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Couleur Lauragais : les journaux

Balade en Lauragais

Balade de Castanet à Montgiscard A la découverte des villages des collines

Le Lauragais historique, c’est à dire l’ancien comté créé par Louis XI en 1477 et l’ancienne sénéchaussée fondée par la comtesse de Lauragais Catherine de Médicis, est surtout connu par les monuments situés près de la grande route de Castanet à Castelnaudary et Bram, comme les églises de Baziège et de Villefranche, les bastides de Villenouvelle et Labastide d’Anjou. Cependant, des villages loin de l’axe majeur sont passionnants à découvrir, avec des trésors totalement inconnus comme des pigeonniers classés monuments historiques, des châteaux du pastel, des fresques de 1505 (pastel) ; des tableaux "de l’école italienne" ou un monument aux morts avec le nom d’une femme ; un peu plus loin un autre monument avec des vers du poète Aragon. Dans ce numéro, Couleur Lauragais vous invite à le suivre du côté d’Espanès, d’Issus ou de Vieille Toulouse, une région méconnue.


Eglise de Castanet

Terres à pastel et à froment
Les sols de ces collines sont d’une fertilité naturelle exceptionnelle ; par contre la vallée de l’Hers très humide, marécageuse était le domaine des prairies dont l’herbe était particulièrement recherchée pour la nourriture de bovins sous-alimentés au 18ème siècle. Les terreforts ont porté, et portent toujours, au 16ème siècle de belles récoltes de pastel, au 18ème de froment et du maïs ; ces produits avaient la possibilité d’être acheminées vers Toulouse par l’antique voie romaine (via aquitania) correspondant, en gros à la RN 113 ; le canal du Midi (1681) permet au blé de Pompertuzat d’atteindre Narbonne et Sète, Marseille et Barcelone. Le canal de Riquet est le moteur du premier âge d’or du froment (1681-1850) ; les sacs de grains étaient embarqués aux ports très simples des écluses de Castanet, Vic et Montgiscard, ou au port aménagé de Baziège (au lieu dit lesLandes). Les grandes périodes de prospérité économique que nous évoquons se traduisent dans les paysages humanisés et architecturaux par de véritables collections de châteaux, d’églises, de fresques ou de pigeonniers.

Architecture du pastel et architecture du blé
La frise ci-dessus permet de comprendre la répartition des constructions, églises et châteaux dans le temps ; pour édifier un château, il est nécessaire de disposer de grosses sommes d’argent que possèdent, seuls, les grands propriétaires ou les gros commerçants de pastel par exemple. Les périodes d’essor économique sont pour le pastel de 1300 à 1600 ; pour le blé de 1681 à 1850.

Châteaux et églises du Montgiscardès
Dans les collines de l’Ouest du canton de Montgiscard, à Corronsac, l’église est reconstruite en 1572 ; à Espanès, un très beau château du pastel avec des "bouches à feu" pour le tir des premières armes à poudre (mousquets, couleuvrines). A Issus, un énorme château du 16ème siècle avec deux pigeonniers symétriques en forme "pied de mulet". A Montbrun, le château de Latomy est pour l’essentiel du 16ème, transformé et complété au 18ème ; à Noueilles, le château les Grèzes est du 18ème. A Pompertuzat, le château du village est du 18ème ; près de la RN 113, le petit castel est du 19ème.


Clocher de Corronzac

Dans les collines du Castanéen
A Aureville, le château du 15ème appartient à la famille des célèbres marchands pasteliers les Isalguier ; à Auzeville, le castel Marly serait du 14ème ; celui des Frères Tailleurs : fin du 16ème siècle ; l’église est du 16ème. A Goyrans, le château est du 17ème, l’église plutôt du 18ème ; à Lacroix Falgarde, le château est du pastel ; une très jolie chapelle, la Gleysette, serait d’origine très ancienne, romane, mais récemment restaurée. A Péchabou, le château avec deux pigeonniers est du 19ème ; à Rebigue, les fonts baptismaux sont de 1578 ; le château d’Auzil, une partie est du 16ème, l’autre 18ème.

Ponts et écluses du canal de Riquet
Des travaux récents (1978) ont complètement mutilé les écluses du secteur qui nous intéresse : Castanet, Vic et Montgiscard ; cette dernière est amputée du bassin (ou sas) supérieur qui apparaît ainsi avec sa belle forme ovale. Par contre, deux ponts sont des curiosités à connaître : le pont de Pompertuzat (que l’on appelle le pont de Deyme) et celui de Donneville ; construits en belles briques foraines rouges, ils ont été reconstruits vers 1820-1830 après leur destruction volontaire par le maréchal Soult le 11 avril 1814, lors de sa retraite, devant les Anglo-espagnols du général anglais Wellington. Après la bataille indécise de Toulouse (le 10 avril 1814), Soult évacue la ville par la route du Lauragais, c’est à dire Castanet, Montgiscard, Villefranche, Naurouze ; pour se protéger sur sa gauche, il fait sauter tous les ponts du canal.

Quelques villages à visiter
En dehors de Castanet et de Montgiscard, les villages des collines ont peu d’habitants, et cependant, que de belles choses à découvrir. Castanet est devenu une ville de plus de 10 000 âmes ; étudiée dans un précédent numéro de Couleur Lauragais ; en 1355, la ville est incendiée par les bandes anglo-gasconnes du Prince Noir, puis elle est dévastée à plusieurs reprises au cours des guerres de religion du 16ème siècle. Au 17ème siècle la création d’un marché en fait un important centre commercial orienté vers Toulouse. A partir de 1970, la ville explose avec la multiplication des habitations et la création d’une ville nouvelle dans la vallée de l’Hers. Parmi les monuments à voir : une ancienne léproserie (à proximité de la gendarmerie), l’ancien hôpital, aujourd’hui MJC, construit au 17ème siècle par la famille des seigneurs de Fieubet. L’église est du 19ème, avec un clocher octogonal et des peintures intéressantes à l’intérieur.


Un nom de femme sur le Monument aux morts de Pompertuzat

Pompertuzat mérite une longue étude car cette commune possède des monuments très intéressants ; la forme du territoire communal ressemble à une sorte de lanière allongée jusqu’à la vallée de l’Hers et même au delà du canal ; près du canal, cette zone très humide était couverte de prairies naturelles : la Prairie de Pompertuzat dont l’herbe nourrissait les bovins des bordes des collines ; les communes voisines ont toutes leur Prairie très convoitée par les propriétaires, avec un parcellaire très morcelé comme celui d’Ay-guesvives de 1743 et entre les mains de la noblesse locale.

La seigneurie de Pompertuzat, au 16ème siècle, appartient à la vieille famille des Nautayre (ou Notayre) ; l’un d’eux est capitoul en 1436, puis la seigneurie est partagée entre plusieurs coseigneurs dont l’un serait Catherine de Médicis, comtesse de Lauragais puis reine de France. Plus tard, au 17ème siècle, parmi les seigneurs, nous observons un Pierre de Pelut conseiller du roi et lieutenant en la sénéchaussée de Toulouse ; au 18ème, en 1748, un coseigneur est André de Jougla, baron de Paraza, conseiller au Parlement; son petit fils est Henri de Villèle dont la famille habite toujours le Lauragais. Le village ancien a l’allure d’une rue, depuis la RN 113 jusqu’à l’église, avec, en montant, un joli puits, de très belles falaises taillées dans une roche originale appelée loess ; il s’agit de poussières compactées, conduites ici par des vents d’Ouest, sous un climat glaciaire très froid et très sec. A hauteur de la place du château, imposante muraille de belles briques du 18ème ; l’église Saint André et Saint Cloud est du 16ème, donc du pastel ; à voir : une Gorgone d’époque gallo-romaine, des tableaux du 15ème (école italienne) et un autre du 17ème (école hollandaise) représentant les deux Marie, l’une est Marie Madeleine, l’autre la mère de l’apôtre Jacques le Majeur. Le monument aux morts est une pyramide avec un nom de femme, Jeanne Dieulafoy ; avec son mari, elle découvre, en 1884, la salle du trône de Darius, à Suze, en Perse ; elle meurt le 25 mars 1916, au château de Langlade, à Pompertuzat, des suites d’une maladie contractée au Maroc alors qu’elle servait comme infirmière de la Croix Rouge.
A Deyme (835 habitants), la seigneurie appartint à Michel du Faur de Saint Jory; en 1765, elle est érigée en comté en faveur du maréchal de camp de Durfort. Le clocher mur pignon de l’église est très simple avec 5 baies campanaires.
Donneville, au 16ème siècle, le seigneur est Simon de Garaud, d’une très ancienne famille du Lauragais ; en 1659, la seigneurie est érigée en marquisat au profit du président Jean Georges de Garaud-Duranti. L’église (16ème) possède un clocher mur avec deux pignons triangulaires d’inégales dimensions ; une cloche est datée du 16ème siècle.
Montgiscard est un bourg important (2000 habitants) qui, au 13ème siècle, est dominé par le seigneur de Belbèze et son château d’en Dardé ; prenant parti en faveur des Croisés envahisseurs, le seigneur de Belbèze provoque le comte de Toulouse qui prend et détruit Montgiscard. A proximité du village, s’élève un centre de pèlerinage très actif : Notre Dame de Roqueville ; au 13ème siècle, Saint Dominique et Simon de Montfort y sont venus ; au 17ème, Roqueville est le siège d’un groupe de poètes religieux célèbres. A l’Est de la chapelle actuelle (récente), le château de Roqueville est habité par une puissante famille cathare : les Roqueville, avec l’inoubliable Alazaïs qui monte sur le bûcher vers 1240, et ses 5 fils (voir "Etudes sur Roqueville" J. Odol). Le château actuel est du 16ème et complété au 18ème. L’église de Montgiscard et son clocher est un des ensembles les plus connus du Lauragais ; le clocher a été construit par Dominique Bachelier et refait à l’identique vers 1890 ; il s’agit d’un clocher-mur au sommet horizontal, avec machicoulis, six baies campanaires, deux tourelles.

Issus (291 habitants) est dans le bassin-versant de la Hize ; au 18ème siècle, parmi les seigneurs, une famille de banquiers, les Courtois ; le château est à voir : du 16ème et remanié plus tard, sans doute au 18ème ; de plan rectangulaire, il est défendu par quatre tours carrées et qui actuellement sont transformées en pigeonniers avec toit en pied de mulet ; une jolie fontaine à la sortie du village.
Espanés : au 16ème siècle, la seigneurie appartient à la famille d’Espagne qui la vend à Simon de Lancefoc, riche marchand de pastel toulousain ; vers 1765, elle est entre les mains de la famille Laborde. L’église Saint Martin date du 16ème siècle et construite en magnifiques briques foraines ; une cloche du 16ème siècle ; église type du Lauragais avec mur pignon, cinq baies.

Bonne route, dans les collines.
Jean ODOL
Bibliographie :
G. Floutard : "Etudes sur Pompertuzat"
J. Odol : "Etudes sur Roqueville"

Couleur Lauragais N°53 - Juin 2003