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Couleur Lauragais : les journaux

Histoire

La prestigieuse voie romaine d’Aquitaine et les débuts du christianisme en Lauragais
(3ème et 5ème siècle après Jésus Christ)

La ville de Badera, c’est le nom gallo-romain de Baziège, était traversée par la prestigieuse voie d’Aquitaine qui, de Toulouse conduit à Carcassonne et au port de Narbonne par le seuil de Naurouze. Autour de Toulouse rayonnaient cinq grandes voies romaines ; au Sud Est celle de Narbonne, à l’Ouest celle de Saint Bernard de Comminges et de Dax, à l’Ouest la route d’Auch, au Nord Ouest celle de Lectoure et au Nord, celle de Cahors.

 

Le tracé de la Via Aquitania
De la Porte Narbonnaise à Toulouse jusqu’à la limite de "la cité" à Bram, son tracé est jalonné de milliaires (comme ceux de Baziège et d’Ayguesvives) et aisé à reconstituer. A Toulouse, elle correspond à la rue Achille Viadieu (ancienne rue des Récollets) et le chemin Saint Roch, puis la RN 113 ; on la retrouve à Ramonville St Agne à la Peyrade où elle est à un mètre sous la chaussée actuelle ; plus loin entre Pompertuzat et la ferme Menjou, commune de Deyme, la photographie aérienne complétée par des sondages au sol ont permis de préciser le tracé sur deux kilomètres. Après Montgiscard, la voie traverse la vallée marécageuse de l’Hers sur des ponceaux (les pountils) jusqu’à Baziège, elle passe l’Hers sur le pont des Romains qui n’a rien de romain, car il a été construit en 1881 sur les fondations romaines. A Baziège la voie romaine correspond à la rue principale du village appelée aujourd’hui "Grande Rue". Après Baziège la route a été repérée sur plus d’un kilomètre jusqu’à Villenouvelle où l’on a recueilli deux milliaires aujourd’hui au musée Paul Dupuy. Avant le seuil de Naurouze, la voie passait à St Pierre d’Alzonne, Elusiodunum au 4ème siècle. Après Naurouze, sur le versant méditerranéen la voie se confond à peu près avec la RN 113, à Castelnaudary, elle a été détruite par la construction du Grand Bassin du Canal du Midi, elle suit ensuite exactement le tracé actuel de la RD 33 et par Pexiora atteint Bram : Eburomagus, limite orientale du Lauragais.


Eglise paléochrétienne du IVe s. et sarcophages wisigoths
Crédit photo : Philippe Benoist - Images Bleu Sud


Voie romaine entre Baziège et Montgiscard
Crédit photo : Collection Jean Odol

 

Caractères de la voie
A Deyme
, la voie a été étudiée par Georges Baccrabère avec des photos aériennes et des sondages ; ses dimensions sont impressionnantes : 6,5 m de large et 1 m d’épaisseur, donc un véritable mur enterré, elle est à flanc de coteau, à une trentaine de mètres au Sud de la 113. Elle se compose de six couches superposées dont le grès dur de la molasse et la terre graveleuse constituant les éléments prédominants ; à la base le hérisson est formé de blocs de grès posés debout d’une épaisseur de 30 à 40 cm ; le revêtement, en surface, est composé de gros galets roulés pour la plupart des quartzites très durs, venant de la Garonne, ou des terrasses voisines par exemple à Ayguesvives ; ces blocs semblent noyés dans le mortier.

A Baziège , vers l’Est, entre le village et Villenouvelle,la voie a été reconnue sur plus de 1000 mètres au Sud d’une ligne joignant les fermes de : le Pigné, Lupis, en Poulet, les Mathieux, Bellevue ; ici elle est localisée au Nord de la 113, à une cinquantaine de mètres. Elle a une largeur moyenne de 7 mètres, donc légèrement plus large qu’à Deyme, elle est bordée d’un large fossé, 1 mètre environ, et même, entre la voie et le fossé un bas côté de 1,5 mètres de large, elle est composée de plusieurs couches avec des blocs de grès, du sable, des graviers, de gros galets, des fragments de briques, du mortier en surface.

Entre Baziège et Montgiscard
Elle franchit les marécages de l’Hers mort sur des ponceaux, les fameux pountils. Ils sont parfaitement visibles sur la commune de Baziège puis sur la limite entre les communes de Montgiscard et d’Ayguesvives. La voie à plusieurs mètres d’épaisseur (2 mètres environ) et soutenue par des renforts en briques. Les ponts ont un tirant d’air de 3 m sur 5 m environ, ils sont en arcs de belles briques foraines.
Mais attention , la partie visible de la voie est récente : étudiée par l’Abbé Duffau dans son ouvrage sur Notre Dame de Roqueville, elle date de Colbert, milieu du 17ème siècle, les archives ont conservé le bail à besogne ; les fondations seraient romaines comme celles utilisées par le pont de l’Hers.
D’autres voies gallo-romaines se développent autour de Baziège ou dans la région proche du bourg ; ainsi le chemin Baziège – Toulouse par Labège (D 16), la route du Fresquel et de la Marcaissonne ; sur la rive gauche de l’Hers ; le cami ferrat ou la tholozanelle, au carrefour des Potences-St Léon la route des crêtes et celle de la Hize. Baziège est ainsi un carrefour de routes exceptionnel par leur densité ; ces routes ont fait de Baziège, dès l’Antiquité, l’un des centres économiques et commerciaux les plus actifs du Lauragais, et enfin, idée fondamentale : c’est par la voie romaine que le christianisme a pénétré en Lauragais.


Voie romaine entre Baziège et Montgiscard
"Les Pountils" au-dessus desquels passait la voie

 

Apparition du christianisme
Une étude sur l’arrivée du christianisme en Lauragais se heurte sur un redoutable problème : la rareté des documents sur cette période permettant d’écrire avec certitude les progrès de la nouvelle religion. Un puissant peuple gaulois, les Volques Tectosages s’installent à Toulouse et en Lauragais au 3ème siècle avant Jésus Christ. Ensuite les Romains, partis d’Italie et désirant s’installer en Espagne, suivent la côte par Nice, Marseille (fondée par les Grecs), Narbonne, Tarragone ; ils occupent Narbonne en 118 avant Jésus Christ et installent une garnison à Toulouse la même année. La religion romaine est polythéiste, avec de nombreux dieux et déesses et c’est dans ce milieu païen que le christianisme naît et se développe.
Les premiers chrétiens apparaissent dans les ports méditerranéens où vivaient d’importantes colonies d’Orientaux, grecs et juifs ; depuis la mer le christianisme remonte la vallée du Rhône jusqu’à Lyon où se fixe le premier évêque chrétien de la Gaule.


Saint Saturnin à Toulouse
Narbonne était un grand port avec une population cosmopolite dans laquelle des chrétiens apparurent à une date indéterminée, depuis ce port et suivant naturellement la voie romaine d’Aquitaine le christianisme atteint Toulouse. La naissance de la communauté chrétienne de Toulouse et la fondation de son église peuvent être tenues pour l’œuvre de Saint Saturnin (ou Sernin).
Sa "Passion" confirmée par le témoignage de Grégoire de Tours (un historien du 6ème siècle) le fait vivre et mourir en martyr en 250 après Jésus Christ, donc une communauté chrétienne importante existe à Toulouse et en toulousain dans la première moitiè du 3ème siècle (avant 250) ; la religion romaine n’avait pas cependant disparu comme en témoigne le récit de la mort de Saturnin. «L’évêque passe un jour devant le Capitole au moment précis où, par un sacrifice particulièrement solennel, celui d’un taureau, les prêtres et la foule espéraient encore rompre le silence des dieux. Reconnu, environné, malmené, il fut traîné dans le temple. Là, il refuse de "sacrifier aux dieux", la foule furieuse l’attache au taureau préparé pour le sacrifice et chasse la bête sur les degrés du sanctuaire. Dès la première marche, Saturnin a la tête brisée, les membres lacérés, l’animal continue sa course jusqu’à l’endroit où la corde se rompit et où deux chrétiennes, dont la tradition fera des Saintes Puelles, enterrèrent en cachette le corps du martyr pour le soustraire aux profanations des païens».
Après Saturnin nous avons retenu les noms d’évêques toulousains célèbres comme Thodanius, Hilaire, Silve, Exupère.


Vue aérienne de la voie romaine à Deyme

 


Saint Papoul, en Lauragais
Papoul est l’évangélisateur du Lauragais ; il a vécu probablement au 3ème siècle, avec Saturnin, il subit le martyre à trois kilomètres au Nord du village actuel, au lieu dit l’Ermitage, dans le petit vallon des Arnouls. C’est là qu’on le vit déposer lui même sur le sol sa tête que le glaive avait tranchée ; une source d’eau vive jaillit alors donnant naissance au ruisseau qui coule jusqu’à l’église. Le monastère sera élevé à proximité de ces lieux miraculeux. En 1317 est créé l’évêché de Saint Papoul et l’église devient une cathédrale, il perdure jusqu’en 1790.

Une église Paleo-Chrétienne
Un édifice religieux très ancien se reconnaît sur la commune de Montferrand, à Saint Pierre d’Alzonne, à proximité du seuil de Nauzouze ; il n’en reste que quelques pierres, des murs de 50 cm de hauteur, dessinant cependant un plan parfaitement reconnaissable avec un chœur (restauré) et trois nefs ; l’ensemble semble plus large que long, avec des dimensions témoignant d’une grosse communauté chrétienne. Ces souvenirs émouvants sont les témoins du christianisme primitif du 4ème siècle ; il sont les restes d’un édifice parmi les plus anciens de France et non seulement en Lauragais. Elusiodunum surveillait le passage stratégique du col de Naurouze par la voie d’Aquitaine ; une grosse ville gallo-romaine s’y était développée et il est tout à fait logique que le christianisme venu de Narbonne se soit développé précocement en ces lieux.
Amis lecteurs, faites une halte à Montferrand pour admirer l’église romane, les stèles discoïdales, les thermes, les sarcophages wisigoths (dans l’église paléo-chrétienne), sur la colline, les restes du château pris par Simon de Montfort pendant la Croisade contre les cathares, un fort, un phare de l’Aéropostale (de 1927).
Montferrand possède un patrimoine archéologique exceptionnellement riche.


Jean Odol


Bibliographie :
M. Labrousse : «Toulouse antique»
E. Griffe : «La Gaule chrétienne»
J. Odol : «L’abbaye de Saint Papoul»
G. Baccrabère : «Stations gallo-romaines en Lauragais»



Couleur Lauragais N°38 - Décembre 2001