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Couleur Lauragais : les journaux

Balade

Les moulins à vent du pays de Caraman

A proximité de la métropole régionale qu’est la ville de Toulouse, s’étend un petite contrée où depuis des siècles, prospèrent de riches et nobles cultures céréalières. Nous avons là le Lauragais où la fréquence des vents d’Autan et de Cers, contribuèrent à couvrir les crêtes des collines d’inombrables moulins à vent, dont quelques exemplaires, même s’ils ne sont pas toujours en bon état, subsistent encore pour le plus grand plaisir de nos yeux. Au coeur de ce territoire, érigé en Comté par Louis XI en 1477 et attribué à la famille de La Tour d’Auvergne, la dynamique petite ville de Caraman fut un centre où les moulins étaient largement représentés.


Caraman : Les trois moulins en ligne de La Lalande
(Crédit photo : Collection Robert Pelissier)

Les moulins de Caraman
Si malheureusement beaucoup de moulins ont disparu, il reste néanmoins de ce passé quelques vestiges aux portes de la ville, comme d’ailleurs dans plusieurs villages environnant ce chef-lieu de canton.
Les anciennes cartes postales de Caraman au début du siècle et qui sont parvenues jusqu’à nous, ne peuvent que nous faire regretter la disparition de la plupart d’entre eux.
Les trois majestueux moulins de Lalande disposés en ligne, sont les plus représentatifs de la commune. Malheureusement ils sont aujourd’hui entièrement détruits et ne reste de leur splendeur passée que la maison du meunier située route de Lavaur à gauche.
Disparus également les quatre moulins de Montbel. Disposés à la suite des uns des autres, ils étaient implantés route de Villefranche, à la sortie du village. Une très belle lithographie datée de 1841 en a fort heureusement fixé le souvenir. D’après une carte postale de 1900, il faut remarquer qu’ils ne sont plus que deux à figurer sur celle-ci. Désormais seuls quelques morceaux de meules bordant l’entrée d’une habitation restent en témoignage.
Entièrement détruit également le moulin Neuf. Il se situait à proximité du village, route de Revel à droite. Seule une ancienne carte postale témoigne de son existence.
Le dernier à dresser encore une partie de son fût, est le moulin de Quinquiri, plus connu sous le nom de Crosillat, et situé en direction du Vaux. Proche de la route et abandonné à son sort, il ne subsiste, qu’une partie du fût aux murs de pierres très épais, mesurant à la base 1,40 mètre, dépourvu de tout son mécanisme car arrêté depuis longtemps. L’intérieur envahi par la végétation, n’a probablement contenu qu’une paire de meules.
Aux alentours de Caraman, les villages ont presque tous été dotés d’un ou plusieurs moulins dont certains subistent encore au moins en partie quand d’autres ont totalement disparu.

Caragoudes
Moulin de la Paillasse : du haut de la colline sur laquelle il est implanté, ce moulin domine le village et la vallée de la Saune. Bien qu’il ne soit plus en possession que de deux bras de ses ailes, nous avons là un très beau spécimen, construit tout en brique rouge. Récemment restaurés, le toit et le fût sont dans un état parfait. A l’intérieur, les rouages datés de deux ans avant la Révolution, le sont tout autant, comme l’ensemble des deux paires de meules. Ce moulin est signalé appartenir en 1649 au seigneur du lieu Monsieur de la Font. Une longue lignée de meuniers au nom de Jonquières a ensuite desservi et possédé le moulin sans discontinuer. Près de deux siècles plus tard, le dernier meunier de cette "dynastie" devait en être Gustave Jonquières qui cessa de moudre vers 1950. Sur cette colline, pas très loin du précédent, un autre moulin aurait existé, mais il n’en reste aucune trace.

Albiac
Moulin d’en Seyre : il ne reste plus de ce moulin qu’une petite partie du fût de pierre, cependant mis en valeur par son environnement. Si nous ne connaissons pas sa date exacte de construction, celui-ci est mentionné dès 1668. A partir de 1921, Joseph Agasse en est le propriétaire meunier. Ce dernier était aussi meunier du moulin à vent du village tout proche de Loubens Lauragais. Son arrêt est intervenu un peu avant 1924, car à cette date on le retrouve déjà mentionné comme étant en ruine.

Auriac-sur-Vendinelle
Ce village situé au fond d’un vallon, était entouré sur les collines de 5 ou 6 moulins à vent, dont 4 subsistent encore ; le moulin de Notre dame qui ne possède plus ses ailes et est couvert d’un toit de tuiles ; le moulin de la route de Caraman, dont le corps est en pierre et particulièrement allong ; le moulin Hercule du Nord, qui possède une large pierre rectangulaire au dessus de la porte d’entrée ; et enfin le moulin de Janicou, un peu éloigné du village, qui est dépourvu de son toit.
Quant au moulin d’en Roumet, il est situé sur la route du Cabanial, à la limite des communes d’Auriac et du Faget. Il n’en reste que le fût de pierre dépourvu de toit.

Aurin
Moulin d’en Touret : bien que couvert d’un toit de tuiles à deux pentes, nous avons là un spécimen très intéressant, bâti suppose-t-on par les compagnons en 1672. La date se trouve gravée à l’intérieur de la tour, avec un monogramme du Christ. S’il n’a plus ses ailes qui lui furent supprimées en 1946, la mouture a cependant continué d’être assurée avec l’aide d’un moteur électrique, jusqu’à la mort de son meunier Hippolyte Montfraix, intervenue au cours des derniers mois de 1973. Ce moulin recèle plusieurs particularités. Tout d’abord à l’extérieur, vers le restant du haut de la tour sur à peu près 1/4 de la circonférence, il faut remarquer le décalage de la brique. On ne sait pas pourquoi. Ensuite, à l’intérieur au dessus de la chambre des meules, il ne faut pas manquer de s’attarder sur les belles arcades de briques qui constituent le haut de la tour. C’est le seul exemplaire construit de cette façon, du moins en Lauragais. A côté, à quelques mètres du précédent, se trouve un curieux moulin miniature entièrement construit (maçonnerie, mécanisme, ailes) par le meunier en 1911, pour se distraire. Il était opérationnel et faisait un sac de farine par jour. Celui-ci constitue à ma connaissance un cas unique.

Cambiac
Moulin Neuf : situé sur une motte artificielle, un très joli moulin construit en pierre et brique. Près de la porte une belle meule rayonnée est dressée. Parfaitement entretenu, il possède encore deux bras des ailes et chose plus rare, le treuil de bois qui permettait de manœuvrer le gouvernail, est toujours en place. Le toit à bardeaux a fait l’objet d’une restauration et est désormais en parfait état. A l’intérieur, au rez-de-chaussée, se trouvent commandées par un mécanisme en fonte, les deux paires de meules dans leur coffre en bois.
Auparavant ce moulin était équipé de trois paires de meules. Bien qu’aujourd’hui devenu inopérant depuis environ soixante dix ans, on peut encore voir le troisième pignon toujours en place au niveau du premier étage.
La date de construction 1691 est gravée dans le claveau, cependant d’après H. Webster, celui-ci fait remonter les origines à 1646.
Ce moulin à vent devait être un des derniers du Lauragais à marcher et c’est son meunier Marius Bonnet qui l’arrêta vers 1960.


Moulin de Cambiac
(Crédit photo : Pierre Mercié)

Francarville
Moulin d’en Bergé : construit en brique rouge, ce moulin date probablement du XVIIIème siècle. Bien conservé, son fût aménagé en habitation, ne possède plus ses ailes et est recouvert d’un toit de tuiles. Appuyée à la tour, une belle meule rayonnée est à remarquer près de la porte d’entrée. Il a été arrêté entre les deux guerres mondiales par le meunier Albert Racaud qui l’exploitait à cette époque. Ce dernier conduisait également le moulin à eau, située sur la commune de Vendine toute proche, et était le frère du meunier de Loubens Lauragais.
Moulin du village : Celui-ci a dû cesser toute activité depuis fort longtemps, car personne ne se souvient de l’avoir vu marcher. Déjà au début du XXème siècle, il ne possédait plus ses ailes.

Prunet
Situé à l’intérieur d’une résidence avec à côté l’ancienne maison du meunier, nous avons là un moulin intéressant, même s’il ne possède plus ses ailes ni son arbre moteur. Le fût a été restauré et crépi de couleur claire. Le toit refait en poivrière est de couleur rouge. Datant de vers le XVIIIème siècle, il a vraisemblablement été arrêté une première fois en 1934, avant d’être remis en route. Après avoir continué de marcher assez tard, il a définitivement cessé de moudre vers 1955. A l’intérieur, se trouvent toujours les deux paires de meules dont une est de granit. Et même si elles n’ont plus leurs coffres, sont dans un état impeccable, avec la boiserie parfaitement entretenue et cirée. La commande des tournants, encore en place, se faisait depuis la cave, au moyen de pignons de fonte, ce qui constitue un cas rare.

Saint-Germier
Le tronc de ce moulin, couvert de verte végétation, n’a plus d’ailes ni de toit en poivrière. Sur le linteau de la porte d’entrée, on remarque deux initiales, G.A., semble-t-il, et très difficilement la date de 1896. Il est cependant difficile de retenir celle-ci comme étant celle de la construction car à cette époque, la meunerie à vent, commençait à être de plus en plus fortement concurrencée par l’industrialisation. Apparemment le moulin est antérieur. Après la première guerre mondiale les ailes ont été supprimées, mais il a continué de moudre quelques temps encore au moyen de l’électricité, avant d’être arrêté dans les années 1930-1935, par le meunier Astric.

Toutens
Moulin de l’Hercule : ce moulin est connu sous ce nom car le dernier meunier à l’exploiter Metche était doté d’une très grande force. A la cime du toit, sur la girouette, figurent deux initiales ; AM du nom du meunier Auguste Metche. Au dessus de la porte, on peut lire une date, 1851 qui est celle de la reconstruction du moulin. Auparavant, il était implanté sur la commune voisine de Sègreville et appartenait à Monsieur Puntous. Le nouveau propriétaire meunier, Mathieu Ourliac donna un an pour effectuer le transfert. Toute les pièces défectueuses devaient être changées. Tous les frais de déplacement étaient à la charge du vendeur, et ainsi fut fait. Aujourd’hui, le toit a été refait en métal, en essayant d’imiter, autant que possible, le couvert de bardeaux de bois.

Loubens Lauragais
Perché sur une intéressante motte à contreforts et situé tout à côté de ce village pittoresque, il y avait à l’origine un groupe de deux moulins à vent, dont un seul subsiste aujourd’hui. Percé de deux portes, le fût construit en pierre, rénové et bien couvert, est dépourvu de ses ailes. Ces deux moulins ont appartenu au château de Loubens et furent vendus vers 1850 pour cause de non rentabilité. De quand datent-ils ? Dans un procès daté de 1535, entre Philippe de Loubens et Monsieur Raillac, on parle de moulins, d’après un parchemin très difficile à traduire, en vieux français, latin, occitan ? Mais voulait-il parler du moulin à eau, du ou des moulins à vent qui nous intéressent ? Ce manque de précision ne permet donc pas de prendre en considération avec certitude, qu’ils seraient du XVIème siècle. Le moulin restant de nos jours a été arrêté en 1935 à la mort de son meunier Emilien Racaud. Devenues inactives et livrées à la morsure des intempéries, les ailes devaient disparaître quelques années après seulement, vers 1939-1940. Du deuxième moulin à vent désormais totalement disparu, restait encore vers 1935, le fût dépourvu de son toit et de ses ailes. Auparavant, il avait été victime d’un incendie et à la suite réduit à l’inactivité. A cette époque, les moulins à vent dépendaient du château de Maurens-Scopont, situé dans le département du Tarn tout proche. Sur une petite colline un peu en dehors du village, deux autres moulins à vent auraient autrefois fonctionné côté à côte. L’un d’entre eux a aujourd’hui disparu et l’on n’en trouve plus aucune trace. La tour restante du second, transformée en pigeonnier et couverte d’un toit de tuiles, n’est guère en bon état. Isolé au milieu d’un champs, plus aucun chemin ne permet d’y accéder. La date de construction n’est pas connue, et de mémoire d’homme personne ne l’a vu marcher. selon toute vraisemblance, son arrêt est intervenu au cours de la seconde partie du XIXème siècle.


Loubens Lauragais : Les deux moulins en activité
(Crédit photo : Collection Robert Pelissier)

Mascarville
Moulin d’en Carretou : nous avons là en partie sauvegardé, un parfait exemple de la meunerie à meule telle qu’elle pouvait se présenter, au temps de sa pleine activité. Les deux moulins à vent d’en Carretou, étaient jumelés avec un moulin à eau situé sur le ruisseau qui longe à cet endroit, la route départementale en contrebas du village. Le premier presque intact, est le plus ancien comme l’indique la date de 1648, gravée dans la pierre. Il suffirait simplement de remettre les ailes en état pour qu’il puisse à nouveau marcher comme au temps jadis. En possession de tout son mécanisme ainsi que de ses deux jeux de meules au rez-de-chaussée, l’ensemble se trouve en parfait état. Arrêté seulement en 1963, par Hippolyte Cazeneuve, il a été le tout dernier moulin à vent du Lauragais à moudre, que j’ai pu trouver. Le deuxième en partie arasé et couvert d’un toit de tuiles à deux pentes, a été construit en 1832 par les Cazeneuve. Il fut arrêté en 1914.


Mascarville : moulin d’En Carretou
(Crédit photo : Pierre Mercié)

La disparition de la meunerie
Comme nous venons de le voir, la meunerie à vent était très prospère dans cette région de collines, où l’Autan et le Cers par leur fréquence (présents en moyenne 300 à 330 jours par an) ont largement favorisé le développement de cette profession.
La production importante des céréales cultivées ainsi que l’excellente qualité des blés récoltés (le Lauragais est l’un des meilleurs terroir de France pour cette culture), ont également contribué à la diffusion du moulin à vent durant des siècles. Hélas aujourd’hui les temps ont bien changé, et excepté un petit nombre remis en état par des passionnés pour conserver une mémoire, la plupart de ces moulins sont à l’abandon.
Comment donc un si riche et si abondant patrimoine culturel a-t-il pu être décimé en moins d’un siècle ? L’indifférence due à leur profusion n’est pas une raison suffisante. C’est plus certainement l’évolution technologique et les progrès de la minoterie industrielle qui en adoptant dès la fin du XIXème siècle le système de mouture Hongroise faisant usage de cylindres, ont contribué à l’abandon des moulins à vent. Au début, ils essayèrent bien de lutter mais le rendement de la minoterie était tel qu’ils ne purent rivaliser avec, et durent s’incliner devant sa puissance. Telle fut la rançon du progrès. Un sujet intéressant que nous aborderons dans un prochain numéro.


Pierre MERCIÉ
Launac (31)
Auteur du livre "Sur la route des Moulins à vent du Lauragais"

Couleur Lauragais N°37 - Novembre 2001