. Dans les années 70, il est embauché par Thomson CSF qui deviendra quelques années plus tard Alcatel Space. " Il y avait, dans cette société, un département chaudronnerie où j’allais parfois pour discuter avec les techniciens et les regarder travailler : cela a encore renforcé mon intérêt " explique-t-il. Et Robert a plus que jamais envie de se lancer dans la réalisation d’objets en fer.

Les premières réalisations
L’occasion lui en sera donnée quand, jeune marié, il achète en 1972 une maison à Montgiscard. Pour des raisons économiques et comme il connaît déjà les bases du métier de forgeron, il décide de réaliser lui-même le portail de la maison et des luminaires. Il s’équipe avec le matériel de base et travaille ainsi sur une première série de pièces essentiellement utilitaires. Il constate alors une facilité dans la conception de ses premières pièces et ce succès l’encourage à aller plus loin. Robert se lance donc dans la conception de maquettes d’avions anciens en métal. Comme son activité de salarié d’Alcatel l’occupe à temps plein, il travaille le soir jusque tard dans la nuit dans son atelier pour découper, souder, meuler, travailler toutes sortes de fer et réaliser aussi bien de petits objets de décoration que de monumentales sculptures.


Robert Linarès au travail

Un garage comme atelier...
Robert travaille essentiellement à partir d’outils agricoles en acier qui lui sont donnés par des agriculteurs des alentours. Son atelier a peu à peu envahi la totalité des dépendances de sa maison de Montgiscard. Garage, remise ou même poulailler servent à entreposer ses outils : enclume, forge, marteau et autre matériel de soudure à l’arc.
D’un tas de fer rouillé, Robert apprend peu à peu à tirer le meilleur. Il ne prépare ni croquis, ni dessin mais connaît avant même de démarrer, les plus petits détails de sa prochaine sculpture. Au final, les formes qu’il obtient sont toujours fines et fluides, ce qui est surprenant pour des pièces aussi massives. Ces objets ne sont jamais peints mais gardent la couleur naturelle de leur acier d’origine. Cette couleur évolue avec le temps, prenant peu à peu une teinte patinée qui en fait tout le charme.

...la maison comme lieu d’exposition
La maison de Robert est devenue un lieu d’exposition permanent où chaque sculpture trouve naturellement sa place. Levez la tête et vous découvrirez ses premières réalisations : d’imposants luminaires en fer forgé. Dans le coin d’une pièce, admirez ce cep de vigne plus vrai que nature et ces grains de raisins constitués de billes de boîtes à vitesse polies et soudées une par une à la grappe dans un réalisme parfait. Dans le salon, une série de figurines encadre la cheminée et un bateau de plus d’un mètre de long trône sur l’un des murs.
Robert réalise aussi des séries. Lors d’un voyage en Norvège, Robert se passionne ainsi pour les trolls, petites créatures maléfiques de la forêt qui occupent une place centrale dans les mythes anciens et les contes norvégiens. A son retour en France, ils se lance dans une série de figurines de cinquante centimètres de haut environ représentant à la fois un troll moqueur et ironique et symbolisant une saison : printemps, été, automne ou hiver.


Cep de vigne

Troll

Les sculptures monumentales
Robert a également réalisé des sculptures imposantes de plusieurs mètres de haut. A la fin des années 90, il répond à un appel d’offre lancé par la Mairie de Toulouse dont l’objet est de créer une sculpture pour un rond point de la route de Seysses. Robert propose une maquette et apprend que son projet a été retenu. Intitulé "Périgée" (*), c’est une œuvre de plusieurs mètres de haut qui symbolise un satellite en orbite autour d’un globe terrestre. "Plus qu’une sculpture" ajoute Robert, "c’est un assemblage entièrement réalisé en inox, qui a demandé une somme de travail très importante".
La Cité de l’Espace fait également appel à lui pour une sculpture symbolisant le "mécanisme du temps", nommée "Idy". Elle accueille désormais les visiteurs à l’entrée de la Cité.
Pour Montgiscard, son village d’adoption, Robert a réalisé un "panier de la ménagère", sculpture de près d’une tonne qui trône désormais dans l’une des rues principales du village ainsi qu’un lutrin(**). Il a aussi conçu un lutrin (**) et un porte cierge en fer forgé pour l’église du village.
Pour chacune de ses sculptures, Robert façonne une forme mais inclut également toujours un objet symbolique, un second niveau de lecture que le public doit découvrir par lui-même.


Sculpture anonyme


Sculpture de bateau

 

Des expositions nombreuses
Ses réalisations, Robert les présente lors de nombreuses expositions dans tout le sud-ouest. S’il n’a pas compté le nombre de ses réalisations, il estime que plus de 100 sculptures sont sorties de son atelier. Certaines de ses sculptures ont été données à des amis ou des proches. "C’est toujours un crève-cœur de devoir m’en séparer" ajoute aussitôt Robert. Réaliser une sculpture est en effet une opération longue et prenante et on met toujours un peu de soi dans chaque œuvre. Sa récompense, Robert la trouve dans la reconnaissance de plus en plus grande du public ainsi que par les nombreuses médailles et prix qu’il reçoit régulièrement.
A la retraite depuis deux ans, Robert peut désormais consacrer plus de temps à sa passion. Le temps, en tout cas, que veulent bien lui laisser ses petits-enfants. Il passe désormais à son atelier un minimum de deux heures par jour. Dans ses projets notamment, une nouvelle exposition qui aura lieu d’ici la fin de l’année où il sera possible d’apprécier les réalisations de ce sculpteur passionné, créatif et talentueux.


Robert Linarès au travail dans son jardin

 


Interview :
Pascal RASSAT


(*) Point où se trouve un corps du système solaire lorsqu'il est le plus proche de la Terre
(**) Pupitre destiné à la consultation de livre souvent employé pour les usages et besoins religieux mais aussi domestiques


Crédit photos : Collection Robert Linarès
sauf photo de Trolls : Couleur Média

Couleur Lauragais N°57 - Novembre 2003