


Marchés et Foires en Lauragais
Moyen Age avait ses foires célèbres en Europe : foire de Champagne (Troyes, Provins), dIle de France, foire du Lendit à Saint Denis créée par Dagobert et de Beaucaire dans les Etats des comtes de Toulouse. Odette Bedos nous conduit ce mois-ci à la découverte des marchés Lauragais encore et toujours fortement fréquentés.
Ces 
    manifestations économiques populaires rapportaient des livres* aux 
    centres commerciaux. Elles attiraient des acheteurs étrangers, leur 
    brassage de populations était bénéfique au progrès 
    des civilisations.
    La " foire ", du latin feria était un jour de fête 
    pour la population. Dans notre Lauragais agricole, la vie économique, 
    source de richesse, était assurée par les marchés hebdomadaires 
    et des foires périodiques. Pour les gens du terroir, ces rassemblements 
    étaient loccasion découler leurs produits : grains, 
    bétail de ferme, animaux de trait, ovins, porcins et volailles grasses 
    et vivantes. On achetait au marché les produits indispensables au ménage 
    : sel, sucre, café, huile, morue, sardines salées pour le jeûne 
    du vendredi, des ustensiles culinaires, des chaussures et des vêtements.
    La sortie hebdomadaire
    Les 
    marchés et les foires favorisaient les rencontres. On y apprenait les 
    nouvelles, on échangeait des idées, on communiquait.
    Il y a quelques années cest à pied, à cheval ou 
    en attelage que les ruraux se rendaient au marché. Il était 
    fréquent de rencontrer en chemin des " ménos " de 
    bétail (ou troupeaux de bufs) dune dizaine de têtes 
    conduites par un vacher sachant manier le " toucadou " (aiguillon) 
    afin de canaliser ces précieux auxiliaires des exploitants.
    LEglise nétait pas exclue de ces réunions dintérêt 
    économique puisquelle autorisait les municipalités à 
    fixer les jours de foire pour la fête dun Saint.
    Villefranche, chef lieu de canton avait ses foires saisonnières :
    - le 22 janvier, foire de la Saint Vincent ou foire dhiver,
    - le 8 mai, foire de la Saint Michel Arcange ou foire de printemps,
    - le 16 août, foire de la Saint Roch (patron des animaux de ferme) ou 
    foire dété,
    - le 29 septembre, foire de la Saint Michel ou foire dautomne.
    Villefranche 
    - place Edmond Caze, un jour de foire
    
Collaboration 
    municipale
    Marchés et foires se déroulaient sur des espaces appropriés 
    : halles couvertes, galeries ou en plein vent.
    Aux quatre points cardinaux du " terradou ", le calendrier des ces 
    transactions était ainsi réparti :
    - Le lundi, échanges et affaires seffectuaient à Castelnaudary, 
    capitale du cassoulet et centre collecteur de céréales avec 
    son bassin où accostaient les coches deau amenant négociants 
    et courtiers et les barques de marchandises en partance pour le Pays Bas. 
    
    - Le mardi, aux portes du Lauragais, Castanet marché créé 
    en 1641 par Louis XIII, sur laxe routier Est-Ouest, Auriac sur Vendinelle, 
    St Félix et Salles sur lHers se partageaient vendeurs et acheteurs. 
    Salles, dans la Piège, avait quatre foires annuelles fixes : le mardi 
    de Pâques, le 18 septembre, le mardi avant la Toussaint et le 18 décembre. 
    Belpech tenait son marché le mercredi, jour de Mercure, dieu du commerce 
    ainsi que Nailloux, pôle agricole des côteaux. Au cur dun 
    terroir fertile en céréales, blé, maïs, orge, avoine, 
    cette place attirait courtiers en grains et producteurs céréaliers. 
    Sa halle aux grains avec mesures incorporées en témoigne. Conscient 
    du développement économique de sa juridiction épiscopale, 
    Loménie de Brienne (Archevêque de Toulouse, 1762-1788) fit aménager 
    la route de désenclavement Nailloux-Gardouch. Ainsi Nailloux fut en 
    liaison directe avec Villefranche pour le courrier et les communications (voie 
    deau et rail). Après lengrangement des récoltes 
    et les mutations de métayers, sa foire de novembre amenait des marchands 
    de mules dEspagne.
    Castelnaudary place de la République un jour de foire
    Revel - bd de la République jour de marché
Monopole 
    économique aux confins du Lauragais
    - Le mercredi, à la limite du Tarn, sur un bélvédère 
    naturel, les gros marchés de Puylaurens drainaient la campagne environnante. 
    On y négociait le bétail de ferme : bufs, vaches, veaux, 
    moutons, porcs et animaux de basse-cour. Les paysans sy procuraient 
    cables, cordes, " courdils ", harnais, lampes à pétrole, 
    denrées comestibles, ustensiles, mercerie et bonneterie et toute espèce 
    de vieilles choses bon marché appelées "ferratégos". 
    Puylaurens avait ses foires annuelles fixes : le mercredi des Cendres, le 
    mercredi des Rameaux, le dernier mercredi daoût, le 21 octobre 
    et le 13 décembre.
    - Le jeudi, les autorités municipales ouvraient les portes au public 
    à Montgiscard et Caraman, centres ruraux perchés dans le " 
    terrefort ". Cétaient danciens comptoirs médiévaux 
    qui rapportaient des droits péagiers et leudiers. Eleveurs et trafiquants 
    de bufs se retrouvaient sur le foirail ( le fiéral). Sur le mercadial 
    ou place du marché, "au milieu dinsolentes clameurs", 
    chalands et marchands bonimenteurs se faisaient face avant larrangement 
    final.
    Caraman - le marché et la Halle
- 
    Le vendredi, jour de Vénus, fut choisi par Villefranche, chef lieu 
    de canton bien situé sur laxe routier Toulouse-Languedoc, dans 
    un environnement agricole. La vocation économique de cette " bastide 
    " remonte à sa fondation au XIII siècle. Elle offrait au 
    public pour ses marchés et ses foires huit vastes places aménagées 
    dont deux couvertes (halle aux grains et halle centrale). 
    - Le samedi, Baziège et Revel procédaient à leur manifestation 
    commerciale hebdomadaire. Baziège, bien placée en bordure dun 
    axe routier vital très ancien et Revel enclavée dans un environnement 
    agricole. "Badera", marché au sel de la Narbonnaise sur la 
    voie romaine dAquitaine fut un comptoir sous la Pax romana. Au Moyen 
    Age des seigneurs sen disputaient les droits (péage et leude). 
    La vocation mercantile de ce centre céréalier du Lauragais sest 
    perpétuée grâce au Port des Landes et au Chemin de Fer 
    mais notre vie moderne a modifié le déroulement de ces manifestations 
    commerciales. Revel, au pied de la Montagne Noire, bastide valoisienne dans 
    la vaste forêt du Vauré était destinée au commerce, 
    comme Villefranche. Dans un espace essarté, voué à lagriculture 
    et à lélevage, ce centre commercial quelque peu à 
    lécart des voies de communication ratissait large. Autour du 
    Beffroi, sous sa place médiévale, paysans et marchands étalaient 
    leurs produits sur des «tréteaux boîteux». Sur le 
    Tour de ville, près de léglise Notre Dame, les maquignons 
    en blouse bleue sefforçaient de convaincre les vendeurs obstinés 
    afin dobtenir le meilleur prix. Le but recherché par les deux 
    parties " mercadiès " (vendeurs) et " croumpayrés 
    " (acheteurs) était le marchandage.
    " Qui fièrejo, pélaudéjo " (celui qui veut 
    réaliser une affaire doit discuter ferme). Lorsque les deux antagonistes 
    tombaient daccord, ils se tapaient la main droite en déclarant 
    : tope là ! Cétait le " toco-mas ", geste coutumier. 
    Pour fêter la transaction, on se rendait à lauberge boire 
    le verre de lamitié. 
    Nailloux - marché à la volaille
    Castanet - le marché
    Baziège - marché à la volaille 
Réjouissance 
    populaire
    Marchés et foires offraient au public des divertissements. Baladins, 
    bâteleurs, jongleurs et montreurs dours de lAriège 
    animaient ces journées commerciales. Le marchand dorviétan 
    proposait à grand renfort de boniments ses pommades, ses onguents et 
    ses élixirs. Les camelots nétaient pas en reste. 
    Dautres marchés locaux ont disparu (Villenouvelle, Montesquieu, 
    Montgaillard, Avignonet et Gardouch) au profit des grands centres.
    Les marchés modernes
    Si, aujourdhui, les marchés ne commencent plus au lever de laurore, 
    les ménagères sont au rendez vous sur la place. On achète 
    au camion par habitude. Le forain moderne est sympa. Son véhicule étirable 
    lui permet dexposer un choix de marchandises (vêtements, chaussures) 
    et même de les essayer dans une cabine appropriée.
Les foires aux bestiaux ont disparu mais les marchés de plein vent sont très prisés du public. Ils favorisent les contacts humains et font partie de notre Patrimoine.
Odette 
    Bedos 
    * Livre : monnaie courante = 20 sols = 240 deniers.
    Crédit photos : Collection Robert Pelissier
Couleur Lauragais N°38 - Décembre 2001