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Le Musée Rural de Jean Farenq

Certains lieux, au cœur du Lauragais sont assez peu connus. Couleur Lauragais vous invite aujourd’hui à visiter l’un d’eux : le musée rural de Jean Farenq à Algans (81). A force de passion, cet homme a rassemblé une multitude d’objets sur les métiers d’autrefois ainsi que des objets quotidiens du début du siècle. Le musée devra prochainement déménager. Jean nous a ouvert encore une fois ses portes pour vous permettre de découvrir ce patrimoine exceptionnel.


"Un joug en fer"

Une collection rassemblée sur plus de vingt-cinq ans
Jean Farenq est né en 1955 sur la commune d’Algans. Ajusteur mécanicien de profession, il a une passion qui occupe tous ses loisirs depuis 1975 ! Année après année, il a rassemblé une multitude d’objets du patrimoine rural. Il a ainsi constitué un véritable musée qu’il a installé dans les murs de la maison de ses parents, celle-la même où il est né.


"Outils de jardin : liador, raslha, faucilles…"


Sur une surface de plus de 900 m2, on y trouve de vrais trésors comme ces outils récupérés auprès de nombreux artisans : sabotier, menuisier, charpentier, tonnelier, charron, forgeron, tailleur de pierre ou encore cordonnier du début du 20ème siècle… Jean possède aujourd’hui plus de 5 600 pièces différentes. Une collection qu’il a rassemblée peu à peu, et tout d’abord en sollicitant ses proches. Son grand-père a fait naître cette vocation le jour où il lui a légué un métier à tisser qu’utilisait son propre oncle à la fin du 19ème siècle ; au fil du temps, des artisans ont complété sa collection. A leur départ en retraite, ces derniers ne souhaitaient pas que leur matériel se perde au fond de quelque vieux hangar, recouverts de poussière, et ont préféré en faire don au musée. Jean a aussi acheté de multiples pièces à des particuliers ou des professionnels. Autour de cette collection, il a réuni une imposante documentation qui explique l’utilisation des outils ou le contexte de l’époque. Tous les outils exposés sont également accompagnés de leur nom en occitan et en français.

Visite guidée du musée rural
Pour abriter ces milliers de pièces, Jean Farenq a reconstitué, dans la maison familiale, l’habitat du début duXXème siècle. Plus qu’un musée, cette maison est ainsi devenue un endroit hors du temps où l’on peu découvrir de nombreux objets qui formaient le quotidien de nos aïeux.
La visite commence dans le hall d’entrée ou trône un ancien métier à tisser en parfait état de fonctionnement. Inscrite sur les murs, la profession de foi de Jean Farenq : "Patience et volonté m’ont donné la force de créer ce Musée en 1975. Pourquoi ? Parce que mes ancêtres m’ont laissé des lieux et de multiples vestiges. Je me suis dit alors que le passé n’est qu’une nuit d’ombre auquel il suffit de rendre la lumière pour le redécouvrir. Depuis 1975, je me passionne à rassembler tout ce qui peut évoquer un si riche passé afin que les génération présentes et futures puissent, si elles le désirent, retrouver leurs racines dans cette terre occitane que j’aime tant…". L’aboutissement de cette volonté est visible dans toutes les pièces de la maison.


"Ustensiles de cuisine"


La chambre, explique Jean, n’a pas bougé depuis le début du siècle dernier. On y trouve pêle-mêle, un vieux poste à galène retapé, mais aussi une "charrette landeau à deux places" que l’on pouvait trouver dans un catalogue de Manufrance des années 30. Réalisée en hêtre vernis, elle comporte des dossiers réversibles qui permettaient d’y asseoir les enfants dos à dos, face à face ou en tandem : l’ancêtre de nos poussettes !
Dans la cuisine, organisés autour d’une table en bois brut et d’une cheminée monumentale, on reconnaît d’antiques brocs, des battoirs en bois polis par le temps ou encore des lampes à huile ou des fers à repasser posés sur la poutre au dessus de l’âtre… Plus exceptionnelle encore, une machine à laver le linge, modèle que l’on retrouve également, pièce pour pièce, dans le catalogue de la Manufacture française des armes et cycles, édition 1930. Cette machine y est décrite comme le modèle de campagne réalisé en tôle galvanisée et utilisant un foyer à bois, charbon ou briquette. On devine en la voyant, l’énergie qu’il fallait déployer pour laver quelques draps en lin ou autres pièces de tissus.

"La machine à laver"

Le grenier est devenu une salle d’exposition permanente avec des centaines d’outils classés par corps de métiers : une collection impressionnante de faucilles, serpes, rabots, lames de cordonniers, … autant d’outils qui retrouvent ici une seconde vie, après avoir été utilisés durant des années par des artisans du Lauragais ou d’ailleurs.

Un musée à ciel ouvert
Le musée s’étend aussi dans la grange à côté des bâtiments principaux ainsi qu’à l’extérieur avec une exposition d’outils et machines agricoles du début du siècle. On y trouve par exemple une pompe à essence biscornue ou encore une monumentale machine agricole d’origine hongroise dont on peut se demander combien de bœufs étaient nécessaires pour arriver à la faire bouger. Jean compte également dans sa collection, quelques pièces uniques comme ce joug en fer inconnu en France. Un amateur éclairé affirme que c’était une pièce que l’on trouvait dans l’Espagne du début du 20ème siècle. Personne ne sait comment elle est arrivée dans le Lauragais. Jean l’a récupérée toute rouillée dans le village de la Salvetat. Elle constitue aujourd’hui l’une des pièces les plus originales de sa collection !

      

         "Presse pour réaliser
              les balles de fourrage"
"Pompe à essence"

                     "Moissonneuse"

"Outils de sabotier"

Conserver, restaurer et … promouvoir
Plus que de la simple conservation, Jean s’attache aussi à remettre les machines et outils en état de fonctionnement, accomplissant ainsi un formidable travail de sauvegarde. Un travail qu’il revendique d’ailleurs : "le musée rural permet de sauvegarder le patrimoine de l’agriculture et de l’artisanat du monde rural et de réaliser ainsi une exposition à caractère historique, éducatif pour les écoles, culturel et touristique pour la région".
De bricoleur passionné, Jean a dû s’intéresser aux métiers anciens et acquérir de nouvelles compétences pour pouvoir remettre à neuf les machines qui venaient rejoindre son musée. Il a ainsi suivi plusieurs stages de menuiserie, de charpenterie ou encore de coupeur de cuir.
Et pour promouvoir son musée, Jean n’a pas hésité sur les moyens utilisés : faisant imprimer des affiches, des dépliants, envoyant ces prospectus aux offices de tourisme de la région et se faisant inscrire dans plusieurs guides touristiques (Michelin ou Gallimard notamment). Depuis 1992, ce sont pas moins de 5 000 personnes qui ont visité son exposition. Preuve de ce succès, Jean a été contacté dans les annés 90 par le réalisateur français Pierre Granier-Deferre. Celui-ci entamait le tournage des scènes de son film "Le petit garçon" dans la région. Son équipe a contacté Jean qui a mis à la disposition du film des outils de lavandière ainsi que toute la panoplie du tueur de cochon du début du siècle.

Une association pour construire l’avenir
Entretenir un tel trésor et le mettre en valeur demande des moyens considérables. Jean a donc décidé, en 2002, de devenir membre d’une association loi 1901 : "Pastel" (Patrimoine Agricole Savoir Techniques en Lauragais). 200 personnes y adhèrent. L’association fait elle-même partie d’un vaste réseau régional dont "La Fuelha de Pastel" est un organe de liaison regroupant les "amateurs de vieilles mécaniques en pays Lauragais et ses environs".
L’avenir du musée est cependant incertain. La maison de ses parents a en effet été vendue suite au décès de sa mère, et Jean va devoir quitter la demeure familiale en ce début d’année.
Pour sauver son musée, il a entamé des démarches auprès de nombreuses mairies de la région leur proposant de rependre l’idée du musée rural. Toujours passionné, il souhaite suivre son musée dans sa nouvelle localité d’accueil et continuer à s’investir à titre bénévole. Des contacts ont été pris et Jean attend aujourd’hui les réponses pour préserver ce patrimoine exceptionnel qu’il a réuni au fil des années.

"La batteuse"


Interview : Pascal RASSAT
Crédit photos : Couleur Média


Couleur Lauragais N°49 - février 2003