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Couleur Lauragais : les journaux

Balade en Lauragais

La route des Châteaux du Froment en Lauragais

Couleur Lauragais vous présente une étude synthétique et une carte inédite des châteaux dits du froment et construits aux 18ème et 19ème siècles ; nous préférons utiliser le terme de froment, plus précis, car au 18ème siècle, "les bleds" désignaient le froment mais aussi le seigle, le méteil ou l’orge. Toutes les communes du Lauragais possèdent plusieurs châteaux, très souvent 1, parfois 2 ou 3; comment s’y reconnaître? dégager leur date de construction, le type architectural auquel ils appartiennent ?

Les châteaux du Lauragais
Pour édifier des châteaux, des églises ou des pigeonniers, il est nécessaire de disposer de gros moyens financiers. Les capitaux sont parfois tirés de charges lucratives comme receveur des gabelles (c’était le cas de Riquet, le créateur du canal du Midi) ou une haute fonction au service du roi (c’était le cas du propriétaire du château de Ferrals, près de Saint Papoul), ou encore des offices au Parlement de Toulouse (la famille d’Ayguesvives par exemple). Plus souvent, c’est la vente de produits tirés de l’agriculture qui permettent les constructions; peu de produits donnent lieu à un commerce : le pastel au 14, 15 et 16ème siècle, le blé aux 18 et 19ème siècles, la laine: on oublie trop souvent que le Lauragais était une riche région d’élevage de moutons, avec une production massive de laine et de drap; deux centres commerciaux viennent d’être étudiés récemment (1) : Avignonet et Castelnaudary.


Château d'Ayguevives
Crédit photo : Jean Odol

Un classement des châteaux du Lauragais fait apparaître 4 types principaux :

Type A : châteaux-forteresses du Moyen-Age (1000 à 1300)
Le règne de l’insécurité conduit à bâtir des châteaux-donjons avec : pas ou très peu d’ouvertures. Si ouvertures, elles sont à grande hauteur et de petites dimensions ; épaisseur énorme des murs ; système de défense d’une unique porte avec herse, machicoulis, tours ; pièces habitées très petites, obscures ; tout est sacrifié à la défense. Exemple en Lauragais : le donjon de Salles-sur-l’Hers, le donjon clocher d’Auriac-sur-Vendinelle.

Type B : les châteaux du pastel (1300 à 1600)
Le pastel, sa production, sa commercialisation permettent la constitution d’énormes fortunes investies dans des châteaux, nous en avons repéré environ 70 en Lauragais : murs très épais, tours de défense aux angles, bouches à feu pour l’artillerie, appartements de plus grandes dimensions que dans le type A, fenêtres à meneaux de style Renaissance.


Château de Montesquieu Lauragais : château du pastel
Crédit photo : Jean Odol

Type C : les châteaux du froment (1680-1850)
Grâce au blé et à la laine, le Lauragais se couvre de châteaux (plus de 80) en briques vers l’Ouest, en pierre vers l’Est, plus d’organes de défense.

Type D : les châteaux composites
Beaucoup de châteaux sont élevés au 16ème siècle puis remaniés et complétés aux siècles suivants ; leur architecture est souvent difficile à étudier.

Le Lauragais pays du blé
Le blé (ou froment) est cultivé en Lauragais depuis le Néolithique, c’est à dire depuis l’apparition de l’agriculture dans nos collines, vers 6000 avant Jésus Christ ; les sols du terrefort sont particulièrement favorables au froment ; dans les autres régions c’est le seigle qui est la première plante cultivée, ou encore l’épeautre et l’orge, mais chez nous c’est le blé-froment qui donnera le pain blanc. Le blé est produit jusqu’en 1750 avec des rendements très faibles : 4 pour 1 en moyenne, c’est à dire que pour un grain semé on en récoltait 4. Le blé lauragais alimentait la ville de Toulouse et vers l’Est un trafic très faible se dirigeait vers Narbonne.

Le canal du midi permet d’exporter le blé
En 1681, le canal du Midi est ouvert à la navigation de Toulouse à Sète ; il s’agit d’une date fondamentale pour l’histoire économique et sociale du Lauragais. Le canal permet l’exportation du blé lauragais ; le prix des transports diminue de façon spectaculaire et le traffic s’accroît régulièrement de 1700 à 1790. Le prix du blé à Toulouse et dans le lauragais augmente sensiblement pendant cette période : c’est le premier âge d’or du froment. Des ports au blé sont construits à Castanet, Montgiscard, Ayguesvives et Baziège, Villefranche, Gar-douch, Renneville, Castelnau-dary, Bram. Pendant la seconde moitié du 18ème siècle (1750-1790), "la révolution des routes" organise tout un système de voies empierrées aboutissant aux ports du canal ; exemples : depuis Lanta le blé gagne Caraman, Villefranche et le port de Gardouch ; depuis Nailloux une route d’une largeur exceptionnelle (voir le pont sur la Thésauque) permet aux charrettes de gagner Gardouch qui devient un des plus importants ports du canal ; Castelnaudary reçoit les trafics d’un véritable réseau de routes ; depuis Castres par Revel, et le blé de la Piège ; Bram est un carrefour où aboutissent les blés de l’Ariège, de Pamiers par Mirepoix, Fanjeaux, Bram.
La société lauragaise est bouleversée par le recul du métayage et l’essor du maître valetage. Le Lauragais se couvre de châteaux, de maisons de maître, d’églises, de solides bordes en belles briques foraines. Le chemin de fer (1857) met fin à cette belle période économique.

Une carte des châteaux du froment
Couleur Lauragais présente une carte inédite de châteaux du froment, incomplète surtout pour la partie audoise ; nous avons recensé, environ 80 châteaux.
Recensement des châteaux, par canton : Lanta 10, Caraman 11, Castanet 5, Cintegabelle 1, Montgiscard 22, Revel 4, Villefranche 9.
Dans la partie lauragaise du Tarn 3, de l’Aude 3.

Remarques sur cette carte très incomplète :
a) Les châteaux sont très nombreux dans la zone d’influence de Toulouse et traduisent ainsi l’emprise urbaine sur les campagnes toulousaines proches. Les familles des grands propriétaires possèdent une maison à Toulouse et un château sur le domaine céréalier ; ces terres sont peu éloignées de la ville : 20-25 km, c’est à dire la distance qu’en un jour, une charrette à boeufs peut parcourir aller et retour, c’est par ce moyen que le propriétaire foncier envoie vers sa résidence toulousaine le blé, le bois de chauffage, volailles et cochons. Sur la carte, un arc de cercle depuis Toulouse et atteignant Baziège englobe la grande majorité des châteaux lauragais. Sur les distances plus longues, on utilisait des convois de mulets. Nailloux était un grand centre d’élevage de ces animaux et à la Saint Martin, venaient à Nailloux, des acheteurs andorrans et espagnols.
b) Le département de l’Aude apparaît presque vide ; cela traduit les lacunes de nos sources documentaires.

Quelques caractères architecturaux d’un château du froment


Château d'Issus
Crédit photo : Jean Odol

Les châteaux du blé ont des traits caractéristiques qui les distinguent nettement des constructions du pastel ; ils se ressemblent beaucoup et un coup d’oeil rapide permet de les identifier.
Ils sont inspirés du château royal de Versailles ; près de Toulouse, le plus célèbre est celui du Lycée Toulouse-Bellevue ou encore un autre Bellevue à Ramonville Saint Agne.
a) Le matériau utilisé est la brique foraine dans le Lauragais occidental, la pierre à l’Est, du grès ou du calcaire. La belle brique rouge est un matériau dur très coûteux car pour cuire la terre argileuse moulée et séchée il faut alimenter pendant huit jours un puissant foyer dans la tuilerie ; la quantité de bois brûlé est énorme : on dit que pour construire l’église de Montgeard il fallut déboiser une forêt de chênes de 50 hectares ! Dans les châteaux de briques les encadrements des ouvertures sont souvent en pierre.
b) Les toits sont en pente très douce et souvent invisibles cachés par une balustrade ; les cheminées peu nombreuses, sont de dimensions modestes.
c) Le plan général présente un corps principal rectangulaire et deux ailes perpendiculaires. La grande façade est toujours orientée au Sud. Les ouvertures sont nombreuses, sans aucun souci de défense, souvent, aux angles du château, des tours transformées en pigeonniers ou des machicoulis aveugles au dessus des portes ; les tours sont parfois crénelées mais il s’agit d’un simple décor. On compte généralement deux étages ; au premier les appartements du propriétaire ; au dessus, les chambres de la domesticité. Un parc est toujours présent, avec des espèces exotiques : chênes verts, cèdres, pins d’Alep.


Château de Mourvilles
Crédit photo : Jean Odol

Deux circuit de découverte
A - Un circuit dans le nord du Lauragais
En partant de Saint Orens, nous traversons Auzielle : voir le château du pastel, l’église ; Lanta : l’église, la rue des Nobles, le château du froment près de l’église ; au Bourg Saint Bernard : l’église ; à Loubens : le château du pastel avec ses remarquables bouches à feu ; Mascarville : le moulin à vent et la maison du meunier ; le Faget : le château au blé ; à Caraman : le vieux village, l’église, le pigeonnier lauragais devant la mairie ; Auriac-sur-Vendinelle : l’ancien donjon devenu clocher de l’église, une chapelle romane : Notre Dame de Noumérens ; à Saint Félix : le château, la place avec la halle, la collégiale ; Revel : la place, la halle, les couverts.


Château de Saint-Léon
Crédit photo : Jean Odol

B - Un circuit axé sur le centre du Lauragais
Depuis Castanet : il faut voir les églises du pastel avec Pompertuzat, Donneville, Montgiscard, Baziège ; les châteaux d’Espanès, Roqueville, Ayguesvives (un du pastel, un autre du froment) ; pousser jusqu’à Nailloux et Montgeard (un château du blé, une très belle bastide), Caignac (un château des Hospitaliers) ; surtout Marquein : une splendide construction du 16ème.

Jean ODOL

(1) Gilbert Larguier : "L’or blanc au pays de cocagne" Annales du Midi - décembre 2001

Couleur Lauragais N°54 - Juillet/Août 2003